L’islamiste radical qui a tué un jeune touriste germano-philippin et blessé deux autres personnes à proximité de la tour Eiffel à Paris samedi soir était toujours en garde à vue dimanche, alors que la question de son suivi psychiatrique suscite des interrogations.
Fiché pour radicalisation islamiste (FSPRT), selon une source proche de l’enquête, il avait été condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, après un projet d’action violente à la Défense, en 2016. Il était sorti en 2020 de prison après quatre ans de détention.
Le procureur antiterroriste Jean-François Ricard tiendra une conférence de presse dimanche à 19h30, a annoncé le parquet national antiterroriste (Pnat), chargé de l’enquête. En outre, une réunion sécuritaire se tiendra en fin d’après-midi à Matignon autour d’Elisabeth Borne, à la demande d’Emmanuel Macron, en présence notamment des ministres de l’Intérieur Gérald Darmanin, de la Justice Eric Dupond-Moretti et de la Santé Aurélien Rousseau.
Trois proches en garde à vue
Trois “membres de l’entourage” de l’assaillant sont actuellement en garde à vue, a précisé dimanche le parquet national antiterroriste.
Rappel des faits
Les faits se sont déroulés samedi vers 21H00 dans ce lieu hautement touristique de la capitale, à proximité du pont de Bir Hakeim enjambant la Seine.
Le touriste tué au couteau, 23 ans, est de nationalités allemande et philippine. Selon le médecin urgentiste, Patrick Pelloux, qui était de garde, l’homme et sa compagne, fortement choquée mais qui n’a pas eu de blessures corporelles, étaient tous deux infirmiers. L’assaillant s’en est ensuite pris, avec un marteau, à deux hommes. Selon le Pnat, les personnes, légèrement blessées, sont un Français de 60 ans et un Britannique de 66 ans, frappé à l’oeil.
“Crime abominable”
La ministre allemande de l’Intérieur a dénoncé dimanche un “crime abominable”. “Nos pensées vont à la famille et aux amis de la personne tuée, ainsi qu’aux autres blessés de cet acte horrible”, a déclaré Nancy Faeser, lors d’une interview au groupe de médias Funke.
Au pied de la tour Eiffel dimanche en milieu de journée, les touristes déambulaient tranquillement: certains n’avaient pas entendu parler de l’attaque mais tous ceux interrogés par l’AFP assuraient ne pas être inquiets pour leur sécurité.
Profil de l’assaillant : radicalisé et avec des troubles psychiatriques
L’assaillant, Armand Rajabpour-Miyandoab, un Franco-Iranien de 26 ans, a été interpellé par les forces de l’ordre peu après l’attaque et placé en garde à vue dans les locaux de la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle de Paris.
Une vidéo sans son diffusée sur les réseaux sociaux montre des policiers tenant en joue un homme, vêtu de noir et le visage en partie dissimulé, qui recule pour s’éloigner d’eux dans la rue, tout en brandissant un marteau dans leur direction. Selon le maire du 15e arrondissement Philippe Goujon à l’AFP, l’assaillant a dit aux policiers qui s’approchaient de lui pour l’interpeller qu’il avait une ceinture d’explosifs, ce qui n’était pas le cas.
Connu des services de justice pour islamisme radical et troubles psychiatriques, il a crié “Allah akbar” au moment des faits, selon une source policière.
Troubles psychiatriques
Il aurait dit aux policiers l’ayant interpellé qu’il “ne pouvait plus supporter que les musulmans meurent, tant en Afghanistan qu’en Palestine”. Il aurait aussi déclaré qu’il “en voulait”, sans préciser à qui, pour “ce qui se passait à Gaza” et que la France serait “complice de ce que faisait Israël” là-bas, a précisé Gérald Darmanin lors d’un point presse sur les lieux de l’agression.
Les enquêteurs vont désormais se pencher sur le suivi médical de l’auteur, un homme au “profil très instable, très influençable”, selon une source sécuritaire interrogée par l’AFP.
Il était suivi pour des troubles psychiatriques importants. À compter de mars 2022, il avait toutefois arrêté son traitement médicamenteux en accord avec son médecin, selon une source proche de l’enquête
Malgré une injonction de soins d’un juge en 2022, les médecins n’ont pas estimé nécessaire de reprendre des soins et n’ont identifié aucune dangerosité d’ordre psychiatrique aux termes du dernier rapport du 21 avril 2023, précise-t-on de même source.
5 200 personnes suivies pour radicalisation en France, dont 20% ont des troubles psychiatriques
Environ 5 200 personnes sont connues pour radicalisation en France, dont 1 600 personnes sont particulièrement surveillées par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon une source au sein du renseignement, qui précise que 20% de ces 5 000 personnes ont des troubles psychiatriques.
L’assaillant a publié sur les réseaux sociaux une vidéo de revendication de son attaque, ont confirmé à l’AFP des sources policières et sécuritaires. Dans la vidéo, il évoque “l’actualité, le gouvernement, le meurtre de musulmans innocents”, a détaillé la source sécuritaire. À ce stade, les enquêteurs ne savent pas quand elle a été tournée. Elle a été postée en ligne “quasi concomitamment” au passage à l’acte, selon cette source.
L’attaque survient à quelques mois des JO-2024 à Paris et moins de deux mois après celle d’Arras (Pas-de-Calais) qui a coûté la vie à un enseignant mi-octobre et conduit au relèvement du plan Vigipirate au niveau maximal “urgence attentat”.
Dans le cas présent, ce sont les médecins qui ont déclaré que le patient était guéri, et qui se sont opposés à la reprise des soins …
Nous sommes là à la limite de ce que peut faire un état de droit, qui ne peut enfermer à vie tout ‘opposant’ ou ‘personne à risque’ (et c’est une bonne chose).
Mais on peut s’interroger sur la psychiatrisation très fréquente des terroristes islamistes : je pense que l’on ne comprend pas ce qu’est la radicalisation religieuse (que l’on a connu en France, mais il y a 4 ou 500 ans), et que l’on considère que ces gens sont ‘fous’, puis un jour ‘guéris’, alors qu’ils ont un but bien précis et ancré en eux, ‘rationnel’ en quelque sorte pour eux.
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