Alors que le nombre de bénéficiaires d’aide alimentaire en Île-de-France continue d’augmenter et que le plan de relance s’achève, les associations de solidarité doivent désormais affronter l’inflation. Une véritable quadrature du cercle. Rencontre avec les associations du Val-de-Marne.
Face à l’adversité, au moins les associations jouent-elles en équipe. “S’il pouvait y avoir des velléités de rester chacun dans son coin, la crise sanitaire nous a montré que c’était dépassé”, lance Lotfi Ouanezar, le directeur adjoint d’Emmaüs Solidarité. “Longtemps, on nous a reproché une sorte d’hégémonie. Aujourd’hui c’est la logique de mutualisation qui prévaut.La précarité a imposé la solidarité entre nous”, abonde Philippe Garcia-Marotta, président de la Croix Rouge du Val de Marne. Ce vendredi, les représentants d’associations sont réunis pour faire le point sur une situation de plus en plus critique.
Les épiceries sociales contraintes de s’aligner sur l’inflation
Désormais, c’est l’inflation qui préoccupe les associations. “Les bénévoles repartent frustrés s’il n’y a pas assez de nourriture à enlever”, témoigne Idir Zaïdi, secrétaire général de la Banque Alimentaire de Paris Ile-de-France (Bapif). Moins de dons et des produits plus chers, une boucle infernale. Pour certaines associations, la seule solution est de partager la hausse avec les bénéficiaires. “Aujourd’hui je me jette sur une opportunité de pêches à 0,65€/kilo, alors qu’avant les vacances j’en trouvais facilement autour de 0,3€/kilo. Nous avons eu de gros débats en interne pour préserver la viabilité économique de notre structure tout en continuant à proposer une offre variée et nous sommes résolus à faire évoluer la grille tarifaire pour rattraper la hausse. Mais certains services ne sont pas impactés, comme les paniers au bénéfice des publics en quartiers politique de la ville”, confie Nathan Bardin, directeur du Potager de Marianne, installé sur le Min de Rungis.
Pour Flora Michaud, animatrice du réseau des épiceries solidaires (Andes) en Île-de-France, il est nécessaire de préparer les bénéficiaires à l’augmentation du coût de la vie. “Nous proposons des denrées alimentaires à des tarifs allant jusqu’à 30% de leur valeur marchande. Les épiceries sont obligées de s’aligner. Une fois l’accompagnement terminé, les familles vont se retrouver à payer le prix fort. Ce ne serait pas les aider que de maintenir des prix très en-deçà de ce qui se pratique dans le commerce”, motive-t-elle.
“Il est temps que la grande distribution ne nous prenne plus pour sa poubelle”
Daniel Gissinger, président des Restos du cœur du Val-de-Marne
Des relations complexes avec la grande distribution
Alors que la loi Garot sur le gaspillage alimentaire, entrée en vigueur en 2016, interdit désormais aux grandes et moyennes surfaces de rendre les produits invendus impropres à la consommation, par exemple en les javellisant, les associations constatent paradoxalement que cela a conduit les distributeurs à casser les prix à l’approche de la date de péremption plutôt qu’à les donner de manière anticipée. “Depuis trois ou quatre ans, nous nous retrouvons avec des stocks de produits dont personne ne veut et qui périment le jour-même, quand ça n’est pas déjà le cas. Parallèlement à cela, il y a le problème des volumes. Le magasin vous impose parfois de prendre la totalité de son stock sans prendre en compte vos capacités et vos besoins réels. Il y a parfois une forme de chantage, c’est tout ou rien. Il est temps que la grande distribution ne nous prenne plus pour sa poubelle”, dénonce Daniel Gissinger, président des Restos du cœur du Val-de-Marne. Les associations s’agacent aussi du fait que la grande distribution défiscalise ces dons alimentaires quand les associations doivent encaisser le coût de la gestion, de la conservation et de la distribution. Invité à la réunion des associations, Matthias Ott, préfet délégué à l’égalité des chances dans le Val-de-Marne, a proposé une rencontre entre acteurs associatifs et représentants de grandes et moyennes surfaces pour rendre les relations plus fluides.
Après le plan de relance, commencer financer la plate-forme logistique ?
Le stockage des produits constitue par ailleurs un défi croissant pour l’aide alimentaire, face à l’augmentation des bénéficiaires. Sur ce plan là, les associations ont bénéficié d’un gros coup de pouce de l’Etat dans le cadre du plan de relance, qui leur a permis d’investir ensemble dans une plate-forme logistique. Trois associations, le Secours Populaire, La Croix Rouge et Emmaüs Solidarité, ont porté ce projet d’un demi-million d’euros. L’entrepôt de 600 m2, loué depuis un an à l’exploitant du parc d’activité des Petits carreaux, Segros, à Bonneuil-sur-Marne, dispose d’un conducteur avec chariot de manutention et d’un camion de livraison. Plusieurs dizaines d’autres associations plus petites y recourent également. “Cet espace nous permet gérer les à-coups de livraison. Nous y stockons des palettes qui encombreraient les lieux où nous recevons le public. Car à mesure que le nombre de bénéficiaires augmente, les volumes de marchandises s’accroissent”, résume Jean-Georges Belmont, représentant du Secours Populaire du Val-de-Marne.
Une urgence
Le problème est que le plan de relance est désormais terminé. La question du financement de la plateforme va donc devenir cruciale. “Nous avons terriblement besoin de vous et l’Etat fera tout ce qui est dans son possible pour pérenniser cette plateforme”, leur a promis Matthias Ott ce vendredi. Car les chiffres sont sans appel. Selon la Croix-Rouge du Val-de-Marne, après échanges avec les autres associations, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire dans le département a augment de 40 à 60% au premier semestre.
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