Environnement | Ile-de-France | 02/11/2022
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Zone de faible émission en Ile-de-France : petite vitesse et grand doucement

Zone de faible émission en Ile-de-France : petite vitesse et grand doucement © CD

Alors que l’Etat vient à nouveau d’être condamné pour pollution de l’air, la mise en œuvre de la Zone de faible émission (ZFE) de gaz à effet de serre par des véhicules en Ile-de-France peine à exister. La semaine dernière, le gouvernement a réclamé de réels contrôles tandis que le président de la Métropole du Grand Paris annonçait un nouveau report d’interdiction des Crit’Air 3.

Après une première amende de 10 millions d’euros en août 2021, l’Etat a de nouveau été condamné le 17 octobre par le Conseil d’Etat à une somme record de 20 millions d’euros pour n’avoir pas suffisamment agi. Les 20 millions de l’astreinte iront essentiellement à des organismes publics luttant contre la pollution de l’air et 50 000 euros seront reversés à l’association les Amis de la Terre, qui avaient saisi initialement le Conseil d’Etat en 2017.

“Après avoir ordonné à l’Etat, depuis 2017, de faire respecter les normes européennes, reprises en droit français, de qualité de l’air, le Conseil d’État le condamne aujourd’hui à payer deux nouvelles astreintes de 10 millions d’euros pour les deux périodes allant de juillet 2021 à janvier 2022 et de janvier à juillet 2022″, indique le Conseil d’Etat dans sa décision.

Des améliorations insuffisantes

Si la juridiction reconnaît des “améliorations dans la durée”, elle estime en effet que la situation “reste fragile ou mauvaise” dans plusieurs zones dont l’agglomération parisienne. “A ce jour, les mesures prises par l’État ne garantissent pas que la qualité de l’air s’améliore de telle sorte que les seuils limites de pollution soient respectés dans les délais les plus courts possibles”, estime le Conseil d’Etat.

La pollution, liée notamment au trafic automobile, représente un enjeu important de santé publique. La mortalité liée à la pollution de l’air ambiant reste un risque conséquent en France avec 40 000 décès prématurés attribuables chaque année aux particules fines, soulignait Santé publique France l’an dernier.

Dès juillet 2017, le Conseil d’État avait enjoint à l’Etat de mettre en œuvre des plans de réduction des niveaux de particules fines PM10 ou de dioxyde d’azote (NO2, notamment associé au trafic routier) dans treize zones.

Depuis, le gouvernement a initié plusieurs actions, dont un plan en 2021 visant à réduire de moitié d’ici à 2030 les polluants atmosphérique induits par le chauffage au bois domestique, première source d’émissions de particules fines, diverses aides à l’acquisition de véhicules peu polluants, telles que le bonus écologique et la prime à la conversion. Il a également crée des zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) dans une trentaine de grandes agglomérations supplémentaires d’ici à la fin de l’année 2024.

Une ZFE du Grand Paris qui peine à être mise en œuvre faute de sanctions

En Ile-de-France, la Métropole du Grand Paris, giga-intercommunalité qui regroupe Paris et 131 communes des départements limitrophes, a voté fin 2018 l’instauration d’une zone de faible émission à l’intérieur du périmètre de l’A86 (77 communes), dans le cadre de son plan climat air énergie, sans susciter un enthousiasme unanime de la part des communes concernées. Celle-ci prévoyait d’en interdire progressivement l’accès aux véhicules les plus polluants, en commençant par les vignettes Crit’Air ou classés 5 pour aboutir à tous les véhicules thermiques en 2030. La mise en œuvre a néanmoins pris du retard et reste peu respectée. Actuellement, les véhicules catégorisés Crit’Air 5, 4 et non classés (c’est-à-dire les véhicules diesel fabriqués avant 2006, essence avant 1997), ne peuvent pas circuler dans la ZFE du lundi au vendredi de 8H à 20H, mais cette restriction reste théorique faute de sanctions. Et son durcissement aux Crit’Air 3 (véhicules diesel produits jusqu’en 2010 et essence jusqu’en 2005) a été repoussé une première fois au 1er juillet 2023 et devrait à nouveau être décalé d’un an.

Contrôles effectifs et bientôt contrôles automatisés

Un nouveau report annoncé par le président de la Métropole du Grand Paris, Patrick Ollier, suite aux annonces du ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, le 25 octobre, à l’occasion du premier comité ministériel sur les Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ce dernier a en effet insisté sur la nécessité de réaliser des contrôles effectifs pour faire respecter les ZFE alors que jusqu’à présent, aucune sanction n’a été prise. “Il faut faire le maximum pour que le contrôle sanction automatisé soit développé le plus rapidement possible”, a insisté le ministre.

“Il ne peut pas y avoir de ZFE efficace sans capacité de contrôle des véhicules autorisés ou non à circuler. L’annonce par le gouvernement de l’instauration de sanctions automatisées (…) est tardive. Dont acte”, a réagi l’association France urbaine, qui représente les grandes villes et métropoles, tout en déplorant que l’Etat ait “perdu du temps.”

“Cela fait neuf ans qu’on parle des ZFE et neuf ans qu’on sait qu’elles sont essentielles pour nos concitoyens et en particulier pour les plus pauvres”, a rappelé de son côté l’adjoint à la maire de Paris, David Belliard. “Chaque mois de retard ce sont des morts en plus”, regrette l’élu, appelant à la mise en place de contrôles le plus rapidement possible mais aussi de mesures d’accompagnement pour les ménages les plus modestes.

Nouveau report d’interdiction des Crit’Air 3

C’est dans ce contexte que le président de la MGP a annoncé que le report de l’interdiction permanente des véhicules Crit’Air 3 de juillet 2023 à 2024 en Île-de-France serait soumis au vote du conseil métropolitain. “Il sera nécessaire de la reporter pour que les gens puissent disposer d’une année supplémentaire pour pouvoir changer de véhicule”, motive l’élu, se disant “heureux de ces annonces”, tout en jugeant “raisonnable de ne pas mettre des personnes face à des contraintes insupportables”.

Bonus écologique et prêt à taux zéro pour passer à l’électrique

Pour permettre aux ménages de s’adapter, le gouvernement prévoit d’augmenter le bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique de 6 000 à 7 000 euros pour la moitié des Français les plus modestes. La prime à la conversion, qui peut aller jusqu’à 5 000 euros, sera également augmentée de 1 000 euros pour les habitants des ZFE. Le développement du prêt à taux zéro allant jusqu’à 30 000 euros pour l’achat d’un véhicule neuf, ou le leasing à 100 euros par mois pour une voiture électrique à partir de 2024, sont aussi en réflexion. “Ce sont 1,2 milliard qui seront consacrés au verdissement des véhicules en 2023”, a insisté Clément Beaune.

par Antoine Guy, Hélène Duvigneau et Delphine Paysant

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