En 2016, Adama Traoré décède à la gendarmerie de Persan, dans le Val-d’Oise, après son interpellation par deux gendarmes. S’ensuit une longue bataille judiciaire de sept ans. Ce mercredi, le parquet de Paris annonce demander un non-lieu pour cette affaire.
Cette évolution était attendue, personne n’ayant été mis en examen dans cette affaire, érigée en symbole des violences policières. La décision finale sur un éventuel non-lieu ou une relance des investigations revient désormais aux juges d’instruction chargés du dossier.
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En 2016, l’interpellation d’Adama
Le 19 juillet 2016 vers 17h00, Adama Traoré, 24 ans, est interpellé à Beaumont-sur-Oise par deux gendarmes en civil dans le cadre d’une opération qui vise son frère Bagui, avec qui il se trouvait.
Adama, qui n’a pas ses papiers sur lui selon sa famille, s’enfuit en courant et parvient à s’échapper après avoir été rattrapé deux fois. Il fait 37 degrés ce jour-là. Il est arrêté peu après au domicile d’un particulier, où il s’était réfugié et fait l’objet d’un plaquage ventral, selon les témoignages des trois gendarmes.
Après avoir dit qu’il a “du mal à respirer”, il fait un malaise et urine sur lui durant le trajet vers la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise). Il meurt peu avant 20h00 dans la cour de la caserne. Sa famille n’est informée du décès que trois heures plus tard. À leur arrivée, les pompiers l’ont trouvé menotté dans le dos et inconscient, le Samu appelé n’a pas pu le ranimer.
Une longue bataille judiciaire
Deux autopsies retiennent la piste d’une asphyxie sans établir avec certitude la cause du décès. Le procureur de Pontoise évoque “une infection très grave“, qui n’est pas confirmée. L’affaire est dépaysée à Paris. Suivent au fil des années plusieurs expertises aux conclusions diverses, voire contradictoires, soulignant des fragilités initiales chez la victime, mais qui sont contestées à renfort d’autres experts par la famille, pour qui le plaquage ventral a été déterminant dans le décès.
Les trois gendarmes sont placés fin 2018 sous le statut de témoin assisté pour non-assistance à personne en péril. La dernière expertise judiciaire, en 2021, confirmée par un complément d’expertise en novembre 2022, attribue le décès à un “coup de chaleur“, qui n’aurait toutefois “probablement pas” été mortel sans l’interpellation des gendarmes. Les experts estiment que son hypoxémie – une diminution de l’oxygène dans le sang – a été “entretenue” par d’autres facteurs, notamment la sarcoïdose, pathologie rare dont souffrait Adama Traoré.
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Assa Traoré, symbole de la lutte contre les violences policières
Assa Traoré, la sœur de la victime, crée un “Comité vérité et justice pour Adama” et reçoit le soutien d’associations, d’hommes politiques de gauche, pour qui ce drame illustre les trop nombreuses “violences policières”, et de personnalités comme l’acteur Omar Sy, le réalisateur Ladj Ly ou les écrivains Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis.
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Une marche blanche pour Adama rassemble de 1 500 (police) à 5 000 (organisateurs) personnes le 22 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise, où plusieurs nuits d’échauffourées ont suivi le drame. Ce soutien devenu annuel est renforcé au moment de la mort de George Floyd, un Afro-américain mort aux mains de la police en 2020 aux Etats-Unis. Assa Traoré se voit désignée “Guardian of the Year” aux côtés d’autres militants antiracistes par le magazine américain Time.
Le 6 juin, le ministère de l’Intérieur décompte plus de 23 000 personnes manifestant dans toute la France contre “les violences et le racisme policier“. Le 8 juillet 2023, la marche pour Adama est interdite en raison des récentes émeutes urbaines ayant suivi la mort de Nahel, un mineur de 17 ans tué par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre. Assa Traoré est visée par une enquête pour organisation d’une manifestation non déclarée place de la République à Paris et son frère Youssouf violemment interpellé par la police lors de la dispersion.
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