Gros temps pour le marché du vrac. Entre 2020 et 2022, il est passé de 1,2 milliard à 850 millions d’euros au niveau national. Dans le Val-de-Marne, plusieurs magasins 100% vrac montrent pourtant la voie, et restent confiants.
Après une croissance à deux chiffres, le marché du vrac tousse depuis deux ans. “Le trou d’air est intervenu en mai 2021, avec la réouverture des terrasses et des restaurants”, se souvient David Sutrat, cofondateur de “day by day”, un réseau de magasins 100% vrac, présent notamment en franchise à Charenton-le-Pont.
Après 25 ans dans le marketing et le commerce, David Sutrat s’est lancé dans cette aventure entrepreneuriale avec son associé Didier Onraita en octobre 2011, et peut témoigner de près de l’évolution de ce marché. “On s’est lancé en partant du constat que nous avions beaucoup contribué à la société de consommation. Nous souhaitions mettre notre expérience de la distribution avec plus de sens au bout, et étions écœurés par le gaspillage alimentaire”, raconte le cofondateur. Le premier magasin 100% vrac ouvre à Meudon-la-Forêt en mai 2013. “Nous avons démarré par le vrac du placard, c’est-à-dire tout ce qui se conserve à température ambiante, épicerie salée, sucrée, produits ménagers et d’hygiène. Nous nous efforçons de proposer des tarifs comparables à ceux de la grande distribution, avec une offre premier prix pour chaque produit comme la portion de 80 g de pâtes pour 50 centimes”, détaille-t-il. L’approvisionnement, effectué à 70% en France, est à la fois bio et non bio.
En boutique, des sachets kraft sont mis à disposition mais, depuis septembre 2022, les clients sont encouragés à venir avec leur propre contenant grâce à une réduction symbolique de 1 centime sur chaque article. “Nous proposons aussi des bocaux en verre déposés par les clients, que nous décontaminons et pré-pesons”, explique le cofondateur.
Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série consacrée à l’économie circulaire dans le Val-de-Marne, réalisée avec le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie du Val-de-Marne et de l’Agence de la transition écologique (Ademe).
La CCI 94 développe actuellement un accélérateur d’économie circulaire à l’attention des acteurs économiques du département. Pour plus d’informations, contacter Patricia Fouré, responsable partenariats et projets circulaire (pfoure(a)cci-paris-idf.fr)
Indice de réduction d’emballage
Fin 2022, le réseau a aussi créé un Indice de réduction d’emballage (IRE) pour sensibiliser les clients au poids d’emballage épargné par l’achat en vrac. “Cet indice indique quelle proportion d’emballage le consommateur évite d’utiliser. Pour le calculer, nous partons du contenant le plus populaire par type de produit, par exemple un sachet de 250 g pour des pâtes. L’indice est ensuite symbolisé par un nombre de planètes allant de 1 à 5”, développe David Sutrat.
À l’époque du lancement, le marché du vrac est à peine émergent. “Nous avons connu trois grandes phases. La première, de 2013 à 2017, a été celle de l’éveil des consciences : des clients mais aussi des fournisseurs. Entre 2017 et 2021, le marché s’est véritablement développé avec une croissance à deux chiffres. En France, le marché est passé de 100 millions € par an en 2013 à 1,4 milliard € en 2021. Nous avons ouvert en franchise 10 à 15 magasins par an. 2020 a été une bonne année car les commerces alimentaires sont restés ouverts durant le confinement et le do it yourself s’est fortement développé. Cette croissance s’est arrêtée brutalement au déconfinement du printemps 2021 et n’a pas repris lors de la troisième vague Covid de l’automne 2021 qui a davantage profité à la livraison de restauration à domicile. Cette crise n’a pas affecté que le vrac mais l’ensemble de la consommation alternative. Le bio a connu les mêmes difficultés”, analyse David Sutrat. Son réseau est ainsi passé de 80 à 64 magasins avant de remonter à 78 suite à la reprise de la chaîne Mademoiselle Vrac.
“Au niveau national, le marché du vrac est passé de 1,2 milliard € en 2020 à 850 millions € en 2021”, chiffre Chloé Liard, chargée de développement et de projets chez Réseau vrac, association créée en 2016 pour promouvoir, développer et structurer cette modalité de distribution via des animations et du lobbying.
50 kg d’emballage par an et par personne en France, à économiser
Sur le plan environnemental, le vrac permet pourtant de supprimer les emballages plastiques de petits contenus, et de limiter le gaspillage alimentaire, en offrant la possibilité de n’acheter que ce dont on a besoin. Selon l’Ademe, ce sont 50 kg d’emballage qui sont jetés par an et par personne en France. Par ailleurs, 29 kg par an et par personne de déchets alimentaires, dont 7 kg encore emballés, se retrouvent à la poubelle.
Mars, le “mois du vrac” : des animations dans toute la France
Afin de sensibiliser la population à la consommation en vrac, l’association Réseau vrac organise depuis plusieurs années le Mois du vrac, du 1er au 31 mars. Cette initiative fédère des centaines d’initiatives dans toute la France. 22 sont organisés en Ile-de-France, comme des ateliers de sensibilisation, de do it yourself, de fabrication de sacs à vrac…
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Le vrac : “une évidence”
Le creux de la vague, c’est le moment qu’a choisi Vanessa Veuillet pour ouvrir son épicerie, “Les mains dans la terre”, à Vitry-sur-Seine. Une reconversion complète pour cette Vitriote qui travaillait dans une galerie d’art. “Je voulais travailler à Vitry-sur-Seine et créer des choses que je ne trouvais pas localement, comme le bio”, motive-t-elle. Le vrac lui a semblé une évidence. “Je fais partie du collectif Vitry Gare et, pendant la crise sanitaire, on a commencé à faire des ramassages de déchets chaque semaine, avec des bénévoles. On a aussi développé le compost. Vendre en vrac était une évidence pour réduire les déchets, pour inciter les gens à se poser des questions sur leur consommation. Les clients viennent avec leur sac et en apportent même pour les autres. Nous récupérons aussi les bocaux en verre, que nous lavons et remettons à disposition. Nous avons produit quelques sacs en coton, mais, pour moi, c’est un échec de vendre un sac.”
Si Vanessa Veuillet a pu s’installer dans un contexte économique compliqué, c’est aussi car elle a bénéficié de conditions propices. “J’ai répondu à un appel à projets de la ville qui avait préempté les locaux”, explique-t-elle. L’emplacement, situé au 11 avenue Roger Derry, à Vitry, a été récupéré par la ville après le départ de Phildar, pour installer un commerce de proximité.
L’approvisionnement, lui, s’est fait naturellement. “Je faisais déjà partie d’une Amap (Association qui met en lien direct un paysan et des consommateurs qui s’engagent à lui acheter sa production sur l’année, sous forme de paniers), et je connaissais déjà des producteurs. Puis j’ai tissé mon réseau progressivement. Mon principal défi était d’être accessible au plus grand nombre, et pas uniquement aux clients qui consomment déjà du bio”, explique l’épicière. Les nouveaux clients ? Des jeunes parents qui se convertissent au bio pour leur enfant, témoigne-t-elle. Mais aussi des gens qui passent et ont tout simplement besoin de légumes. “Je suis convaincue que les gens ont envie de retrouver des commerces de proximité de qualité, c’est ce qui fait vivre le centre-ville. C’est du boulot mais c’est faisable!” L’épicerie fait aussi café et restauration, sur place ou à emporter. “On propose une réduction de 1 euro pour qui vient avec son contenant.”
Un peu plus d’un an après son ouverture, “Les mains dans la terre” emploie quatre personnes, représentant deux équivalent temps plein (ETP), dont une personne handicapée. “Notre fournisseur de légumes, “Les Abeilles maraîchères” aide les personnes éloignées de l’emploi à s’insérer via le maraîchage et nous avons un partenariat avec eux. L’un des stagiaires a désormais rejoint notre équipe.”
Pour Chloé Liard, le vrac connaît certes des difficultés, mais devrait reprendre sa croissance. Sur le plan règlementaire, l’obligation de développer 20% d’offre en vrac d’ici à 2030 pour tous les commerces de plus de 400 m2 devrait logiquement changer l’échelle de cette modalité de distribution, rappelle-t-elle. Par ailleurs, le vrac commence doucement à s’expérimenter dans de nouvelles filières comme le jardinage, le bricolage, la pharmacie… “Il y a un enjeu de développement local assez fort”, ajoute la chargée de développement et de projets du Réseau vrac. L’association intervient du reste auprès de régions pour définir des actions par territoire, afin de développer les filières et de sensibiliser tous les acteurs.
Dans le Val-de-Marne, chaque territoire dispose d’ores et déjà d’un magasin vrac, avec day by day à Charenton-le-Pont, Les mains dans la terre à Vitry-sur-Seine et aussi Couleur vrac à Créteil. À Villecresnes en revanche, La Graine O Pois s’est arrêtée rapidement.
Voir tous les articles de la série :
Val-de-Marne circulaire # 1 : un enjeu environnemental et économique stratégique
Val-de-Marne circulaire # 2 : Réparer, réemployer, recycler, surcycler… petit tour de l’économie circulaire en Val-de-Marne
Val-de-Marne circulaire #3 : Louer au lieu de vendre : comment la startup Viluso a changé de modèle
Val-de-Marne circulaire #4 : Ambiance Lumière à Alfortville : une PMI à rebours de l’obsolescence programmée
Val-de-Marne circulaire #5 : le vrac n’est pas mort
Val-de-Marne circulaire # 6 : comment Maximum réussit l’upcycling en série à Ivry-sur-Seine
Val-de-Marne circulaire #7 : Économie circulaire en Val-de-Marne : quel modèle économique ? Quel foncier ?
Val-de-Marne circulaire #8 : Économie circulaire en Val-de-Marne : le défi de la déconstruction-reconstruction
Val-de-Marne circulaire #9 : Ta Tiny House invente la maison mobile low-tech
Val-de-Marne circulaire #10 : quel rôle pour les collectivités locales ?
Val-de-Marne circulaire #11 : verdir la culture en maintenant le rêve
Val-de-Marne circulaire #12 : Oser l’économie circulaire ? Retours d’expérience en Val-de-Marne et mode d’emploi
Val-de-Marne circulaire #13 : Financer l’économie circulaire en Val-de-Marne : un cocktail de solutions
L’objectif du vrac est de réduire les emballages, mais les produits en vrac sont vendus plus chers que les produits emballés.
L’article donne l’exemple d’une portion de 80 g de pâtes pour 50 centimes, soit 6,25 €/kg pour le produit en vrac.
Un sachet (emballage) de 500 g de spaghetti ou de coquillettes coûte 0.65 centimes, soit 1,30 €/kg.
Les produits en vrac sont plus chers que les produits bio. Plus personne ne peut en acheter.
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