C’était il y a cinquante ans. “A une allure foudroyante”, le 6 février 1973, le feu avale le collège de la rue Pailleron dans le 19e arrondissement à Paris. La structure métallique se dilate, le préfabriqué s’écroule, piégeant 16 enfants et 4 adultes.
“Nous essayons actuellement, dans des circonstances extrêmement difficiles, d’effectuer un recensement sommaire des enfants qui étaient présents”, expliquent les pompiers vers 21H30.
Le feu s’est déclaré moins de deux heures plus tôt. “Tout s’est embrasé très vite”, racontent des témoins.
Malgré l’heure tardive, le collège – dit CES à l’époque- n’est pas fermé. Pour la première fois, quatre classes du conservatoire voisin y font de la musique.
Aux premières flammes, des voisins évacuent des enfants “hurlant sur une terrasse à la hauteur du premier étage”, relate un journaliste AFP dans une dépêche de l’époque. Pompiers et policiers arrivent rapidement et font de même.
“Et puis, tout s’est effondré dans un bruit terrifiant”, poursuit l’un d’entre eux. Mêlant gaz toxiques et fumée opaque. “Le plancher du 3e étage est descendu au 2e puis du 2e au premier étage. Nous pensions alors que tous les élèves avaient pu s’enfuir”, poursuit-il.
A 22H00, des sauveteurs peuvent enfin accéder aux décombres. “Nous venons de découvrir une quinzaine de victimes. Ce sont des enfants”, annonce le lieutenant Vigier (archives INA).
Des parents vont et viennent entre la zone du drame, la mairie et l’hôpital, à la recherche de leur enfant. Au petit jour, dix-huit corps ont été découverts. Inidentifiables.
On apprendra rapidement que le CES Pailleron, une construction modulaire, était constitué d’une structure métallique non protégée, avec des toitures et des cloisons en panneaux de bois, des vides multiples où le feu s’est engouffré.
Si l’enquête révèle rapidement que l’incendie a été déclenché volontairement par deux collégiens (condamnés à 4 et 5 ans de prison avec sursis), ces derniers passent vite au second plan.
L’association des familles de victimes exige que soient reconnues “les véritables responsabilités”. Ce “n’est pas un défaut d’un cas particulier mais du système (de construction) lui-même”, martèle Marie Ange Simonin le 17 mars, lors d’une conférence de presse, relevant qu’il existe de nombreux autres établissements du même type.
“On connaissait les dangers. Le collège alertait depuis plus de deux ans”, explique à l’AFP l’historienne de l’éducation, Laurence De Cock. “L’humain a été sacrifié sur l’autel de l’impératif de rentabilité. Une vraie question politique de laquelle nous sommes loin d’être sortis”, ajoute-t-elle.
Explosion démographique, prolongation de la scolarité à 16 ans: “Entre 1958 et 1973, les effectifs des collégiens et lycéens ont triplé”, détaille l’historienne.
Il fallait construite vite et à moindre coût. Parallèlement, l’Education nationale obtenait une simplification radicale des procédures de contrôle.
En dix ans, 2.350 nouveaux collèges (à l’époque gérés par l’Etat et non par les collectivités comme aujourd’hui) seront construits.
Parmi eux, un millier d’établissements modulaires, 57 de type “Pailleron”, selon les chiffres l’Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires.
“L’Education nationale nous a rendu beaucoup de services tellement elle a été odieuse”, se souvient dans Libération Jean-Max Causse, père d’une des victimes.
“Ils sont mal tombés. Beaucoup de collèges de ce genre étaient construits dans des zones défavorisées. Nous (les parents d’élèves du CES Pailleron), on avait le temps et l’argent pour nous battre”, poursuit-il.
Grâce à l’acharnement des parents, prêts à vaincre l’opposition de l’administration, qui les accusent d’être manipulés par des gauchistes, à retoquer les rapports censurés … le 30 mars 1978, cinq personnes sont condamnées (puis amnistiés). Un haut fonctionnaire, un architecte, un entrepreneur et deux autres fonctionnaires.
“Je pense qu’on a ouvert la voie à la mise en cause de ministres dans l’affaire du sang contaminé”, estime Jean-Max Causse dans l’interview faite en 2003.
Depuis, les constructions scolaires industrialisées à ossature métallique ont été détruites ou réhabilitées. Le dernier bâtiment dit “Pailleron”, à Longvic (Côte d’or) a été remplacé en septembre 2022.
Néanmoins la vétusté du bâti scolaire reste un problème. Selon le ministère de l’Education, 10% des écoles et des établissements scolaires présentent une vétusté importante.
“Certains éléments de vétusté mettent les enfants en danger, sur le plan sanitaire par exemple”, alerte Laurence De Cock pour qui ces “conditions indignes” auxquels personnels et élèves s’adaptent trop souvent par fatalité s’inscrivent “dans la logique plus générale de sacrifice des services publics”.
par Laurence COUSTAL
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