Handicap | Ile-de-France | 16/10/2023
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Handicap à l’école : profs et parents d’élèves manifestent au rectorat de Créteil

Handicap à l’école : profs et parents d’élèves manifestent au rectorat de Créteil

À la veille des vacances de la Toussaint, le constat des parents d’enfants en situation de handicap et de leurs enseignants est sans appel : la situation stagne, voire, se détériore, faute d’accompagnants (AESH) en nombre suffisant par rapport aux prescriptions. Des associations de parents et d’enseignants appellent à un rassemblement ce mercredi devant le rectorat de Créteil.

Leïla ne manquerait le rassemblement du 18 octobre pour rien au monde. “Je serai présente pour crier ma colère. Ce que je constate depuis la rentrée, c’est que mon enfant n’a pas les heures d’accompagnement individuel auxquelles il a droit. Mais, ma situation n’est pas la pire”, souffle cette maman.

6 700 enfants sans solution adaptée

Depuis la rentrée, on constate un manque considérable d’AESH [ndlr, accompagnant d’élèves en situation de handicap]. Beaucoup d’enfants ne sont même pas scolarisés. Certains sont en attente d’une place en IME [ndlr, Institut médico-éducatif] depuis trois ou quatre ans. Ce n’est gérable pour personne. Le problème, c’est que l’on a peu de données“, explique Audrey Tratry, fondatrice d’Une École inclusive pour tous, qui appelle à la mobilisation. Son association a d’ailleurs commencé à ouvrir des antennes départementales, pour évaluer l’inclusion scolaire à l’échelle nationale.

En Seine-Saint-Denis, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) évalue à au moins 6 700 enfants sans solution adaptée.

Difficultés à recruter des AESH

Le fils de Leïla, Naël, vient d’entrer en 6ème dans un collège de Rosny-sous-Bois. Il souffre de dyspraxie et trouble de l’attention (TDA). La MDPH lui a notifié un suivi individuel par un AESH de 18 heures. Mais, depuis septembre, le suivi est seulement de 9 heures, soit la moitié. “L’AESH est là les après-midi, pour certaines matières, mais Naël se retrouve tout seul le matin. Il ne prend alors les cours qu’à moitié. Ses professeurs sont d’accord sur le constat : il est en difficulté. Il est donc privé des chances de réussir sa scolarité. C’est comme si on demandait à un enfant myope de suivre le cours sans ses lunettes“, décrit Leïla. Selon elle, l’administration justifie cette situation par les difficultés à recruter des AESH. Ce qui ne l’étonne pas. “C’est le cœur du problème : ce métier est précaire et dévalorisé“, estime-t-elle.

Contacté, le rectorat de Créteil déplore l’insuffisance d’AESH tout en soulignant qu’il a lancé une campagne active de recrutement qui fonctionne surtout lorsqu’elle a été relayée par les collectivités locales. Il rappelle également que la profession d’AESH n’existe que depuis six ans et reste donc à construire. Le rectorat ne donne toutefois pas de chiffres sur la prise en charge des enfants en situation de handicap dans les établissements de l’académie de Créteil.

Pour faire valoir ses droits, Leïla a donc mis en demeure le rectorat de Créteil de délivrer la totalité des heures notifiées par la MDPH. “C’est le début d’une procédure de recours. Si, d’ici à deux mois, notre droit n’est pas reconnu, j’irai jusqu’au tribunal“, précise-t-elle. Ce serait la deuxième fois. Pour son année de CM2, Naël devait bénéficier de 20 heures d’accompagnement, mais seulement 10 heures lui ont été attribuées. Le tribunal administratif de Montreuil avait donné gain de cause à ses parents, mais seulement en juin dernier. “Quand on s’est lancés dans cette procédure judiciaire, on savait que ça allait être long et que l’année de CM2 serait sacrifiée, mais on s’est dit qu’il fallait le faire pour préparer l’année suivante… On remarque aujourd’hui que c’est de pire en pire“, constate la mère.

En fait, nos enfants sont des exclus de l’intérieur

Avec ce recours, la maman de Naël est un des rares parent à être allée jusque devant les tribunaux, à l’image Audrey Tatry, qui avait choisi de médiatiser son combat. Ensemble, elles ont participé à la création de l’association Une École inclusive pour tous.

Lire aussi : De Rosny-sous-Bois au Parlement, le combat d’Audrey pour faire reconnaître le handicap

Parce que votre enfant a un handicap, il doit rester à la maison. La réalité, c’est que la société française ne prévoit pas de place pour ces enfants. Moi, ça me révolte. Ils n’ont rien demandé. Ce n’est pas leur faute s’ils sont en situation de handicap“, pointe Leïla.

En avril, le conseil de l’Europe a dénoncé la violation des droits des personnes en situation de handicap. “La France est clairement en retard dans ce domaine par rapport à ses voisins comme l’Italie“, relève Audrey Tatry. “On ne peut pas se contenter de la loi de 2005. En fait, nos enfants sont des exclus de l’intérieur. Cette loi leur a permis de rentrer dans l’école, mais c’est tout“, juge-t-elle.

Un “combat quotidien et constant” moral, physique et financier

Pour elle, en plus de manquer de moyens, la politique d’inclusion à l’école est vide de contenu. “L’inclusion ne se fera pas sans un partenariat entre l’école et le médico-social, ni une sensibilisation au handicap auprès des enseignants et des enfants, et ce, dès la grande section de maternelle. Notre objectif, c’est d’essayer d’apporter des idées pour trouver des solutions à partir des constats que parents, enseignants et AESH dressent aujourd’hui“, assure-t-elle, signalant avoir eu un dialogue qu’elle espère constructif avec l’éducation nationale.

Le rectorat de Créteil confirme, pour sa part, avoir reçu des représentants de l’association et rappelle être à l’écoute des propositions d’expérimentation.

Comme Audrey Tatry, qui s’attend à devoir retourner devant les tribunaux l’année prochaine, Leïla parle d’un “combat quotidien et constant” moral, physique et financier. “Je dois repartir dans un bras de fer pour que mon fils ait une chance de suivre ses cours alors que la première procédure m’a value un burn out. En fait, en tant que parent, on n’arrête jamais. Faire un dossier MDPH, ce n’est pas anodin. C’est un cheminement douloureux. Une fois toutes ces étapes effectuées, il faut encore faire valoir ses droits auprès de l’administration“, témoigne cette dernière.

Pour l’heure, l’inquiétude des parents porte sur la transformation, prévue en 2027, des Pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL), chargé de la coordination des AESH, en Pôles d’appui à la scolarité (PAS), mesure phare de la conférence national du handicap. “Ce ne sera plus la MDPH qui évaluera le nombre d’heures, mais l’Éducation nationale et ces fameux PAS. On craint donc que la même administration devienne juge et partie dans l’attribution des heures d’accompagnement“, souligne Audrey Tatry.

Ce mercredi 18 octobre, un collectif d’associations de parents d’élèves et de syndicats enseignants* du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis appellent à manifester à 13h30 devant le rectorat de Créteil. Ils réclament le respect des notifications MPH, la création de postes de personnels qualifiés, de places dans les établissements médico-sociaux, des réseaux d’aide (Rased) complets dans les écoles, un vrai statut de fonctionnaire pour les AESH et encore l’abandon du projet de création de l’ARE’un statut d’ARE (Assistant de réussite éducative) et des PIAL (Pôle inclusif d’accompagnement spécialisé)

* FCPE, Collectif Parents du 94, Ambition école inclusive, Une école inclusive pour tous, Collectif parents de Villejuif, Luttes scolaires Cachan, LaMàO, DMOS 94, LDH, SnudiFo, SNUIppFSU SNES, SNFOLC, CGT, Sud Education…

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