Manifestation | Paris | 24/06/2023
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Autocollants anti-avortement sur les Vélib’ du Grand Paris : les féministes ripostent

Autocollants anti-avortement sur les Vélib’ du Grand Paris : les féministes ripostent

Après les deux vagues de collages anti-avortement sur des Vélib du groupe “Les Survivants”, le Collectif Avortement appelait à un rassemblement le 22 juin, sur la place de la République à Paris (Xe arrondissement). L’occasion d’alerter sur la dégradation des conditions d’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG).

Contre les autocollants, un rassemblement. En ce début de soirée, sur la place de la République, drapeaux arc-en-ciel et bannières syndicales se mélangent dans la foule d’une petite centaine de personnes, venues réaffirmer leur attachement au droit à l’avortement. Raison de la manifestation : les deux fois 10 000 autocollants aux messages anti-avortement apposés sur des Vélib’ dans la capitale, les 25 mai et 15 juin.

Revendiqués par le collectif anti-avortement “Les Survivants”, les adhésifs affichent un message culpabilisant : “Et si vous l’aviez laissé vivre ?”, écrit en reprenant la charte graphique des vélos en libre-service. Sous la question posée, un fœtus grandit, devient un bébé puis un enfant capable de pédaler. Le 25 mai, le groupe avait revendiqué 10 000 collages à travers la capitale. La campagne a depuis été réitérée dans la nuit du 14 au 15 juin, ainsi – ainsi qu’à Lyon sur des Vélo’v, équivalents rhodaniens des bicyclettes vertes, dans la nuit du 17 au 18 juin.

Lire : Campagne d’affichage sauvage anti-avortement sur des Vélib’ à Paris

Des conditions d’avortement dégradées

Proche de la Manif Pour Tous, le mouvement explique tirer son nom du fait qu’ils “aur[aient] pu ne pas être là”. “On ne les entend pas dire qu’ils sont survivants des femmes qui meurent toutes les neuf minutes dans le monde à cause des avortements clandestins, ou de celles qui meurent des suites de grossesses dangereuses, faute d’avoir pu avorter !”, s’emporte Oriane, membre du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), en s’adressant à la foule. Dans le public, largement féminin, syndicalistes, militants et élus des partis de gauche se côtoient. Hélène Bidard (PCF), adjointe en charge de l’égalité hommes-femmes à la mairie de Paris, annonce que la Ville “portera systématiquement plainte” en cas de nouvelles dégradations.

Outre l’indignation, le rassemblement permet d’attirer l’attention sur la dégradation des conditions d’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) en France. Au total ce sont près de 8% des centres IVG du pays qui ont fermé entre 2007 et 2017, tandis qu‘entre 2000 et 5000 femmes par an se rendent à l’étranger pour pouvoir avorter, rappellent les oratrices qui se succèdent. L’occasion également d’interpeller le gouvernement sur sa promesse faite le 8 mars dernier d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. Une promesse loin d’être acquise, car le gouvernement entend faire voter cette mesure au sein de réformes constitutionnelles plus larges, qui pourrait aller du redécoupage des régions à la redéfinition des mandats électoraux. Le tout requérant l’approbation des trois cinquièmes du Parlement. Or, l’exécutif dispose d’une majorité très relative (171 députés sur 577).

Lire aussi : Droit à l’avortement: la loi de la députée du Val-de-Marne Albane Gaillot définitivement adoptée

“C’est mon choix”

“Cette campagne va à l’encontre de quarante ans de combats”, se lamente Blanche, 30 ans. “C’est d’autant plus décevant que l’opération est menée par des jeunes. [Le mouvement revendique n’être constitué que de personnes nées après 1975, année de l’entrée en vigueur de loi Veil légalisant l’avortement, ndlr]. Maman d’un petit garçon de 6 ans, elle porte une pancarte qui résume à elle seule sa présence ce soir : “J’ai fait le choix d’avorter à 17 ans d’un homme dont j’étais sous l’emprise. Des années après, j’ai eu un enfant. Cette fois-ci aussi, c’était mon choix.”

“Certains parlent d’abus de l’avortement, mais c’est un choix !”, continue-t-elle, cheveux bouclés coupés court. “Parfois, on est jeunes, victimes d’hommes qui mentent ou qui retirent leur préservatif sans nous prévenir. Ou parfois, on est plus âgée, on a le malheur d’avoir oublié de prendre sa pilule, on a déjà quatre ou cinq enfants, et on ne peut pas se permettre d’en avoir un de plus.” À côté d’elle, son amie acquiesce. “La contraception a un coût [elle n’est remboursée à 100% que pour les femmes de moins de 26 ans, ndlr], donc c’est aussi un enjeu de classe sociale ! Parler d’abus, c’est ne pas prendre ça en compte”, ajoute-t-elle.

“Plus je viens, plus je vois d’hommes”

“Autour de moi, toutes mes amies ont avorté. Si je n’avais pas avorté, je n’aurais pas pu avoir une vie de jeune, avec des amis, des questionnements, comme on a lorsqu’on a 17 ans. Je n’aurais pas pu quitter mon travail pour développer mon projet professionnel non plus” énumère cette employée dans la restauration.

Contre les discours accusateurs, Blanche assume son choix. Son amie rajoute : “Cette campagne est d’autant plus dégueulasse que le mouvement joue avec le “syndrome du survivant“, un sentiment de culpabilité ressenti par ceux et celles qui avaient survécu à la Shoah.”

Habituées des rassemblements féministes, les deux amies gardent tout de même des motifs d’espoir. À commencer par l’implication grandissante des hommes, dans des mobilisations encore très majoritairement féminines. “Plus je viens, plus je vois d’hommes. Ils sont de profils de plus en plus divers, que ce soit la classe sociale, l’âge, l’origine…”, sourit Blanche. “Ils sont toujours peu, mais c’est un progrès ! Je n’aimerais pas que mon fils se retrouve avec un enfant non voulu dans quelques années…”

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