La gestion budgétaire des Cités éducatives est-elle suffisamment encadrée ? C’est l’une des questions posées par la mission d’orthophonie à 60 000 euros confiée par le principal du collège Flagon, chef de file de la Cité éducative de Valenton… à sa propre compagne. Le syndicat Snes-FSU a fait un signalement au procureur de la République.
“Dans le cadre d’une convention de subvention au titre de la « cité éducative », signée en juillet 2022 par le chef d’établissement et le Préfet délégué à l’égalité des chances du Val-de-Marne, qui prévoit, entre autres actions pédagogiques et éducatives, des séances d’orthophonie de la maternelle au collège pour un montant global de 60 000 €, l’épouse du principal et chef de file de la cité éducative de Valenton, a été rémunérée. Par ailleurs, ladite convention n’a jamais été présentée au conseil d’administration de l’établissement”, dénonçait le syndicat dès la mi-décembre sur son site internet, indiquant avoir fait un signalement au procureur de la République.
La gestion budgétaire des cités éducatives en question
N’ayant pas de retour, le Snes-FSU a publié un communiqué ce mercredi pour alerter sur la situation. “Malgré les soupçons de prise illégale d’intérêt pesant sur le chef d’établissement, il a toujours accès aux comptes et continue de gérer comme si de rien n’était. Nous n’avons aucune réponse des autorités de tutelle. Nous dénonçons depuis trois ans le principe même de ces cités éducatives où des centaines de milliers d’euros sont gérés par les principaux de collège avec le préfet délégué à l’égalité des chances et le maire. Nous n’avons pas accès à la convention confiant les séances d’orthophonie”, explique Camille Ferdinand, co-secrétaire départementale du syndicat. Selon l’élue syndicale, la convention de subvention signée en juillet 2022 dans le cadre de la cité éducative de Valenton mentionnait le travail de l’orthophoniste.
De son côté, le rectorat indique avoir été saisi de l’alerte du syndicat et avoir mandaté ses services pour en faire une étude précise. “Dans le cadre des subventions allouées à la cité éducative de Valenton, une action pédagogique à destination des écoles et structures d’accueil de la petite enfance a été menée par une orthophoniste. Le principe de cette intervention a été acté dans le programme d’actions de la cité éducative. Elle a fait l’objet d’une convention de partenariat et la prestation a bien été effectuée. Le recours à un orthophoniste est une action récurrente dans le cadre des cités éducatives, qui permet une meilleure détection des enfants concernés ainsi qu’un accompagnement des équipes enseignantes. Le syndicat ayant saisi la justice, le recteur ne fera aucun commentaire supplémentaire. Il appelle chacun au respect des personnes concernées et des procédures en cours”.
Le parquet de Créteil confirme, lui, bien avoir reçu une “plainte” et indique évaluer les suites à lui donner.
Des rapports de confiance difficiles à établir
Du côté de la mairie, partenaire du projet de Cité éducative, on regrette la tournure des choses. “Nous n’avons pas à donner d’avis sur ce représentant de l’Éducation nationale, mais il est dommageable qu’il ait pu agir ainsi. Je note par ailleurs que cela vient s’ajouter à des problèmes de confiance avec le conseil d’administration de son collège, qui a voté de manière presque unanime contre son budget. Le dispositif des Cités éducatives garde son importance. Il est déterminant pour nos territoires fragiles de pouvoir investir davantage dans tous les dispositifs existants pour la jeunesse“, réagit le maire, Metin Yavuz.
“Le principal voulait faire voter un budget en déficit pour obtenir davantage d’argent de la tutelle. D’où la majorité de votes contre“, précise Camille Ferdinand.
Quel cadre réglementaire pour la gestion des Cités éducatives ?
Au-delà du cas de Valenton, le syndicat interroge le cadre réglementaire des Cités éducatives. Pour rappel, le principe des Cités éducatives, dont cinq ont déjà été labellisées en Val-de-Marne, est de fédérer plusieurs établissements scolaires et la ville, sous la houlette d’un chef de file, généralement le principal du collège, pour mener des projets, éventuellement avec des prestataires extérieurs, après un diagnostic sur la situation locale. La labellisation en Cité éducative permet de bénéficier d’une enveloppe financière dédiée. Dans le Val-de-Marne, cette enveloppe tourne autour de 250 000 euros par an, ce qui est loin d’être négligeable et constitue donc une forte incitation.
Pour les syndicats, ce pilotage qui échappe à la gouvernance classique des établissements scolaires inquiète en revanche. “En imposant une gouvernance minorant la place des personnels et des organes délibérants des établissements scolaires que sont les conseils d’administration, en promouvant l’intervention tous azimuts de partenaires extérieurs, le plus souvent en dehors de tout cadre légal et réglementaire, cette stratégie éducative du gouvernement, qui se présente comme « ambitieuse et innovante », non seulement confère une place de plus en plus importante au périscolaire et aux collectivités au détriment de l’Éducation nationale, mais donne lieu à des subventions dont l’utilisation souvent opaque est critiquée par les personnels qui œuvrent au quotidien dans les établissements des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour la réussite, l’épanouissement et l’émancipation de tou·tes les élèves”, dénonce ainsi le Snes-FSU à propos du cas de Valenton.
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