“Moi, j’aurais dit, arrête, c’est pas gentil !“, réagit Inès, face à une image où un garçon gribouille sur le dessin de son camarade. Élève en maternelle, elle et sa classe d’une école pilote de Saint-Ouen assistent à un “cours d’empathie”, pour prévenir contre le harcèlement scolaire.
D’une valise colorée, l’animatrice extrait une peluche, “calinours”, le confident à qui les enfants se confient, ainsi qu’une image, représentant un garçon en train de raturer le dessin de son camarade contrarié.
“Moi, j’aurais dit, arrête, c’est pas gentil !“
“Qu’est-ce que vous voyez ?“, demande Nadia Hadj-Salah aux enfants de grande section maternelle du groupe scolaire Nelson Mandela. “Le garçon trouve que le dessin est moche, donc il dessine sur sa feuille“, décrit avec finesse Isaac. “C’est pas bien“, estime sa camarade Eléonore. “Moi, j’aurais dit, arrête, c’est pas gentil !“, ajoute Inès qui confie avoir déjà vécu cette situation.
Pendant vingt minutes, les élèves vont ainsi commenter des images illustrant des scènes du quotidien et décortiquer leurs émotions. “Un jouet arraché“, “une tour cassée“, “une bousculade“, “un copain méchant“… Les enfants vont s’identifier aux personnages jusqu’à raconter leurs traumas vécus en crèche et se souvenir des prénoms des élèves qui les ont tourmentés.
La méthode scandinave “Fri For Mobberi“
Cette méthode, mise en place depuis une vingtaine d’années dans les pays scandinaves, les Danois l’appellent “Fri For Mobberi“, signifiant “libéré du harcèlement“. Le ministre de l’Éducation Gabriel Attal a annoncé fin septembre sa généralisation en France à partir de la rentrée 2024.
“Le meilleur moyen de lutter contre le harcèlement, c’est de sensibiliser, d’expliquer, de prévenir“, avait déclaré la Première ministre Elisabeth Borne lors de l’annonce du plan interministériel pour lutter contre le harcèlement scolaire.
Depuis la rentrée 2022, ces cours de bienveillance sont expérimentés dans les écoles maternelles des cités éducatives de Saint-Ouen-sur-Seine et du XVIIIe arrondissement de Paris. Les enseignants, Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), animateurs du périscolaire, directeurs de centres de loisirs ont suivi une formation théorique avec la Ligue de l’enseignement qui précise qu’au Danemark, 40% des crèches et 60% des écoles maternelles utilisent cette méthode.
“On ne doit pas trier les copains“
L’objectif du “Fri For Mobberi” est de créer une communauté bienveillante d’enfants dans laquelle aucun membre ne peut se sentir exclu. La méthode est basée sur quatre valeurs : tolérance, respect, bienveillance, courage. C’est à la vue d’une scène où un enfant ne trouve personne à qui donner la main dans un rang, qu’Arthur réagit en lançant “on ne doit pas trier les copains“. Ses amis lui donnent tous raison.
Le cours d’empathie est considéré comme “un outil de plus” pour le personnel éducatif qui reçoit une valise contenant un ourson, mascotte qui représente les valeurs véhiculées par la méthode. On y trouve aussi un guide pour les professionnels, et des planches de conversation avec des illustrations de situations que les enfants peuvent rencontrer, afin de favoriser le dialogue.
“On travaille déjà sur l’émotion, c’est quelque chose qui se fait au quotidien avec les enfants bien avant l’arrivée de cette mallette“, explique Nadia Hadj-Salah, animatrice depuis 27 ans. “Quand un enfant embête un autre, on va les regrouper, leur expliquer la situation, leur demander si c’est normal ou pas“.
“Libérer la parole pour prévenir le harcèlement“
Pour Ayette Bounoua, responsable pédagogique pour la municipalité de Saint-Ouen, “cet outil va nous permettre de réinterroger nos pratiques quotidiennes en utilisant les mots clés des enfants et de les dédramatiser“. Surtout cette méthode n’est pas “cantonnée aux enseignants, mais à l’ensemble des adultes” y compris “bientôt les employés de ménage“, se réjouit Mme Bounoua.
“Plus on va développer d’outils, accompagner l’enfant dès le plus jeune âge, lui permettre de libérer la parole, plus on va lui donner confiance et les moyens d’exprimer ses émotions, plus on va prévenir du harcèlement”, assure Mme Bounoua.
Pour le maire de Saint-Ouen (PS) Karim Bouamrane, le renforcement de lutte contre le harcèlement scolaire “va permettre à nos enfants d’étudier et de s’épanouir dans un environnement sécurisant et bienveillant” et in fine “démocratiser l’excellence éducative” dans la ville.
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