Proposée depuis 2019, la formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM) apprend à intervenir auprès de personnes atteintes de crises d’anxiété, de psychoses, de troubles dépressifs ou d’addictions. Elle connaît un succès croissant. Reportage.
Ils sont dix ce jeudi matin, assis derrière les tables d’une salle de cours de la faculté de médecine de la rue des Saints-Pères (VIe arrondissement). L’objectif : obtenir le brevet de Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM). En deux jours, les étudiants vont devenir capables d’assister les victimes de troubles, allant de la crise d’anxiété à l’abus de substances psychoactives (drogues, alcool, etc.). Proposée par l’Université Paris-Cité à ses étudiants depuis 2019, la formation connaît une forte demande. “Les deux prochaines formations que j’anime sont déjà complètes”, témoigne Maxime Lacoche, formateur PSSM depuis 2020. Un succès qui s’explique sans doute par la prévalence des troubles de la santé mentale (un tiers des Français souffre d’états anxieux ou dépressifs, selon Santé Publique France), mais aussi par les carences dans sa prise en charge. “Seules 32,6 % des personnes touchées par un trouble psychique courant sont suivies par un professionnel de santé“, affirme Maxime Lacoche à son auditoire.
Contrer les préjugés
Avant d’aborder chaque type de trouble, les élèves commencent par balayer leurs propres idées reçues. Sur le tableau noir, les mots “fou”, “bête”, “cinglé”, “taré”, ont été barrés à la craie. Tout au long de la journée, le formateur saupoudre la formation d’informations méconnues : “La dépression est autant répandue que le cancer du poumon. Mais là où les gens vont s’apitoyer pour une personne souffrant de cancer, une personne dépressive entendra souvent : “Allez, bouge-toi !”, déplore le trentenaire. Même chose lorsqu’il aborde les troubles psychotiques : non, les personnes schizophrènes n’ont pas “deux personnalités”, non, les troubles psychotiques ne se transmettent pas nécessairement de père en fils – même si les enfants peuvent hériter de vulnérabilités -, et non, les personnes atteintes de troubles psychotiques ne sont pas violentes, dans la majorité des cas.
Une fois les clichés démontés, comment agir ? La méthode se résume en cinq lettres : AÉRER, pour Approcher, Écouter, Réconforter, Encourager à consulter, Renseigner sur les ressources à disposition. Des mots d’ordre qui peuvent sembler relever du bon sens, “mais ce bon sens, tout le monde ne l’a pas !”, défend Cécile*, en M1 de linguistique-informatique. “Il y a des personnes plus ou moins empathiques. Il y aussi des personnes plus ou moins à l’aise avec les gens, des personnes plus ou moins à l’écoute. Et puis, comme l’a dit Maxime, une vision erronée des troubles, comme la dépression par exemple, est très répandue”, abonde Laura. Pour se mettre en situation, les participants enchaînent les saynètes, en se mettant à la place des souffrants et des aidants.
“Faire partie des pionniers”
Parmi les apprentis secouristes, les raisons de se former sont diverses. Certains, comme Eliott, ont des objectifs professionnels. “Pendant les vacances, je suis animateur en colonie de vacances. J’ai souvent été confronté à des jeunes avec des problèmes de santé mentale mais je ne savais pas comment y répondre. Ça me sera d’autant plus utile que je veux travailler dans le social par la suite. Et puis, c’est l’occasion d’avoir une formation gratuite [la formation est financée par l’Université Paris-Cité, ndlr]. Normalement, les deux journées de cours coûtent 250€ !” motive l’étudiant en sociologie. Même Laura, pourtant déjà en études de psychologie, y trouve son compte. “À la fac, on nous apprend à prendre en charge les patients sur le long terme, mais on ne nous apprend pas à intervenir dans l’urgence, et surtout pas auprès de collègues ou de proches.”
D’autres, comme Anna*, sont là pour des raisons plus personnelles. “Ma tante est dépressive et l’un de ses enfants est bipolaire.” Emmitouflée dans son sweat bleu, elle explique déjà avoir eu à faire des premiers secours en santé mentale. “Cette formation me tient à cœur car je pense que quand nos proches sont atteints, c’est plus facile de se sentir mal soi-même. J’aimerais être capable de les aider, leur dire que je leur veux du bien.” Cécile* emboîte : “Il y deux ans, j’ai fait de la boulimie. C’est un trouble méconnu. En ce moment, on parle de plus en plus de santé mentale, mais on est toujours aussi mal formés. C’est cool de pouvoir faire partie des pionniers”, explique-t-elle posément.
Une formation qui attire plus les femmes
Au sortir de la formation, tout le monde y a trouvé son compte. “La prochaine fois que je serai confrontée à une urgence, je serai davantage préparée à ce que la personne soit fermée à mon aide”, résume Anna tandis que sa voisine apprécie avoir acquis de la “méthode”. Seule réserve : l’absence des violences psychologiques parmi les troubles couverts. “On aurait aussi aimé qu’on nous parle des personnes sous emprise, par exemple”, regrettent Anna et Cécile.
Autre regret peut-être : le manque de parité parmi les présents : un homme et neuf femmes. Ce qui ne surprend pas Anna : “Quand il s’agit du soin et de la santé, il y a toujours plus de filles”. Sur le coup, Cécile rebondit : “Mais ce serait bien qu’ils viennent, on les attend !”
*les prénoms suivis d’une astérisque ont été modifiés.
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