Justice | | 11/01/2023
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Accompagnement du handicap à l’école : une mère d’élève gagne en justice à Rosny-sous-Bois

Accompagnement du handicap à l’école : une mère d’élève gagne en justice à Rosny-sous-Bois

Moins d’une semaine après l’audience en référée, le tribunal administratif de Montreuil a donné raison à Audrey, une mère d’élève de Rosny-sous-Bois qui avait porté plainte contre l’Etat afin de faire respecter la notification de la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) pour l’accompagnement de son fils de cinq ans.

Pour Audrey, c’est l’aboutissement d’un long combat. Son fils, Sohan, âgé de cinq ans souffre de plusieurs handicaps: une suspicion de trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), un trouble de l’oralité et une dilatation rénale.

Scolarisé en grande section à l’école maternelle Jean Moulin de Rosny-sous-Bois, il bénéficie d’un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) pour une durée de 16 heures par semaine. Problème : cet agent partage son temps avec un autre enfant de sa classe atteint de troubles autistiques, alors que la MDPH lui avait notifié un accompagnement individuel de 20 heures.

Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités

Après avoir mis en demeure le rectorat de faire respecter cette prescription, la jeune maman de 31 ans s’était résolue à aller plaider la cause de son fils au tribunal. “Sohan a besoin de cet accompagnement sinon il ne peut pas suivre les enseignements qu’on lui donne et il va s’effondrer. Je n’ai pas d’autre choix que d’aller devant un tribunal. J’ai mis le peu d’économies que j’ai de côté pour que le droit de mon enfant soit respecté. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités“, avait-elle alors expliqué. Au juge, Pierre Le Garzic, elle avait fait valoir toute sa détermination: “Vous êtes mon ultime recours pour que mon enfant fasse un parcours scolaire comme les autres. C’est le cœur d’une mère. Aujourd’hui, je me heurte devant le rectorat qui ne comprend pas la situation“, avait-elle plaidé à la barre, en présence des ses soutiens.

Pour son avocate, Me Delhia Aknine, dans l’état actuel du suivi de Sohan “le droit à l’éducation n’est pas effectif. Il y a une rupture d’égalité manifeste“. Mais si Audrey est allée au bout de la démarche, elle constate que c’est rarement le cas. “Je conseille 10 à 15 parents par an, mais peu s’engagent faute de moyens et le temps judiciaire est long.” Parallèlement, il faut continuer à gérer le quotidien. Audrey a dû arrêter de travailler pour faire front aux exigences de suivi médical de son fils.

On n’aurait même pas dû aller au tribunal

Dans sa décision, rendue publique ce lundi, le juge des référés ordonne “l’exécution de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Créteil a rejeté la demande” des parents de Sohan de faire respecter la notification de la MDPH et “(l’)enjoint d’affecter auprès de l’enfant (…) un accompagnant des élèves en situation de handicap dans les conditions prévues par la décision du 20 septembre 2022 de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées dans un délai de trois semaines à compter de la notification de la présente ordonnance.” Autrement dit un accompagnement individuel de 20 heures.

Je ne m’attendais pas à ce qu’on nous donne raison. Evidemment je suis satisfaite. Pour autant j’estime qu’on n’a pas gagné. On n’aurait même pas dû aller au tribunal. Il y a encore plein d’enfants qui n’ont pas leur accompagnement. Et s’il n’y pas assez d’AESH, c’est parce qu’il faut revoir ces contrats de 20 heures payés 800 euros qu’on leur propose“, considère Audrey.

Dans les mémoires en défense cités dans l’ordonnance du tribunal administratif, le rectorat a justement motivé le rejet d’appliquer la notification MDPH (dans sa totalité) par les difficultés de recrutement d’AESH. Mais le juge Le Garzic a estimé que “lorsque l’inscription de l’enfant est prévue dans une école maternelle ou (…) élémentaire relevant de l’enseignement public, il appartient à l’État de prendre en charge, pour le temps scolaire, l’organisation et le financement de cette aide individuelle [alloué par la MDPH], le cas échéant en recrutant un accompagnant des élèves en situation de handicap selon les modalités prévues à l’article L. 917-1 du code de l’éducation.”

Alors que le rectorat de Créteil avait estimé que “la condition d’urgence” avancée par Audrey pour annuler le rejet de sa demande “n’était pas satisfaite“, le juge a rejeté ses arguments. Il a onsidérant que “si le recteur de l’académie de Créteil fait valoir que l’équipe pédagogique chargée de l’enfant ne constate pas d’insuffisance concernant son accompagnement, il ressort […] que l’accompagnement mutualisé ne permet pas à l’enfant, compte tenu du déficit d’attention et d’autonomie qui l’affecte, de bénéficier effectivement des apprentissages et, partant, de sa scolarisation. Dès lors par ailleurs que cette situation est permanente depuis le début de l’année scolaire et en l’absence de perspectives d’amélioration de la prise en charge, le recteur faisant part de ses difficultés de recrutement d’accompagnants, [les parents de Sohan] sont fondés à soutenir que la condition d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.”

Enfin, le juge a considéré qu’il existe bien “un doute sérieux” quant la légalité de la décision contestée qui “intervient en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 112-1
et L. 351-3 du code de l’éducation
.”

Une heure notifiée sur deux n’est pas allouée

Le rectorat de Créteil qui se refuse à tout commentaire, ne fera pas appel de cette décision. Au-delà de cette affaire, il rappelle que le métier d’AESH a été créé il y a six ans. Il faut donc du temps pour le faire connaître et fidéliser les personnels. De fait, selon les syndicats, les recrutements compense à peine les démissions. Ce qui a des conséquences sur les capacités de suivi des enfants bénéficiant d’une notification de la MDPH.

Dans notre établissement, une heure sur deux ayant été notifiée n’est pas allouée. Résultat, comme il n’y a pas de salle de repos, on retrouve les élèves dans les couloirs ou dans la cour“, souligne Amélie Joly, déléguée de la FCPE à l’école Jean Moulin. Pour Sandrine, venue soutenir Audrey mardi dernier, “on n’est pas écouté. [L’éducation nationale] s’en fiche. On est livré à nous même. On doit se débrouiller.” Son cas est différent: Sabri, son fils de sept ans, est polyhandicapé. Il va à l’école 12 heures par semaine en CP “alors qu’il a le profil pour aller en IME [ndlr, institut médico-éducatif]”, dit-elle “mais il n’y a pas de places ni à Rosny, ni aux Pavillons-sous-Bois, ni à Montreuil.” Alors il suit une scolarité tant bien que mal.

Reste que, selon les conclusions du dernier rapport de la Défenseur des droits, 20% des recours reçus concernaient des difficultés d’accès à l’éducation d’enfants handicapés. Pour répondre aux besoins de personnels AESH, le rectorat de Créteil indique avoir lancé une vaste campagne de recrutement dans les trois départements de l’académie (Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne).

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