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Entreprendre | | 05/12/2023
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Entreprendre au féminin : le parcours des combattantes à Aubervilliers

Entreprendre au féminin : le parcours des combattantes à Aubervilliers © CH

Organisation familiale compliquée, difficulté d’accès au financement, manque de confiance : l’entrepreneuriat reste plus compliqué pour les femmes, en 2023. À Aubervilliers, le forum Entreprendre au féminin met en lumière et accompagne ces combattantes.

Fanta Kanouté, 30 ans, a un projet bien précis : installer un food truck sur la place de la mairie pour proposer ses dibi sogo, une spécialité malienne qu’elle a adaptée. “J’ai fait une formation en cuisine gastronomique française, mais j’ai créé une cuisine qui me ressemble et allie les deux cultures“, explique-t-elle. La jeune entrepreneuse a été récompensée du premier prix du Forum, doté de quelques milliers d’euros. “C’est une super reconnaissance, je suis très heureuse parce que je vais pouvoir investir.”

Les femmes ont deux fois plus de chances de se voir refuser un prêt que les hommes

Au-delà du concours, le forum, organisé pour la seconde fois par la ville et les partenaires emploi, insertion et entrepreneuriat locaux (Miel (Maison de l’initiative locale, Adie, département, mission locale…), est surtout l’occasion d’animer un réseau de structures accompagnant les femmes qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat, pour franchir les obstacles. “Les femmes représentent 50% des porteurs de projet. Au bout de trois ans, plus de 70% de celles qui se sont lancées sont encore en activité. Mais seules 39% des femmes passent le cap de l’immatriculation“, souligne Lydia Tazamoucht, directrice adjointe à la Maison de l’initiative économique locale, la Miel.

Un accès au financement plus difficile, avec plus de refus des banques

Cette association, dédiée à l’accompagnement à la création et au développement des TPE du territoire de Plaine Commune, propose depuis deux ans un programme spécifique pour les femmes, Essentielles, composé de formations à la carte. “Lorsque les porteuses de projet viennent nous voir, la grande différence, avec les hommes, est le sentiment de ne pas être légitime pour lancer son entreprise, pointe Lydia Tazamoucht. Pour la responsable, le premier frein reste toutefois” l’accès au financement“. Un constat que partage Julie Casanova, directrice territoriale de l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique) en Seine-Saint-Denis. “Selon une étude de l’Adie parue l’année dernière, l’accès au financement est le frein n°1 dans 51% des cas, loin devant l’articulation des temps de vie, le syndrome de l’imposteur, le manque de soutien de l’entourage ou le sexisme. Les femmes, ont, en effet, deux fois plus de probabilités de se voir refuser un prêt que les hommes“, indique-t-elle.

Ce qui est compliqué, c’est de faire le premier pas

Entreprendre, c’est une question de posture. L’argent n’est pas le seul blocage, estime pour sa part Kourtoum Sackho, adjointe d’Aubervilliers à la politique de la ville et à l’ESS, rappelant que de nombreuses mères élèvent seules leurs enfants et “doivent composer avec des modes de garde qui ne sont pas adaptés.” “Tout l’intérêt de ce forum est de réunir les acteurs qui peuvent les accompagner à réaliser leur projet“, motive l’élue. “On est dans des territoires où il y a une précarité très élevée, mais aussi un dynamisme très fort. Il n’y a qu’à voir le nombre d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, un modèle économique qui permet le plus souvent d’apporter des solutions d’insertion“, poursuit l’adjointe, pour qui la création d’entreprises fait partie des solutions pour lutter contre le chômage.

“Entreprendre, c’est tout une préparation“, témoigne Catherine Voillemin, qui a suivi le programme Essentielles et vient de remporter le deuxième prix. Depuis qu’elle a entamé une reconversion professionnelle en naturopathie en 2001, elle pratique à domicile, mais doit garder un second emploi à temps partiel. “Parce que je fais partie de ces nombreuses familles monoparentales“, souffle-t-elle.

© CH
Les lauréates d’Entreprendre au féminin 2023

L’esprit de Pondichéry à Aubervilliers

Ce qui est compliqué, c’est de se prendre en main et de faire le premier pas. Si l’on n’est pas bien dans la tête, on ne peut pas y arriver“, observe Marline Arunachalam (photo une), créatrice de La Marline, pour qui il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. La jeune femme s’est, pour sa part, fait accompagner par la Mission locale.

La jeune femme est un bon exemple de ces parcours vers l’entrepreneuriat. À 25 ans, elle mène de front un emploi à temps partiel comme vendeuse aux Galeries Lafayette et la gestion de son entreprise d’accessoires de modes fondée 2022. Après une scolarité au lycée français de Pondichéry (ancienne colonie française), elle fait une formation à l’école de la Chambre syndicale de la couture parisienne avant de tenter d’intégrer l’armée de l’air française pour suivre les pas de son père et de sa sœur.

C’est en échouant à l’exercice de course que je me suis rendu compte que j’avais les pieds plats, confie-t-elle. Ça ne m’a pas empêché de devenir gendarme, métier que j’ai exercé pendant un an et demi.”

Pour la jeune femme, ce constat est le point de départ de son entreprise. “J’ai eu envie d’apporter une solution à ce problème. Il n’y a pas de jolies sandales pour ce type de pied en Inde où il fait très chaud“, relate-t-elle.

Ces sandales, dont elle signe le design, sont fabriquées par des artisans de Pondichéry. “La Marline, c’est aussi de la soie indienne, tissée à la main. J’utilise maintenant des chutes d’artisans indiens de La Courneuve et gare du Nord“, poursuit-elle en montrant les chapeaux, chouchous et sacs qu’elle confectionne chez elle, à Aubervilliers. La jeune cheffe d’entreprise exploite tout le savoir-faire acquis chez Chanel où elle a travaillé en 2018 comme apprentie-couturière. “Je suis très fière des techniques de haute couture que j’ai apprises chez Chanel. Mais, pour moi il était important de valoriser aussi mes origines et l’artisanat indien.”

Lauréate du 2ᵉ prix Entreprendre au féminin lors de la première édition du forum d’Aubervilliers, en 2022, elle a investi les 2 000 euros de son trophée pour le brevet, le nom de domaine et le dépôt de sa marque pour dix ans. Elle travaille également à un projet dans les produits de soins du corps et ayurvédiques.

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