“C’est un tremblement de terre que j’ai fait“, se félicite Ahmed Laouedj, le nouveau sénateur de Seine-Saint-Denis. Élu contre toute attente, il estime que les élus issus de listes citoyennes comptent de plus en plus.
“Je vous l’avais dit ! Personne ne m’attendait. Les médias ont tous été bernés !“, s’exclame Ahmed Laouedj. Le patron du parti radical de gauche (PRG) en Seine-Saint-Denis depuis 2012 est l’un des six sénateurs élus le 23 septembre à la chambre haute du parlement. Avec 253 voix, sa liste, “Confiance en l’avenir”, avait recueilli 10,81% des suffrages exprimés (sur un total de 2 341).
Le nouveau sénateur de la Seine-Saint-Denis, qui vient de prendre ses quartiers au palais du Luxembourg, siège au sein du groupe groupe RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) tout en revendiquant sa “liberté de vote”. Il y est membre de la commission culture, éducation et communication.
Sur le papier, il prend le siège de la sénatrice LR Annie Delmont-Koropoulis, conseillère municipale d’Aulnay-sous-Bois qui ne se représentait pas. Le parti de droite avait, en effet, donné l’investiture à Séverine Maroun (en 2ème position derrière Thierry Meignen qui a été réélu), 1ère adjointe de cette même ville où Ahmed Laouedj a été adjoint de l’ancien maire (PS) Gérard Ségura (2008-2014).
“Beaucoup d’élus aujourd’hui ne sont pas encartés“
Dans les faits, Ahmed Laouedj a réussi le tour de force d’élargir l’adhésion à sa liste, au-delà son socle d’élus. Lors du précédent scrutin, en 2017, il avait réuni 76 voix (3,48% des suffrages exprimés) trois fois moins que lors de ce scrutin. Pour autant, il se refuse rétrospectivement à tout calcul. “C’est une erreur. Le PC, par exemple, qui a perdu Saint-Denis et Aubervilliers aux municipales [en 2020], fait pourtant plus de voix qu’il y a six ans [ndlr : 418 en 2023 contre 408 en 2017]. L’UDI, qui a perdu quatre villes, arrive à faire 428 contre 309 au précédent scrutin. À mon sens, ça montre qu’on ne peut plus se contenter du gauche-droite traditionnel. Les grosses écuries politiques pensaient que ça allait être comme il y a six ans, qu’il suffisait d’appuyer sur un bouton et que les moutons viendraient voter. Certains élus ont pris leurs responsabilités pour dire ça suffit, les copains et les coquins, on n’en veut plus!“
Si Ahmed Laouedj était convaincu de son élection avant le scrutin, c’est parce que “la situation politique en Seine-Saint-Denis a changé. Beaucoup d’élus aujourd’hui ne sont pas encartés et siègent dans des majorités à gauche comme à droite.” C’est le cas, par exemple, des élus Écolos solidaires, membre de la majorité municipale à Bagnolet (PS), qui soupçonnent aujourd’hui de payer leur soutien public à sa liste. C’est le cas aussi d’élus d’opposition issus des nombreuses listes citoyennes qui ont fleuri lors des dernières élections municipales. Comme ceux d’Alternative gervaisienne au Pré-Saint-Gervais pour qui cette élection “est la preuve qu’avec un travail résolu, de terrain et du dialogue, on peut arriver à déplacer des montagnes“.
“Remettre l’élu au cœur du réacteur“
“Je suis élue dans l’opposition à Aubervilliers depuis 2020“, relate Nabila Djebbari, en troisième position sur la liste “Confiance en l’avenir”, élue lors des dernières élections municipales sur une liste citoyenne. “Si on m’avait dit un jour que je figurerai sur une liste transpartisane pour des élections sénatoriales, je n’y aurais pas cru. Cette élection, c’est le résultat d’abord d’un long travail, mais surtout d’une autre façon de faire la politique. Le projet que l’on a présenté porte sur des questions très concrètes, qui reflètent les réalités du territoire. L’enjeu est immense parce qu’il y a un tel décalage entre le débat politique et ce que vivent les gens. Il y a une perte de confiance des citoyens à l’égard des élus“, explique-t-elle.
“C’est un tremblement de terre que j’ai fait, mais je ne sais pas s’ils ont compris !“, considère Ahmed Laouedj en pointant les critiques qui ont fleuri, l’accusant de jouer sur le communautarisme. “Il y a aussi beaucoup d’élus qui l’ont mauvaise, car je remets en cause de la professionnalisation de leur fonction. Être maire ou maire-adjoint, ce n’est pas une profession que je sache“, lâche-t-il en soulignant qu’il n’est lui-même pas un élu. Lors de son élection, il occupait un poste d’attaché principal dans la fonction publique territoriale.
Sa priorité désormais est de “travailler en intergroupe pour élaborer un projet sur le statut de l’élu qui fasse consensus afin de remettre l’élu local au cœur du réacteur, qu’il soit d’une formation politique ou non.” Il veut également instaurer une rencontre avec les élus chaque trimestre. “Après, on élargira sur la consultation citoyenne pour permettre aux gens de revenir sur la scène politique et qu’ils arrêtent d’avoir le sentiment d’être pris pour des cons“, affirme Ahmed Laouedj.
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