Faits divers | Val-de-Marne | 05/07/2023
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Émeutes en Val-de-Marne : l’extrême diversité des prévenus en comparution immédiate

Émeutes en Val-de-Marne : l’extrême diversité des prévenus en comparution immédiate

Les jugements en comparution immédiate des participants aux émeutes dans le Val-de-Marne, suite à la mort de Nahel, se poursuivent au tribunal de Créteil. Dans le box des accusés ce mardi 4 juillet, les prévenus défilent, sans se ressembler. Sur les bancs du public, l’angoisse des familles se mêle à l’attention des curieux. Reportage.

Difficile de trouver où s’asseoir dans la salle A du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Créteil, ce mardi 4 juillet. Comme d’habitude, on y juge les comparutions immédiates. Et comme ces derniers jours, les audiences sont largement consacrées au sort des émeutiers suite à la mort de Nahel, 17 ans, tué par balle à la suite d’un contrôle de police à Nanterre (Hauts-de-Seine). Casiers vierges ou bien remplis, sans papiers ou de nationalité française, employés ou au chômage, il y a autant de profils que d’accusés cet après-midi.

En témoignent, par exemple, Idrissa B., Mabrouk A. et Yazid J., tous les trois jugés en même temps. Le premier est né en France, et dispose déjà de plusieurs condamnations à son actif. Le deuxième est né au Maroc, mais réside dans l’Hexagone de manière régulière. Le troisième, lui, est un travailleur sans papiers. Ils sont accusés d’avoir bloqué l’entrée aux policiers d’un bâtiment de la cité des Mordacs à Champigny dans la nuit du 29 au 30 juin, alors que des barricades en feu se dressaient dans le quartier. Les policiers affirment également que deux d’entre eux leur ont porté des coups.

Face aux accusations, Mabrouk A. se défend avec les moyens du bord. “C’est incroyable ce qu’on me reproche, c’est une dinguerie”, répète-t-il machinalement, à de nombreuses reprises. “Je vous jure, on croirait un rêve ce qui m’arrive, wallah”, sanglote-t-il avant de s’asseoir en prenant sa tête dans ses mains. Face à lui, l’avocate des agents – seul l’un d’entre eux est présent à l’audience – réplique : “Si les policiers mentent, pourquoi n’ont-ils accusé que deux d’entre vous, et pas tous ?” Interpellé vers 2h40 du matin, le jeune homme de 24 ans affirme n’avoir été que simple spectateur des dégradations. “- J’ai une famille, un bébé [sa femme et son enfant de trois ans sont présent dans la salle d’audience, ndlr]. J’ai pas besoin d’aller faire la bagarre.” “- Et en tant que père de famille, vous ne préférez pas rester à la maison ?” demande le juge.

“Pour se donner un genre”

Plus difficile pour Riad Z. de nier les faits. Lors de l’attaque du commissariat d’Alfortville à coups de feu d’artifice et cocktails molotov dans la nuit du 29 au 30 juin, les policiers l’ont reconnu, lui et d’autres personnes “défavorablement connues”, malgré la “dissimulation partielle” de leur visage. Sur le téléphone de Riad Z., interpellé à son domicile, on trouve des photos de lui posant avec des cocktails molotov dans les mains. Pourtant, le jeune nie en avoir jeté : “C’était juste pour les réseaux sociaux” “Pourquoi ?” demande le juge. “Pour se donner un genre” répond, penaud, l’adolescent, tignasse bouclée et boutons sur le visage. Pour justifier ses actions, le jeune majeur évoque “l’effet de colère et l’effet de groupe”. “C’était stupide et je regrette. Quand on m’a mis en détention provisoire, déjà, ça m’a mis un coup. Je m’y attendais pas”, raconte-t-il, préférant regarder le micro que le juge. Pour montrer sa colère, pourquoi ne pas avoir participé à la marche blanche organisée en l’honneur de Nahel à Nanterre le 30 juin dernier ? “Je n’étais même pas au courant de la marche”, avoue Riad Z.

Lire aussi : Plus de 6 000 personnes à la marche blanche pour Nahel à Nanterre

Les émeutes suite à la mort de Nahel ont également occasionné des pillages. Comme celui du supermarché de G20 de Villejuif, dans la nuit du 2 au 3 juillet. À la barre, un travailleur du bâtiment en attente du renouvellement de son titre de séjour, interpellé après avoir brisé les vitres du magasin à la barre de fer avec plusieurs complices, puis dérobé un carton de bouteilles de whisky. Si lui affirme ne pas boire tous les jours mais seulement “plusieurs fois par semaine” dans une voix à peine audible, son avocat met en avant “le problème qu’il a avec l’alcool”.

Tensions dans le public

Pour les 13 personnes jugées ce mardi, la salle est comble. En premier lieu, les familles et amis des prévenus, qui suivent les débats avec nervosité. En regardant son fils dans le box, le père de Chemseddine B., jeune Choisyen accusé d’avoir lancé des projectiles sur la police et d’avoir résisté à son interpellation, a les mains qui tremblent. Alors que le procureur requiert 30 mois d’emprisonnement, assortis à la révocation de ses cinq mois de sursis ainsi qu’une interdiction de pénétrer à Choisy-le-Roi pendant cinq ans, il proteste à voix basse : “Il est taré, cet enfant de putain…”

Mais sur les bancs, on compte aussi bon nombre de curieux. Comme cette quinzaine d’élèves du CFA techniques commerciales, venus avec leur professeur de droit. Une présence en nombre, qui ne manque pas d’agacer certains proches des prévenus. Alors que la salle se vide pour laisser place aux délibérations, les esprits s’échauffent. “Tu vois pas qu’il y a des daronnes, des amis ?” invective l’un d’entre eux, qui l’accuse de ne pas leur laisser la place. Quelques minutes plus tard, le professeur manquera d’en venir aux mains avec une militante, venue prodiguer des conseils légaux aux familles.

Des réquisitions pas toujours suivies

Suivant les directives du Ministre de la Justice Éric Dupond-Morretti, venu à Créteil il y a trois jours pour demander des peines “rapides, fermes et systématiques”, le procureur n’a pas la main qui tremble dans ses réquisitions. Pour drissa B., Mohamed A. et Yazid J., quatre ans d’emprisonnement et 5 ans d’interdiction de paraître à Champigny-sur-Marne, indistinctement des différences dans les chefs d’accusation. Pour Riad Z., trois ans de prison, bien que les attaques n’aient occasionné que des dégâts matériels légers, sans blessés. Pour le pillard du G20 du Villejuif, 18 mois de réclusion, assortis d’une interdiction de cinq ans de paraître sur le territoire français. Pour tous, les peines d’emprisonnement sont requises avec mandat de dépôt, c’est-à-dire avec enfermement immédiat.

Des réquisitions pas toujours suivies par le juge toutefois. Riad Z écope bel et bien d’une peine de trois ans, mais la moitié de sa peine est assortie d’un sursis. Pour le pilleur de Villejuif, ce sera un an de prison et cinq ans d’interdiction de paraître à Villejuif. Face aux quatre ans demandés, Idrissa B., Yazid J. et Mabrouk A. écopent quant à eux de peines allant de 8 à 18 mois d’emprisonnement, en passant par une année en semi-liberté. Chemseddine B, lui, est relaxé des violences dont il est accusé. Il est en revanche condamné à quatre mois de prison pour rebellion – peine sujette à un aménagement de peine. Le jeune dormira donc chez lui ce soir. Pour sa mère, c’est plus qu’un soulagement : “La prison, je ne souhaite ça à personne. Quand ils y entrent, ce sont des hommes, quand ils en sortent ce sont des fauves.”

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