Environnement | Ile-de-France | 06/06/2023
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À Romainville, le nouveau centre de traitement des déchets de l’est parisien joue la carte de l’économie circulaire

À Romainville, le nouveau centre de traitement des déchets de l’est parisien joue la carte de l’économie circulaire © CH

Réenchanter le traitement des déchets ? Tel est le défi qu’entend relever le centre de traitement des déchets de l’est parisien du Syctom, syndicat intercommunal qui gère les poubelles de 80 communes d’Ile-de-France. Pôle d’économie circulaire ouvert au public avec même un café-restaurant, traitement des déchets alimentaires, fosse modernisée pour les ordures ménagères, port à conteneurs pour le transfert vers les incinérateurs… Plus question de cacher les ordures.

Alors que le projet de reconstruction du site doit faire l’objet d’une enquête publique en 2024, le Syctom a organisé des journées portes ouvertes ce samedi 3 juin pour le donner à voir.

Entre bouteilles en plastique, canettes, cartons, emballages en tous genres, ou encore ordures jetées dans ces fameuses “poubelles grises”, le nombre de détritus traités chaque jour au centre de traitement de Romainville est à l’échelle de l’agglomération : près de 390 000 tonnes d’ordures ménagères résiduelles (OMR) et 60 000 tonnes de déchets recyclés en 2021. D’abord reconditionnées en balles, les ordures recyclables sont ensuite acheminées vers des repreneurs, et les OMR sont principalement transférées vers des incinérateurs à Ivry-sur-Seine, Issy-les-Moulineaux et Saint-Ouen.

Pour le Syctom, qui traite les déchets de près de 6 millions d’habitants, le centre de Romainville est stratégique. À ce jour, ce centre de tri traite les déchets recyclables de douze communes de Seine-Saint-Denis (Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Neuilly-Plaisance, Neuilly-sur-Marne, Noisy-le-Sec, Pantin, Romainville et Rosny-sous-Bois), de deux communes du Val-de-Marne (Saint-Mandé et Vincennes) et d’une partie des arrondissements de Paris (1er, 3ème, 4ème, 9ème, 10ème, 11ème, 19ème et 20ème). Le centre de transfert est lui chargé des ordures ménagères de 22 communes de Seine-Saint-Denis, mais également d’une partie du 20ème et du 19ème arrondissements de Paris.

Pour le syndicat, la modernisation du centre doit permettre de maintenir l’échelle de traitement mais aussi de s’adapter aux enjeux de la transition écologique et aux nouvelles obligations réglementaires.

Déploiement d’un système de collecte des déchets alimentaires

À commencer par celle du tri des déchets alimentaires par les ménages, obligatoire à partir du 1er janvier 2024. Le Syctom prévoit de gérer 40 000 tonnes de déchets par an qui seront transférés vers le futur site de méthanisation de Gennevilliers. “On va accueillir un nouveau flux, celui des déchets alimentaires“, explique Céline Lafon Dieulin, chef de projet de reconstruction du site. Pour assurer la collecte des biodéchets, l’intercommunalité Est Ensemble a d’ores et déjà déployé 50 bornes à Romainville fin mai, et prévoit d’équiper l’ensemble des 9 villes* d’ici à la fin de l’automne.

*Est Ensemble regroupe les villes de Bagnolet, Bobigny, Bondy, le Pré Saint-Gervais, les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville.

© CH
Depuis le 22 mai, 50 bornes de collecte de déchets alimentaires sont déployés à Romainville par Est Ensemble.

Repenser la gestion des ordures ménagères

Concernant la gestion des ordures ménagères, cela fait presque huit ans que le site doit reconstruire sa partie vieillissante consacrée à la réception et au transfert des OMR, mais le dossier avait suscité beaucoup de crispations. “Après les élections municipales de 2020, le Syctom a créé une vraie concertation avec les citoyens et les nouveaux exécutifs locaux, pour repenser le projet qui était lourd et cher“, explique François Dechy, maire de Romainville.

Un projet 170 millions d’euros

D’un montant global de 170 millions d’euros, le nouveau projet a abandonné l’idée d’une chaufferie urbaine. “Aujourd’hui, le centre est ouvert au quatre vents. On aura des bâtiments clos avec des sas et un traitement d’air en surpression“, précise Céline Lafon Dieulin. En principe, les riverains seront donc moins exposés aux nuisances olfactives. Le nouveau centre de transfert des OMR sera réinstallé là où se situe l’actuelle déchetterie. Toutefois, le chantier se fera en “opération de tiroir“, précise Pierre Hirtzberger, le directeur général des services techniques du Syctom, “nous n’arrêterons ni l’accueil des OMR ni le centre de tri“.

© Groupe 6
Vue du futur port à conteneurs du Syctom et du Pôle d’excellence de l’économie circulaire à Bobigny

Transport des ordures via le canal de l’Ourcq

À 500 mètres du futur centre de transfert des OMR, les berges du canal de l’Ourcq seront par ailleurs aménagées pour recevoir des portiques de transbordement, sur une parcelle située dans la ville de Bobigny. Les déchets seront acheminés du centre au port par un tunnel en passant sous l’ex-RN3, construit dans le cadre d’un premier projet qui n’a pas abouti.

Deux à trois barges par jour partiront du lundi à vendredi de ce port transportant 24 conteneurs maritimes, pour rejoindre la Seine et nos installations de traitement. On évitera 8 000 camions par an sur les routes d’Île-de-France“, précise Céline Lafon Dieulin. “À terme, l’objectif est de pouvoir transporter la totalité des déchets ménagers que l’on traite et des déchets recyclables“, souligne Pierre Hirtzberger. Dans un premier temps, 120 000 tonnes d’OMR pourront être traitées par le site d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).

Un futur Pôle d’excellence de l’économie circulaire avec café, restaurant, promenade

Avec l’enquête publique qui doit démarrer au premier trimestre 2024, le Syctom met en avant la concertation avec les habitants. “Nous avons été consultés sur beaucoup d’aspects”, assure Maroua, habitante de Bobigny et membre du “groupe citoyens” (réuni 17 fois depuis sa mise en place par le syndicat en 2018). “On nous a fait visiter le centre pour comprendre comment on traite les déchets et voir les gens qui y travaillent“, explique la jeune femme enthousiasmée par le futur Pôle d’excellence de l’économie circulaire (PEEC), proche du port à conteneurs de Syctom. “On voudrait qu’il soit vu comme une référence“, espère-t-elle.

D’une surface totale de 6 000 mètres carrés, ce pôle d’économie circulaire sera réparti sur deux sites : un espace de dépôt remplaçant l’actuelle déchetterie, et une surface proche du port présentant des espaces de vente et des ateliers. “Avec ce pôle en bordure du canal, on a voulu faire un lieu vivant et de rencontre, quelque chose d’attractif et de socialement intéressant. Il était donc important de conserver la promenade sur les berges, mais aussi d’intégrer des commerces comme un café-restaurant“, souligne Yvon Lejeune, conseiller municipal de Romainville et vice-président du Syctom.

Penser l’endroit où on s’implante

Le projet est tourné vers l’économie circulaire, mais il y a aussi une dimension pédagogique“, insiste Alexandre Franc, architecte associé du cabinet Groupe 6, lauréat du projet. “Les scolaires auront une vue plongeante sur les ateliers de recyclage et prendront conscience de la chaine du réemploi.” À ses yeux, “le défi est d’intégrer un équipement industriel dans la ville qui se construit tout autour, ce qui suppose l’adhésion de la population. C’est le sens même de ces journées portes ouvertes, du PEEC ou du talus végétalisé qui va recouvrir le nouveau centre de transfert des ordures ménagères et qui permettra d’atténuer nuisances sonores et odeurs“, ajoute-t-il. François Dechy soulève par ailleurs que le projet permettra de déplacer le garage de bennes à ordures ménagères de la ville de Paris. Il sera situé sur une parcelle mitoyenne du centre Syctom, au début de l’avenue Gaston Roussel.

Avec ce projet, on est dans une démarche inverse de qu’il se faisait il y a 20 ans, défend José Moury, premier adjoint à l’urbanisme de Bobigny. Auparavant, de grands acteurs tels que l’État, la région ou le département implantaient des équipements, et la Seine-Saint-Denis était particulièrement touchée, Au-delà du caractère stigmatisant de la démarche, il n’y avait pas cette logique de penser l’endroit où l’on s’implantait.”

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