Pannes, retards, rames bondées… Bienvenue dans “l’enfer” du RER B! Indispensable aux jeux olympiques de 2024 et à un million d’usagers quotidiens, cette ligne francilienne vétuste souffre d’un retard d’investissement chronique que l’Etat et la région Ile-de-France tentent de rattraper sans vraiment convaincre.
“Si l’enfer devait exister, il ressemblerait au RER B“, accuse Catherine Laussucq, qui emprunte depuis 30 ans cette ligne traversant la région parisienne du nord au sud. De Sevran (Seine-Saint-Denis), où elle réside, son trajet est direct pour se rendre à son travail à Denfert-Rochereau à Paris. Mais “il n’y a pas un seul moment où je peux dire à mon employeur que j’arriverai à temps pour une réunion“, témoigne cette mère de famille qui a lancé le “Comité des usagers du RER B Nord” en 2013.
Son quotidien: “Un train en panne ou bloqué par des coupures d’électricité, des bagages abandonnés, des touristes esseulés. Imaginez ceux qui doivent pointer à l’heure, c’est une vie très difficile, à en devenir malade“, confie cette cadre proche de la retraite.
“Le premier réflexe en se levant le matin, c’est de regarder le compte Twitter du RER, c’est un souci permanent“, indique Laurent, secrétaire de rédaction dans les Hauts-de-Seine. Il fait part de son “exaspération“, un mot qui revient souvent quand l’AFP interroge des usagers.
Avec deux exploitants (SNCF au nord et RATP au sud) et un bout de tunnel à partager avec le RER D, la ligne B est la moins ponctuelle de la région parisienne. La moitié nord, qui dessert notamment l’aéroport de Roissy et irrigue la Seine-Saint-Denis, est en dessous des objectifs de ponctualité fixés par Ile-de-France Mobilités (IDFM). RATP et SNCF ont écopé d’un “malus”, ouvrant la voie à des indemnisations pour les usagers (qui seront décidées en janvier). Mais ceux-ci réclament avant tout des trains à l’heure et modernes.
Le RER B, deuxième ligne par sa fréquentation en Europe après le A, roule avec un matériel datant de la fin des années 1970. “Il était urgent de le renouveler“, reconnaît le vice-président d’IDFM, Grégoire de Lasteyrie.
Concert et foot prioritaires
A l’horizon 2025, les premières rames d’un RER nouvelle génération devraient circuler, “plus fiables, plus confortables, sur deux étages, avec des prises USB, une meilleure information, une meilleure ventilation de la température“, vante Grégoire de Lasteyrie.
La livraison des 146 rames, pour 2,56 milliards d’euros financés entièrement par IDFM, n’accuse “pas de retard“, assure le constructeur Alstom. Mais de nombreux usagers doutent que la ligne B soit une “priorité“, comme l’avait martelé la Première ministre Elisabeth Borne quand elle s’occupait des Transports.
Les travaux de modernisation, aussi indispensables qu’interminables, exigent des interruptions de circulation en soirée et les week-ends. Le calendrier est décidé “un ou deux ans à l’avance par SNCF Réseau, et très compliqué à reprogrammer“, indique Grégoire de Lasteyrie.
Mais pour le concert d’Indochine ou la finale de Ligue des champions en mai au Stade de France, l’agenda a été balayé d’un revers de main et les travaux momentanément interrompus, à la demande de l’exécutif.
A l’été 2024, la ligne sera pourtant essentielle pour se rendre aux épreuves de natation et d’athlétisme des jeux Olympiques… et à l’aéroport de Roissy.
Autre point de crispation, justement: le CDG Express, ligne rapide qui doit s’y rendre fin 2026, et dont les travaux sont enchevêtrés avec ceux du RER B. “Les gens sont naïfs, ils pensent que les travaux “c’est super, c’est pour nous, pour le RER B”, mais ils sont à 90% pour le CDG Express, un train qu’ils ne prendront jamais, auquel ils n’auront pas accès avec leur passe Navigo, et qui sera un transport pour les riches“, dénonce Catherine Laussucq.
La région Ile-de-France fait porter la responsabilité du projet sur l’Etat, mais concède que le RER B va bénéficier de 537 millions d’euros d’investissements apportés par le CDG Express, une aubaine. Son calendrier est “trop volontariste pour garantir une exploitation normale du RER B“, met en garde Grégoire de Lasteyrie qui admet que “dans les mois qui viennent, l’exploitation du RER va être compliquée“. En attendant, les touristes venus de Roissy peinent à trouver leur chemin vers Paris, glissant leurs valises dans des rames bondées de banlieusards blasés.
Par Wafaa Essalhi
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