Six policiers ont été condamnés, jeudi à Bobigny, à des peines allant de six à douze mois de prison, dont six mois ferme pour certains, pour des violences et des injures racistes lors de l’interpellation d’un Égyptien en avril 2020 à l’Ile-Saint-Denis.
Le policier, qui avait déclaré “un bicot comme ça, ça nage pas” à l’encontre du jeune homme interpellé après s’être jeté dans la Seine, a été condamné à six mois de prison avec sursis. Quatre de ses collègues ont été condamnés à douze mois dont six mois ferme et une interdiction d’exercer pendant douze mois. Une sixième fonctionnaire a été condamnée à douze mois de prison avec sursis.
Les peines prononcées par le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) à l’encontre de ces policiers de la Direction territoriale de la sécurité publique des Hauts-de-Seine ont été plus lourdes que les réquisitions.
Le parquet n’avait pas retenu les violences dans ses réquisitions, seulement les insultes, et réclamé une seule peine.
Mais le tribunal a accepté de joindre l’affaire sur les faits d‘”injures racistes” aux citations directes de la partie civile pour les faits de “violences”, s’appuyant notamment sur une bande sonore.
“Je suis heureux, la justice a été faite. J’ai été lésé, agressé. Je suis content de cette décision”, s’est réjoui Samir E, la victime, à l’issue du délibéré.
Le 26 avril 2020 vers 01H30 du matin, des policiers avaient interpellé à l’Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) l’ouvrier de 29 ans, soupçonné de vol de matériel sur un chantier et qui avait tenté, selon des sources policières, de prendre la fuite en se jetant dans la Seine.
Sur les faits de vol, l’affaire a été classée sans suite.
Après avoir sorti le jeune homme du fleuve, un des policiers avait déclaré: “Un bicot comme ça, ça nage pas”, selon une vidéo captée par un riverain et diffusée par le journaliste Taha Bouhafs sur les réseaux sociaux.
“Ha ! ha ! Ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied”, pouvait-on également y entendre.
Puis lors de son transfert au commissariat, le ressortissant égyptien avait reçu de nombreux coups dans le fourgon, selon ses déclarations, étayées par les propos captés dans le fourgon de police.
Pour ces faits, une fonctionnaire de police a été condamnée à douze mois de prison avec sursis pour “non empêchement des violences”.
L’avocat de la partie civile, Me Arié Alimi, s’est dit “surpris” de cette décision. “On n’est pas habitué en matière de violences policières et de racisme dans la police à des condamnations aussi claires, évidentes avec des peines relativement lourdes”.
Pour Me Alimi, “la justice commence à se dire que c’est plus possible et commence à fixer les limites. C’est un jugement singulier, symbolique mais qui va marquer le combat sur les violences et le racisme dans la police”.
Les quatre associations antiracistes (Licra, MRAP, LDH, SOS Racisme) qui s’étaient portées parties civiles ont été déclarées recevables et obtiennent un euro symbolique de dommages-intérêts.
Ces condamnations “doivent aussi sonner pour l’Etat comme la nécessité d’une prise de conscience”, a estimé SOS Racisme, dans un communiqué. “Il est de la responsabilité de l’Etat de cesser de fermer les yeux sur des pratiques ici condamnées du seul fait de l’existence d’une vidéo”, déplore l’association.
Cinq des six agents ont fait appel
La défense a de son côté “contesté cette décision”. “Le tribunal n’a tenu compte ni des éléments de faits que nous avions portés à sa connaissance ni des arguments juridiques que nous avions développés”, a regretté Me Laurent-Franck Lienard, l’avocat du principal prévenu.
Cinq des six policiers condamnés ont décidé de faire appel du jugement.
Le fonctionnaire de police qui avait usé du terme “bicot” avait plaidé “la blague de mauvais goût” lors de son procès en novembre et le “besoin de décompresser et faire marrer la galerie”, avait-il dit.
Dans cette affaire qui avait suscité l’indignation, deux policiers ont été sanctionnés administrativement en octobre de cinq jours d’exclusion ferme.
Le Directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, était allé au-delà des recommandations du conseil de discipline de la Préfecture de police, qui avait proposé trois jours d’exclusion.
par Wafaa ESSALHI
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