La mobilisation contre la réforme des retraites s’étiole au gré des semaines, avec 400 000 manifestants à Paris hier selon la CGT, 57 000 selon la police. Le 23 mars, le syndicat annonçait 450 000 contre 93 000 selon la préfecture. Sur place, la détermination demeure, des grilles de la fac d’Assas jusqu’aux cortèges syndicaux. Reportage.
7h20 au 92 rue d’Assas. Devant les grilles du centre universitaire s’empilent déjà des poubelles, des grilles de chantiers, ou des vélos en libre-service. Une trentaine d’étudiants veillent sur le piquet de blocage. Tous masqués et souvent vêtus de sombre, ils reprennent les chants scandés par les manifestants contre la réforme des retraites depuis bientôt trois mois : “Le kérosène, c’est pas pour les avions, c’est pour brûler Macron et sa réforme !”, “On est là, on est là, même si Macron ne veut pas, nous on est là…” De l’autre côté de la rue, une soixantaine d’étudiants observent, entre amusement et frustration.
Un petit bouleversement pour cette fac réputée comme un bastion de la droite et de l’extrême-droite, et qui vient de connaître sa deuxième journée de blocage cette année. Lors de la dernière journée de mobilisation, le 23 mars, des étudiants avaient déjà barré les entrées pendant une matinée avant de se rendre à la manifestation. La fin de la mobilisation avait été marquée par l’attaque d’un groupe d’extrême-droite se faisant appeler “Waffen Assas” mais le blocage avait tenu. Un fait d’armes considéré comme une victoire pour ces militants, qui se sont même payé le luxe de défiler avec une banderole “Assas la Rouge”, leur valant un billet dans le Figaro.”On en est très fiers !”, en rigole la secrétaire générale d’Assas In Progress, liste étudiante regroupant des associations de gauche.
“Ça reste plus cool que le GUD qui tractait la semaine dernière…”
Si les bloqueurs restent minoritaires parmi les étudiants, ils témoignent du large rejet de la réforme des retraites parmi les jeunes. Même de l’autre côté du trottoir, difficile de trouver des étudiants foncièrement opposés aux bloqueurs. “Les métiers les plus pénibles doivent être pris en compte. Personne n’a compris pourquoi ils avaient supprimé les régimes spéciaux !”, estime Paul-Antoine, costume complet en tweed et mouchoir à la poche, qui estime tout de même le blocage “décevant.” Pour cet étudiant en finances, “on peut discuter du 49-3 mais il y a eu une motion de censure, qui n’a pas réussi, et il y a des règles. Et ce n’est pas parce qu’elles ne nous plaisent plus qu’on arrête de jouer”, défend-il.
Joséphine, en L2 de droit, ne goûte pas davantage à la réforme et soutient la mobilisation “sur le principe” tout en souhaitant “aller réviser son galop à la bibliothèque !” “Mais bon, soupire-t-elle, ça reste plus cool que le GUD qui tractait la semaine dernière…”
La mobilisation se sera globalement déroulée dans le calme, hormis une petite tentative d’arracher les banderoles accrochées aux grilles de l’université vers la fin du blocage. Aux alentours de 13h, les militants lèvent le camp, direction l’esplanade des Invalides pour rejoindre la manifestation parisienne qui s’élance à 14h en direction de la place d’Italie.
Occupation du siège de Blackrock, incendie à la Rotonde
Hormis les étudiants, présents en nombre dans le cortège, les cheminots, fortement mobilisés depuis le début du mouvement social sont aussi en bonne place. Plusieurs d’entre eux, affiliés aux syndicats Sud-Rail et à la CGT, partis de la gare de Lyon après une assemblée générale, ont envahi le siège social de la multinationale Blackrock, dans le 2ᵉ arrondissement, aux alentours de midi. Ce fonds de pension, plus grand gestionnaire d’actifs du monde, est accusé par les manifestants d’opérer un lobbying en faveur de l’ouverture à un système de retraites par capitalisation. Munis de fumigènes, les syndicalistes ont pénétré les locaux pour y rester une vingtaine de minutes. Les policiers sont arrivés peu après.
Un autre geste symbolique, cette fois-ci plus violent, a marqué le parcours, au restaurant La Rotonde, situé à l’angle du boulevard Raspail et du boulevard du Montparnasse. Cette fois, c’est par le feu que des personnes se sont attaquées à cette brasserie dans laquelle Emmanuel Macron avait fêté son accession au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Un groupe de personnes vêtues de noir, chiffré à une centaine selon la préfecture de police, a d’abord lancé divers projectiles (bouteilles, pavés, pétards) en direction des policiers qui s’étaient placés en protection du restaurant. Les pompiers sont rapidement venus à bout des flammes.
À la fin de la journée de la mobilisation, la préfecture de police déplorait 77 blessés parmi les policiers, dont 13 hospitalisations, selon un bilan provisoire. Le nombre de manifestants blessés est quant à lui inconnu. À 19h20, 31 interpellations avaient été effectuées.
La prochaine journée de mobilisation aura lieu le jeudi 13 avril, alors que la décision du Conseil Constitutionnel, qui pourrait retoquer la réforme, est attendue pour le 14 avril.
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