Alors que le secteur de la construction est celui qui extraie le plus de matière et génère le plus de déchets, l’organisation du réemploi des matériaux s’accélère, incitée financièrement. À Vitry-sur-Seine, Bouygues inaugure son premier centre ce mardi, en présence du ministre Christophe Béchu. Explications.
Contexte
Autour de 240 millions de tonnes, tel est le poids des déchets du BTP chaque année en France, soit près des trois quarts des déchets générés dans le pays. Sur ces 240 millions de tonnes, une grande partie est constituée de terres excavées, seulement 46 millions de tonnes environ sont des déchets de construction.
Ces 46 millions de tonnes de déchets de construction se répartissent elles-mêmes en trois catégories : les déchets inertes, DI (classe 3), les déchets non dangereux non inertes, DNDNI (classe 2) et les déchets dangereux (classe 1). Les déchets inertes (béton, terre cuite, verre plat…) représentent à eux seuls plus de 30 millions de tonnes. Les DNDNI (métaux, bois, plâtre, laine minérale, PVC, plastique, moquette, polyuréthane…) représentent environ 10 millions de tonnes. Les déchets dangereux représentent moins de 2 tonnes. La classification en trois catégories de ces déchets, depuis la loi du 13 juillet 1992 relative à l’élimination des déchets, a contribué à accélérer le réemploi. En effet, les décharges de classe 1 et 2 sont beaucoup plus chères.
L’Ile-de-France, qui concentre un cinquième de la population du pays et connaît de gros chantiers de logements et équipements, notamment celui, colossal, du Grand Paris Express, prend une large part à la volumétrie des déchets. Rien que pour la construction du métro, le volume de déblais total a été évalué à 47 millions de tonnes sur les dix ans de chantier, représentant entre 10% et 20% de l’ensemble des déblais de la région chaque année.
Les initiatives se multiplient donc pour réemployer les matériaux, en les utilisant sur place dans les nouvelles constructions, ou en optimisant la logistique de leur réemploi (plateformes de tri au plus près des chantiers, double fret pour optimiser le transport…). Dans le Val-de-Marne, le pionnier en matière de réemploi des matériaux a été Yprema, dont le siège est à Chennevières-sur-Marne, qui développe des plateformes de recyclage des matériaux depuis la fin des années 1980.
Sur ce sujet, lire : Économie circulaire en Val-de-Marne et BTP : du recyclage au réemploi sur place
Une première plate-forme à Vitry-sur-Seine
C’est dans ce contexte que le constructeur Bouygues Construction inaugure ce mardi le premier site de sa filiale Cyneo, dédiée au réemploi des matériaux, sur 2 700 m2 dans le secteur des Ardoines, à Vitry-sur-Seine. Le promoteur, dont la filiale Linkcity est en charge de l’aménagement urbain de 180 000 m2 dans la zac des Ardoines, a signé un bail de six ans en avril, avec la SNCF pour exploiter deux halles du technicentre, à côté du dépôt pétrolier. L’un des halles est destinée à accueillir des artisans du bois, en partenariat avec Make ici. L’autre halle accueille le projet Cyneo.
Cette première plate-forme Cyneo vise à accueillir les matériaux des chantiers de construction pour les remettre dans le circuit de nouveaux chantiers. Au-delà d’un espace de stockage, c’est donc tout une logistique que le promoteur entend développer pour organiser l’offre et la demande, à partir d’une identification précise des stocks disponibles et en s’appuyant sur une plate-forme numérique. Un objectif développé en partenariat avec des acteurs du réemploi comme Remake (menuiseries), Tricycle (mobilier, portes et sanitaires), Textifloor (moquettes et sols souples), Wasterial (carrelages) et Circouleur (peintures).
Structurer la filière
“Les centres techniques de Cyneo proposeront également des espaces mutualisés de production, de stockage, de prototypage et d’exposition des produits. Les bénéficiaires de ces services resteront indépendants et libres de vendre leurs matériaux issus du réemploi”, indique le centre qui promet aussi d’apporter des solutions sur les volets assurantiel et juridique, de favoriser les échanges de bonnes pratiques, de proposer une veille réglementaire et une offre de formation. Pour cela, Bouygues s’est aussi appuyé sur six partenaires métiers : SMABTP (assistance pour le volet assurantiel), BTP Consultants : contrôle technique, Premys (apport de gisements de matériaux issus des chantiers de déconstruction), Booster du réemploi, Elan (intégration des matériaux dans les opérations neuves ou réhabilitées) et Valobat (éco-organisme REP PMCB).
Un futur réseau
Le centre de Vitry-sur-Seine est le premier d’un réseau Cyneo, prévoit d’ores et déjà l’opérateur de construction qui table sur un développement partout en France. “L’objectif est de structurer une offre de matériaux de réemploi de qualité en réunissant une communauté d’acteurs économiques et institutionnels“, explique Joanna Ferrière, directrice de Cyneo, dans un communiqué.
Pour le promoteur, qui dispose de nombreux chantiers en France, ce futur réseau s’inscrit aussi dans le cadre de son activité principale, en offrant un débouché à ses propres déchets.
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