Ce mardi 29 mars marquait la dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, adoptée il y a deux semaines en recourant au 49.3. Parmi les dizaines de milliers de manifestants (93 000 selon la police, 450 000 selon la CGT), nombreux affichaient leurs revendications sur des pancartes humoristiques, sérieuses, ou artistiques. Leurs auteurs nous expliquent leurs messages.
Pierre-Jean et sa troupe : “On n’arrêtera pas un peuple qui danse”
“Avec mon collègue Guillaume, nous sommes artistes de cirque. Nous venons d’animer une formation avec plusieurs professeurs d’éducation physique, de français, qui avaient eux aussi envie de manifester, alors nous avons décidé d’y aller ensemble. En plus des pancartes, nous avons mis sur pied une petite performance collective. Nous ne sommes pas des grands militants, mais nous trouvions ça beau de se rassembler. C’est aussi l’occasion de créer du beau, de montrer que la lutte peut être joyeuse. Ça me fait penser à une citation de la chorégraphe Pina Bausch : “Dansez, sinon nous sommes perdus”. La danse, c’est un moyen d’être ensemble : on ne peut pas être d’accord sur tout, mais la danse, ça nous rassemble.” (Photo de une)
Nicolas : “Il cèdera tôt ou tard”
“C’est un message pour donner de l’espoir, car cela fait depuis longtemps qu’on lutte. Hier, je suis allé voir les éboueurs en lutte à l’incinérateur d’Ivry, à côté de chez moi. J’y ai senti une détermination absolue. C’est notamment une prise de parole d’un des grévistes qui m’a marqué. L’un d’entre eux disait “Quand je vois des gens mettre 1000€ dans la caisse de grève, je ne peux pas m’arrêter”. [La grève a depuis été suspendue, mais pourrait reprendre plus tard, ndlr]. D’autres ont cédé avant [Emmanuel Macron], et il cèdera aussi. J’ai préféré mettre un “il”, pour que les gens puissent mettre ce qu’ils veulent derrière : Macron, le gouvernement, le système… Depuis l’usage du 49.3 et la manifestation du 23 mars, j’ai vraiment l’impression qu’on va gagner. J’ai senti une vraie hausse de la colère, notamment avec l’arrivée en masse des jeunes.”
Lire aussi notre reportage : À l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine, bloqué depuis trois semaines, la détermination est intacte
“Au dos de ma pancarte, j’ai également voulu mettre un message de soutien aux deux manifestants entre la vie et la mort après les manifestations contre les méga-bassines à Sainte-Soline. Je pense que cela montre qu’on a passé un cap dans la violence. Il faut montrer notre détermination et notre solidarité envers les mutilés, c’est important de rappeler qu’il y en a qui ont morflé.”
Clotilde : “Tout ce qui est légal est-il légitime ? Vous vous appuierez sur le 49.3”
“J’ai eu l’idée de faire cette pancarte alors que j’étais venue soutenir les grévistes de l’incinérateur de Saint-Ouen. L’après-midi, je suis allée tenir le piquet de grève dans le lycée où je suis prof de français, pendant les épreuves du bac. C’est sa quatrième manif ! Je vois que les gens aiment bien la lire, ils sourient, ça les fait réfléchir, ils viennent parler. C’est un argument qui touche même les gens les moins investis, car tout le monde comprend le problème démocratique que le 49.3 pose. Jusqu’ici, j’ai fait la plupart des manifestations, mais plus parce qu’il fallait le faire. J’étais devant l’Assemblée Nationale le jour où le 49.3 a été activé, et j’ai senti que cela avait donné un nouveau souffle d’indignation. Le président a la légalité avec lui, mais ce qu’il fait n’est pas dans l’esprit démocratique. On dirait un enfant qui casse tout quand il a compris qu’il a perdu à son jeu.”
Loan : “Macron tue”
“J’avais déjà vu une pancarte du style. J’avais trouvé ça drôle, alors j’ai décidé de faire la mienne. Mon message, c’est une allusion à l’injustice de cette réforme, et au fait que 25% des personnes les plus pauvres meurent déjà avant 62 ans, l’âge actuel de la retraite [Parmi les 5% des Français les plus pauvres, 25% des hommes et 13% des femmes meurent avant 62 ans, selon l’INSEE, ndlr]. J’ai 15 ans, et j’ai participé à toutes les manifs. Aujourd’hui, mon lycée est bloqué. Je me sens concerné, ne serait-ce que pour les membres de ma famille.”
Léo, Nastasia, Manon et Isabelle : “Cette pancarte est le fruit d’une concertation démocratique, pas comme vous”
“Ces pancartes sont le fruit d’un long brainstorming, qui a duré à peu près 15 minutes ! On dénonce notamment l’absence de vraie vie démocratique autour de cette réforme. Au final, ces pancartes font société. On a aussi voulu réagir au coup de com’ des Jeunes Avec Macron [voir ci-dessous], pour montrer qu’à gauche, on fait l’amour ET la grève !”
On ne se sent pas pris au sérieux, donc on veut leur renvoyer ce qu’ils nous renvoient. C’est aussi pour ça qu’on a écrit “Cette pancarte est en carton, comme vous”. On a fait quasiment toutes les manifestations, mais c’est la première que l’on fait avec des pancartes. On s’est dit que c’était peut-être la dernière avant le retrait de la réforme, donc il fallait en profiter ! On a choisi de faire de l’humour, pour rester dans la tradition de la lutte qui se fait dans la joie. Que ce soit avec une pancarte, en dansant, en chantant le but est le même : se défouler !”
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