Créateurs, chantier d’insertion, recyclerie… La Seine-Saint-Denis veut promouvoir une mode engagée, soucieuse de son ancrage local, des enjeux de formation et du réemploi. Déjà 80 structures sont recensées sur l’application web “Mode in Seine-Saint-Denis”.
De Chanel qui ouvert à Aubervilliers le M19 avec 600 artisans, à l’entreprise solidaire Fer et refaire, la mode made in Seine-Saint-Denis reflète les grands écarts qui caractérisent parfois le département et une filière en pleine ébullition. Pantin, où Hermès a installé ses ateliers de maroquinerie dès 1993, en est un peu la vitrine.
“ll y a une véritable politique de valorisation du territoire“
C’est dans cette commune, située, aux portes de Paris, que Flaneurz a pris ses quartiers depuis deux ans. “En venant ici on s’embourgeoise un petit peu“, plaisante Florian Gravier, le co-fondateur et patron. “On n’ira pas dans le 16ème même si on a aussi des clients dans le 16ème et c’est très bien. Mais pour nous c’est important d’inscrire notre développement de manière locale“. Une autre raison de ce choix réside dans le loyer: “On est ici dans des HLM de locaux d’activité. Le loyer est imbattable. Il y a une véritable politique de valorisation du territoire“, explique-t-il.
La petite entreprise, installée depuis sa création en 2014 à La pépinière de La Courneuve, repose sur un concept simple : pouvoir patiner ou marcher quand on veut. Pour cela, Florian Gravier a mis au point un système mécanique intégré à la basket qui permet de clipser une base roulante. Preuve du succès, Flaneurz distribue des marques connues comme Rebook, Nike, Adidas, Puma ou Veja. Dans ses bureaux à Pantin, environ 200 paires envoyées par les clients sont également équipées du système. Pour 2022, elle affiche 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Une réussite portée surtout par l’export : 80% des ventes pour moitié réalisées aux Etats-Unis. Une affaire qui roule tellement bien que l’idée germe d’y installer une plateforme logistique pour être plus près de ses clients.
Des créateurs au chantier d’insertion
Comme Flaneurz, 80 structures sont actuellement répertoriées sur l’application web Mode in Seine-Saint-Denis, créée par le département et sa marque de territoire In Seine-Saint-Denis. “L’objectif c’est de fédérer une filière en partant du constat qu’il y a de plus en plus de projets qui se créent autour du textile, du vêtement et de la mode. Il y a une diversité d’acteurs, des associations, des chantiers d’insertion, des ressourceries… Pour nous c’est aussi le moyen de soutenir des initiatives portées par des valeurs de solidarité, de réemploi, d’inclusion, de multiculturalisme…”, détaille Adèle Damamme, cheffe de projets marketing territorial.
Cet écosystème compte aussi des chantiers d’insertion comme Fer et refaire de l’association Femmes actives installée le quartier des Francs-Moisins. “On essaye d’être plus visible pour monter les production en plus grand nombre“, indique Charlotte Bougaran, co-diretrice. L’enjeu pour elle est de gagner en stabilité financière pour pouvoir former plus de gens. “Au début, on travaillait avec quelques ateliers, mais la confection restait un métier support. Depuis quelques années, cette activité repart. Il y a de plus en plus de créateurs qui privilégient la production responsable“, ajoute Véronique Gobillot, co-directrice de l’association. Le chantier d’insertion fabrique, par exemple, des bavoirs pour le groupement Résilience, à destination des hôpitaux des quartiers politiques de la ville, ou bien des sacs pour le département à partir de tissus recyclés. A ces productions de moyenne série, s’ajoutent des partenariats avec des créateurs comme Cyprée.
Pour Caroline Kotb, directrice de la Recyclerie de La Noue à Bagnolet, “cette application peut contribuer à développer les liens entre nous. On réfléchit à étudier comment on pourrait fournir à des créateurs une partie des textiles que nous avons“, indique-t-elle. De son côté, Mohamed Boukhatem, directeur des Pinces à linge, une association créée en 2000, cherche également à développer des partenariats avec d’autres acteurs du secteur. “Notre vocation est de récupérer des baskets et notre savoir-faire est de leur donner une deuxième vie. On emploie sept salariés en insertion. Au-delà d’une démarche solidaire, ce marché a pour l’instant du mal à prendre à cause de la question de l’hygiène. Mais il y a un gisement immense. En France, 300 millions de baskets sont jetées chaque année. Depuis mars, on en a collecté 6 000 et redistribué 2 000 dans un but solidaire.” En plus, la boutique ouverte à Noisy-le-Grand, il propose des sneakers reconditionnées, avec un prix moyen de 20 euros, preuve que la mode passe aussi par la seconde main.
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