Au cœur du futur éco-quartier des Tartres, la résidence des Jardins de Stains (Seine-Saint-Denis) préfigure-t-elle une révolution dans la construction de l’habitat social? De la conception à la réalisation, tout a été pensé dans la création de ces 59 logements “solidaires” pour diminuer les charges pour locataires.
Vue de la rue Jean Durand, la résidence des Jardins de Stains construite dans la zone d’aménagement concertée (ZAC) des Tartres n’a rien de particulier. Et pourtant, ce projet d’habitat réalisé par Linkcity pour le compte du bailleur social Seine-Saint-Denis Habitat est inédit à plus d’un titre. Fenêtre triple vitrage, menuiseries en bois et aluminium, système de ventilation double flux… Les 59 logements de la résidence des Jardins de Stains inauguré vendredi dernier ont été conçus pour être le moins énergivore possible.
117 euros d’économie de chauffage
Livrés en mars 2022, ils sont maintenant presque tous habités. Najiya, une locataire arrivée fin août se dit satisfaite de son nouveau logement, un T5 de 90 mètres carrés où ils sont sept à vivre. “Il n’y a que la cuisine qui est plus petite que celle de notre ancien appartement au Clos Saint-Lazare, mais c’est au niveau des charges que l’on voit surtout la différence. On paye beaucoup moins.”
En moyenne c’est 117 euros d’économie par mois pour un T3. A l’intérieur, ce qui saute aux yeux c’est l’absence de radiateurs. Les dispositifs d’isolation thermique et d’étanchéité de l’air ont permis de diviser par trois la consommation de chauffage. Les deux bâtiments de la résidence sont en plus équipés de panneaux photovoltaïque en autoconsommation qui alimentent l’éclairage des parties communes et le fonctionnement des pompes à chaleur, ainsi que d’un système de récupération de chaleur sur les eaux grises. Autant d’atouts qui valent à la résidence d’avoir décroché la première labellisation “passivehaus” (ou maison passive, sans chauffage conventionnel) de Seine-Saint-Denis.
Les locataires vont également bénéficié d’une assistance à maîtrise d’usage pour organiser l’entretien des parties communes et du jardin qui est leur est confié en contrepartie d’une diminution des charges.
“Pour nous c’est l’exemple de ce qu’il faut faire. Quand on voit le niveau d’innovation, on se dit que c’est le genre de trucs réservés aux privilégiés. C’est d’autant plus important de faire ça parce que c’est dans le logement social qu’il faut travailler au maximum sur la réduction des charges“, relève Bertrand Prade, directeur général de Seine-Saint-Denis Habitat.
Selon les statistiques du ministère de la ville, on dénombrait 2,2 millions de demandeurs de logement pour 410 000 attributions en France en 2020. Or, les demandeurs de logements à bas loyer représentent 75% de la demande alors que l’offre de ce type de logement représente 29% de la production.
Programmation innovante
Pour ses concepteurs, la résidence des Jardins de Stains a vocation à incarner un nouveau modèle d’habitat social selon le concept de “logement solidaire” co-développé par Bouygues Bâtiment Ile-de-France Habitat social et l’association Action tank entreprise et pauvreté. “L’objectif de la démarche que nous avons imaginée est de produire des logements qui soient plus accessibles, plus abordables et de qualité. On est parti d’un projet classique pour interroger tous les aspects du bâti. Ce qui nous intéressait ce n’était pas de diminuer le coût de construction mais le coût d’usage pour les habitants“, résume Guillaume Ginèbre, chef de projet chez Action tank entreprise et pauvreté qui a assuré la coordination des différents acteurs. Sur 160 idées envisagées pour atteindre cet objectif, une trentaine ont été retenues.
De l’idée à la réalisation il aura fallu près de huit ans de travail. A l’origine, la résidence des Jardins de Stains est un des six projets portés par l’intercommunalité Plaine Commune (qui regroupe Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, L’Ile-Saint-Denis, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse), la ville de Stains et Seine-Saint-Denis Habitat, dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA) lancé par l’Anru (Agence de rénovation urbaine) en 2016.
“Le fait de raisonner en coût d’usage et de concevoir le projet de manière holistique change tout“, souligne Jacques Berger, directeur d’Action Tank entreprise et pauvreté. “Ce n’est pas ce qui pratique dans l’industrie de la construction où chacun avance dans son couloir. Pour arriver à ce résultat, il a fallu travailler collectivement et de manière transparente, ce qui ne s’est pas fait sans quelques réunions houleuses.”
Autre point fort de cette co-conception et qui a pris du temps, la consultation des demandeurs de logements et des habitants de Stains, qui ont notamment conduit à revoir la surface des logements proposés au profit notamment d’une plus grande offre de petites surfaces. Sur les 59 logements 40% sont ainsi des T1 et T2 alors que très peu son programmés habituellement. En terme des profils de locataires, 63% des logements sont financés par le PLUS (prêt locatif à usage social qui correspondent aux locations HLM) contre 20% par le PLS (prêt locatif social, attribué aux locataires ne pouvant prétendre aux locations HLM, mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé) et 17% par le PLAI (prêt locatif aidé d’intégration attribué aux locataires en situation de grande précarité).
10 millions d’euros
A l’arrivée, le projet représente plus de 10,3 millions d’euros d’investissement. “C’est vrai que les coûts de construction ont été plus élevés qu’un projet classique similaire, mais ils sont compensés par des coûts de maintenance à la baisse“, de l’ordre de 15%, indique Jacques Berger. Un objectif qui a nécessité des efforts conséquents: le constructeur, Bouygues Habitat social, et le promoteur, Linkcity, ont par ailleurs “travaillé à marge zéro” souligne Aude Deydier, responsable des programmes de ce dernier. Mais ce surcoût, évalué à 8%, a également été absorbé par les subventions de l’ANRU et dans une moindre mesure du conseil départemental et du conseil régional.
Pour le premier bailleur social du département l’expérience a déjà changé la donne. “Nous avons changé les prestations de notre programme type. Nous allons reproduire le travail accompli au plan social, mais aussi sur la performance énergétique, par exemple en ce qui concerne le système de récupération des eaux grises“, précise Rémi Bisson de Seine-Saint-Denis Habitat.
“Stains est la première ville de France à voir sortir un projet de ce type sortir de terre, dont le concept même de réalisation répond aux objectifs de logement social et d’environnement que nous poursuivons à travers le développement l’éco-quartier des Tartres. Mais nous devons maintenant regarder dans la durée comment cela fonctionne“, se projette Azzedine Taïbi, le maire de la commune.
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