Emploi | Val-de-Marne | 04/07/2022
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Val-de-Marne: les job dating se multiplient face à l’augmentation des métiers en tension

Val-de-Marne: les job dating se multiplient face à l’augmentation des métiers en tension

Fin juin, pas moins de trois séances de job dating se sont tenues la même semaine dans le Val-de-Marne, de Champigny à Créteil, pour tenter de faire correspondre les emplois disponibles, pour certains de plus en plus cruellement en tension, et les demandeurs d’emplois dont la recherche s’apparente aussi au parcours du combattant.

Jeudi 23 juin, séance job dating à la Maison pour tous du Bois l’Abbé à Champigny-sur-Marne, organisée à l’initiative de la préfecture dans le cadre du club des entreprises inclusives. Dans la queue pour s’asseoir à la table d’Enedis, gestionnaire du réseau d’électricité, Zabiullah se tient prêt. Bien droit, petit polo et pochette à la main, le trentenaire, arrivé d’Afghanistan en 2018, explique avoir fini sa formation d’électricien il y a un mois et demi. “Là-bas, je suivais des études de génie civil. Mais ma situation ne m’a pas permis de reprendre ces études donc j’ai enchaîné avec une formation d’électricien”, raconte-t-il dans un français plus que correct, teinté d’un léger accent. “À chaque fois que j’envoie mon CV à une boîte d’intérim, ils me répondent que je n’ai pas assez d’expérience”, regrette-t-il. Les expériences, Zabiullah les a multipliées dans différents secteurs depuis quatre ans, dans la restauration, la vente, sur des chantiers…

Votre expérience, ce n’est pas un problème

“Votre expérience, ce n’est pas un problème. Vous parlez bien français, votre accent n’est pas une barrière”, l’encourage Christophe Lacote, en charge des entretiens pour Enedis. Avec une vingtaine de postes à pourvoir sur la région parisienne, en concurrence avec d’autres opérateurs, le recruteur n’entend pas laisser s’échapper les talents. “Chez nous, vous pourrez voir plusieurs postes, plusieurs régions, voire même plusieurs pays. Nous proposons des emplois de techniciens qui travaillent sur le terrain, et de chargés de projet qui supervisent le raccordement des clients. Vous souhaiteriez candidater pour lequel ?” Zabiullah opte pour devenir chargé d’affaires, sans cacher ses projets personnels : “Mon but, ce serait de travailler 3 ou 4 ans pour accumuler de l’expérience, puis me lancer en libéral.” “C’est une belle ambition”, commente le recruteur.

Le Grand Paris Express et les Jeux olympiques pèsent sur les besoins de métiers techniques

Fort de 30 ans d’expérience, ce chargé des relations avec les collectivités locales témoigne de son urgence à recruter. “Nous avons beaucoup de grands projets qui arrivent, notamment avec le raccordement du Grand Paris Express et des sites des Jeux Olympiques de 2024. En 2021, nous avons augmenté nos raccordements de 10%, et nous allons sur la même tendance cette année. La demande se fait donc de plus en plus pressante.”

Le stress du premier entretien

Venues de Vitry-sur-Seine, Kenza, Suzanne et Alyssa, 19 ans toutes les trois, passent le premier entretien de leur vie et sont pas mal stressées. Heureusement, elles ne sont pas venue seules, leurs conseillères Pôle Emploi, Léa et Audrey, les accompagnent et prodiguent des derniers conseils.“Toujours prendre un CV, une lettre de motivation avec soi. Avoir une tenue et un ton correct, et relire ses notes sur le trajet”, répète Léa comme un mantra. “Ça nous accompagne, on se sent moins seules. Sans vous, on serait reparties !” confie Alyssa à Léa.

Motiver

Nelson 20 ans, se tient à l’écart et reste sur son téléphone. Venu avec le groupe, il n’a pas passé d’entretien car aucune des offres d’emploi ne correspond à ses projets. “J’aimerais avoir un métier dans le tourisme, comme agent de voyages, ou bien dans le sport”, se projette-t-il.

Comment faire pour accompagner un jeune moins motivé ? “On s’accroche. On lui fait comprendre que s’il a décidé de s’engager, ce n’est pas pour rien. Il faut essayer d’établir une relation de confiance, d’aller à son rythme pour qu’il se sente à l’aise”, propose Léa.

Temps partiel ou temps complet : s’adapter aux besoins des demandeurs

L’après-midi, ce sont les métiers des services à la personne (auxiliaires de vie, petite enfance, nettoyage…) qui sont à l’honneur. Dans la salle de la Maison Pour Tous, il n’y a plus que des candidatures féminines, à l’instar de Nadia et Rachida, 60 et 50 ans. Les deux amies sont venues en voisines : elles habitent la tour Carpeaux, à quelques centaines de mètres. Nadia recherche à faire des ménages, de l’aide aux personnes en situation de handicap, ou même être cantinière, pourvu que ce soit à plein temps. Depuis six mois, elle fait des ménages au collège Boileau, à côté du Bois l’Abbé, mais c’est loin de lui suffire : avec seulement deux heures de travail par semaine, elle gagne à peine 350 euros. Trop peu pour compléter la pension de son mari, prof à la retraite. Cette année, le besoin se fait d’autant plus ressentir avec l’inflation : “J’ai une fille de 30 ans et une belle-mère de 70 ans que je dois aider en Algérie. Je reviens les voir chaque été, mais cette année le billet d’avion coûte 1000€ !”, se désole la sexagénaire, originaire de Sidi Bel Abbès. Le billet est déjà payé, mais Rachida espère bien combler le trou dans son budget. Elle postule à Auxilife, spécialiste de l’accompagnement des personnes à mobilité réduite.

Pour sa copine Rachida, la situation est différente. Avec deux enfants à la maison, elle ne cherche que du temps partiel. Et après avoir brièvement essayé d’être aide à domicile, elle ne cherche que des ménages dans les bureaux ou les cantine : “J’ai tenu deux jours. Les gens ne sont pas aimables, on doit vadrouiller partout, on nous reproche d’être en retard alors que c’est à cause des transports… et puis en deux jours, je n’ai gagné que 60€. Comment tu veux travailler comme ça ?”

Fortes tensions sur les services à la personne

Dans le Val-de-Marne, le nombre d’emplois à pourvoir dans les services domestiques ne manquent pas, multipliés par 4,6 entre les premiers trimestres 2021 et 2022, selon les chiffres de Pôle Emploi. Présent e jeudi, Jean-Victor, détenteur d’une franchise O2, spécialisée dans les services à la personne à Villejuif et au Kremlin-Bicêtre, fait état d’une vraie difficulté pour stabiliser le personnel. “Les gens restent un an en moyenne. En deux ans, nous avons dû faire une trentaine de recrutements pour un effectif de 10 personnes au total. Aujourd’hui, nous ouvrons 5 postes, pour anticiper la rentrée, mais aussi pour combler d’éventuels départs.” Pour ce job dating, l’entreprise avait reçu 11 CV en amont de la journée mais seulement deux candidats se sont présentés. Pour attirer du monde, Jean-Victor tente de rendre les offres plus attractives, en proposant par exemple des primes et des chèques cadeaux. Récemment, il a aussi fait passer le salaire une quinzaine de centimes au-dessus du SMIC horaire. Un effort timide : “Il faut aussi pouvoir rester rentable”, rappelle-t-il.

Jean-Victor, patron de la franchise O2 Villejuif-Kremlin-Bicêtre, entouré de ses responsables commercial et ressources humaines.

Des entreprises de plus en plus demandeuses de ces rendez-vous

Chez Babychou, dans le secteur de la petite enfance, le bilan de la journée est fructueux. Les 8 entretiens de l’après-midi ont donné lieu à 8 huit seconds entretiens! Même succès chez Bien vieillir, qui propose des services aux personnes âgées. Après 5 entretiens, l’agence Ile-de-France a procédé à 2 embauches. De quoi ravir Nadia Megdoud, salariée du Pôle Emploi de Vitry-sur-Seine, co-organisatrice de l’événement : “On est bon hein ? Notez le !”.

“Quand on organisait des événements de ce genre il y a quatre ou cinq ans, très peu d’entreprises participaient, se souvient Laurent Jeanne, maire de Champigny. Maintenant, on accueille une vingtaine d’entreprises. Beaucoup proposent directement des CDI et se montrent beaucoup moins pointilleuses sur les profils.”

Au total, une trentaine d’employeurs ont répondu présent ce jeudi, du géant du hard-discount allemand Lidl au spécialiste des travaux en hauteur Colibri en passant par Enedis ou les entreprises de services à la personne. 86 offres d’emploi étaient à pourvoir.

Job dating au pavillon Baltard

La veille, c’est à Nogent-sur-Marne, au pavillon Baltard que l’association Visemploi 94 avait organisé un job dating dans le cadre de la fête des 20 ans du club Vivre et entreprendre, avec le même succès. “Nous avons eu 200 offres d’emploi proposées par les entreprises et 200 candidats avaient postulé”, chiffre Catherine Thibaux, responsable de l’équipe 94 de l’association qui propose du mentorat pour aider les personnes éloignées de l’emploi à se réinscrire dans un parcours professionnel.

Bus destination emploi chez Transdev

Cette même semaine encore, le territoire Grand Paris Sud Est Avenir et l’opérateur de transports publics Transdev organisaient deux jours de job dating à Créteil avec un bus de l’emploi, pour tenter de recruter des chauffeurs, mécaniciens, agents de médiation… Un bus avec simulation de conduite, baptisé Destination emploi, qui a ensuite fait halte à Sucy-en-Brie, Champigny et encore Brie-Comte-Robert. “Je travaille depuis longtemps dans la sécurité à Créteil-Soleil, les horaires ne collent plus à mon rythme de vie depuis que j’ai des enfants. Je cherche un emploi plus accommodant. Le travail d’agent de médiation information service m’intéresse”, témoigne Didier, venu un peu par hasard. “Ces rencontres sont l’occasion de faire découvrir des métiers méconnus en tension. Nous avons constamment besoin de recruter de nouveaux agents. Nous les formons nous-mêmes et pouvons offrir des perspectives de carrière”, motive Sandrine Noël, chargée de mission RH chez Transdev.

Propos recueillis par Raphaël Bernard et Florent Bascoul

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