Installée à Stains depuis mai 2022, l’association Re-Belle récupère les fruits invendus pour en faire des confitures. Au-delà du geste écologique, l’association entend servir de tremplin aux personnes éloignées de l’emploi et prévoit d’avoir 30 postes en insertion disponibles d’ici 2024. Reportage.
8h30, l’équipe de Re-Belle presqu’au complet assiste, encore engourdie par la froid matinal, au briefing sur le déroulé de la journée. Flaminia Vulcano répartit les postes. “Nouredine et Khalid, vous êtes partant pour la collecte? Makiyata et Ouafaa vous vous occuperez en cuisine des oranges et des kiwis préparés par Bintou. Hier, Patricia a lavé 2500 pots. Aujourd’hui, c’est Bernadette qui se charge de la plonge, d’accord?“, énumère-t-elle avec son accent chantant d’Italie.
2 000 pots de confiture par semaine
“C’est un moment important de la journée. On prend le temps d’échanger et surtout de bien expliquer les missions de chacun. On fait en sorte que tout le monde passe à chaque poste. L’ADN de Re-Belle c’est de produire des confitures pour accompagner des gens qui, pour tout un tas de raisons, n’arrivent pas à trouver leur place. Et pas l’inverse. Mais pour cela il faut que l’on produise“, explique l’encadrante technique de production.
Et pour y parvenir, tout dépend de ce qui arrive par la collecte qui varie tous les jours. En fonction de cette variable, Re-Belle prépare environ 2 000 pots de confiture chaque semaine. La matière première sont des fruits invendus provenant en grande majorité de la chaîne de supermarchés Monoprix qui en est également devenue la principale distributrice, mais aussi de la banque alimentaire ou des Restos du cœur.
Créée en 2017, l’association porte un chantier d’insertion qui repose sur une idée simple: “Faire de l’accompagnement à l’insertion en faisant de la lutte anti-gaspi“, résume Elodie Theme qui a rejoint Re-Belle comme chargée de communication. Et le marché est vaste si l’on en croit ses chiffres. Sur une tonne de fruits récupérés (soit l’équivalent en moyenne de ce qui est collecté en une semaine), 700 kg sont réutilisés.
“On nous donne une chance d’avancer”
A 9:00, chacun enfile sa blouse bleue de travail, sa charlotte et ses sabots pour prendre son poste. En cuisine, Makiyata verse des clémentines prédécoupées dans une des quatre marmites mises en chauffe, puis les touille énergiquement. Des éclaboussures chaudes ne tardent pas à jaillir. “Il faut réduire la préparation tout en surveillant la teneur en sucre“, commente-t-elle.
A ses côtés, c’est Bintou qui se charge de mesurer le taux de sucre avec le réfractomètre. Il faut aussi équilibrer avec le jus de citron qui permet d’augmenter l’acidité. “Ça favorise la conservation et c’est bon au goût“, indique Eugénie qui est la responsable de production, autrement dit, la cheffe cuisinière. “Toute la difficulté c’est d’évaluer les recettes en fonction de ce que l’on reçoit et des salariés qui sont présents.“
Car tous ne sont pas forcément présents tous les jours. “Certains suivent des formations ou des cours de langue, d’autres passent leur permis de conduire. On doit aussi tout simplement composer avec des emplois du temps compliqués à gérer par moment. Beaucoup de salariés en insertion sont par exemple des femmes seules avec enfants“, note Flaminia Vulcano. “Malgré tout, on doit veiller aux objectifs du parcours d’insertion : trouver ou retrouver un rythme de travail, respecter certains codes… Nous on fait en sorte de lever les obstacles“, complète-t-elle.
Arrivée chez Re-Belle depuis août dernier, Bernadette, 26 ans, prend, par exemple, depuis peu des cours de français. “Je dois m’améliorer en écriture et en lecture. C’est important pour trouver du travail.” La jeune femme originaire du Congo (RD) est arrivée en France en 2017 après avoir été employée en Zambie, puis au Zimbabwe. “C’est la mission locale d’Aubervilliers qui m’a orientée ici. J’avais vraiment besoin de trouver du travail parce que je suis toute seule avec mon enfant. Maintenant que je connais un peu le travail de la restauration, j’aimerais continuer et me former pour trouver un emploi en restauration collective.”
Mouloud, quant à lui, veut se reconvertir à 52 ans comme chauffeur de poids lourd. Arrivé d’Algérie il y a un peu moins d’un an pour rejoindre sa famille, il a encore des difficultés pour trouver un logement stable. “C’est mieux d’être ici que dehors. Et ils m’aident pour le permis“, témoigne-t-il en découpant les oranges et kiwis qui serviront à une prochaine préparation. “On nous donne une chance d’avancer et tout le monde s’entraide“, résume Gheorghe qui vient de Montreuil.
Objectif 30 salariés en 2023
Ce vendredi, ils sont 13 dans les locaux, dont deux dans les services administratifs, sur 21 personnes en CDDI, des contrats à durée déterminée d’insertion de 26 à 30 heures, quatre mois renouvelables, en principe jusqu’à deux ans. Mais il y a des exceptions. Kathia, 40 ans, travaille chez Re-Belle depuis 2020. “J’aime la cuisine et surtout la pâtisserie. J’ai appris beaucoup de choses ici. Mais j’ai un problème de dos, ce qui m’a obligé à revoir mes objectifs professionnels“, explique-t-elle.
Portée par le succès, Re-Belle a accéléré son développement. D’ici 2024, l’association veut pouvoir 30 postes de salariés en insertion. Soit six fois plus que lors de sa création. L’été dernier déjà, ils sont passés de 15 à 21. “On a déménagé Stains parce que les locaux à Aubervilliers devenaient trop petits“, souligne Flaminia Vulcano. Les anciens hangars à bus situé au fond de la rue Eugène Hénaff ont été complétement transformés en laboratoire de cuisine. En 2022, le chiffre d’affaires, environ 200 000 euros, a été le meilleur depuis le lancement du chantier d’insertion, même s’il est resté en deçà des attentes “à cause du déménagement et de petits soucis d’électricité“, précise Elodie Theme.
Pour monter en production, l’association a fait l’acquisition d’une marmite automatique qui peut produire 12 fois plus qu’une marmite traditionnelle, soit 350 pots. Une deuxième doit compléter l’équipement cette année.
La préparation avec la marmite automatique a introduit un nouveau rituel : tout le monde est réuni sur les deux lignes de production le temps de la mise en pot. “Une fois que la cuisson est terminée, il faut aller vite parce que la confiture ne doit pas refroidir trop“, indique Eugénie. L’opération est intense. Les pichets de confiture sont versés à tour de rôle dans les pots qui sont fermés avec une machine. Au bout d’une heure, la mission est accomplie. Il est 13h00 passé, l’heure de la pause déjeuner. Au total ce vendredi, Re-Belle à produit environ 500 pots de confiture.
Il ne restera plus qu’à étiqueter les pots qui sont confiés à une plateforme logistique, et à ranger et trier la collecte du jour qui vient d’arriver. Khalid ouvre la camionnette. Beaucoup de kiwi, quelques bananes, des fruits rouges, des lichis… “La pêche n’a pas été super aujourd’hui. On a fait les Restos du coeur et quatre Monoprix mais l’un n’avait rien aujourd’hui.“
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