Apprendre aux jeunes qui ont déjà eu affaire avec la justice à se maîtriser, à ne pas s’exprimer par la violence, tel est l’un des enjeux de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pour prévenir des récidives. À Nogent-sur-Marne, c’est sur un tatami que cela se passe, grâce à une méthode développée par un éducateur.
Sortir les adolescents ayant commis des premiers actes de délinquance de la spirale des récidives, tel est l’enjeu de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cette entité qui dépend du ministère de la Justice. Chaque année, plus de 130 000 jeunes sont suivis en France, dont plus d’un millier en Val-de-Marne.
Localement, la PJJ est structurée en différentes unités d’accueil, certaines ouvertes, d’autres fermées, afin de suivre tous les jeunes, en fonction de leur profil et du type de méfait qui les conduit à faire l’objet de mesures de justice. L’objectif : faire évoluer les adolescents pour qu’ils prennent conscience de la gravité de leurs actes et changent leur comportement pour ne pas recommencer, et les aider à se projeter dans l’avenir.
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À l’unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Nogent-sur-Marne, ce travail passe notamment par la pratique du judo, grâce à une approche développée au début des années 2000 par un éducateur de la PJJ, Patrick Larose. “Ce n’est pas une initiation ou un cours de judo. La découverte ou l’acquisition technique ne sont pas l’objet de ce travail”, précise Patrick Larose, dans la revue Enfances et Psy. Le principe de ses ateliers, baptisés Corps et Parole, vise à encourager la parole.
La séance est précédée d’un entretien préalable et commence ensuite par un combat qui s’arrête à la demande du jeune. L’objectif est que l’intensité pysique des exercices désinhibe le participant et l’aide ainsi à mettre les mots sur son vécu, et à verbaliser ses sentiments. Un premier pas dans la gestion de ses frustrations et le contrôle de soi. “La possibilité de lien entre les tactiques corporelles et les attitudes adoptées dans les relations extérieures est un prétexte à l’échange”, développe encore l’instigateur de la méthode dans la revue Enfances et Psy .
C’est en 2021, alors qu’il cherchait un binôme de professionnels pour poursuivre ses recherches que l’UEMO de Nogent-sur-Marne a répondu présente et lancé les ateliers.
Les séances se déroulent sur le dojo du foyer d’action éducative pendant une heure, auprès des jeunes volontaires. Pas question, en effet, de rendre ces ateliers obligatoires. “Nous proposons cette activité aux jeunes à travers leurs éducateurs. Les séances durent une heure, en individuel, et sont conçues comme des espaces de soin, donc il y a une confidentialité des échanges“, explique Julien Pascal, éducateur et judoka. “Ce n’est pas un cours de judo. Ce sont des combats en silence et la parole sur les émotions qui peuvent surgir. Nous tâchons d’établir des parallèles entre le comportement du jeune, des problématiques de violences ou d’agression dans un cadre protecteur.”
À côté des tatamis, la psychologue Julie Abdellatif intervient quand les combats s’achèvent. “C’est une rencontre à la croisée de l’éducatif et du psychologique. Le public que l’on reçoit a souvent des problèmes en lien avec la symbolisation, la mentalisation, la verbalisation, observe-t-elle. L’idée étant de les aider à nommer ce qu’ils ressentent, ce qui les traverse.”
Gérer la parole qui se libère
Les mineurs ou jeunes adultes qui rejoignent cet atelier ont écopé d’une mesure éducative judiciaire par un magistrat, ou ont une obligation de soin. Les participants ne reviennent pas toujours. “On aimerait que ces séances soient plus récurrentes, mais la parole se libère tellement que c’est compliqué pour eux de recommencer“, témoigne Julien Pascal.
Des parcours positifs montrent néanmoins la voie. Deux jeunes ont ainsi obtenu du juge pour enfants des déclarations de “réussite éducative“, témoignant du respect des obligations imposées lors d’une mise à l’épreuve.
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