Laissés à l’abandon depuis dix ans, les anciens laboratoires Eclair d’Épinay-sur-Seine s’apprêtent à vivre une seconde vie festive. Le collectif Soukmachines inaugure ce samedi son nouveau site dans ce lieu mythique du cinéma français. Visite avec Yoann Till Dimet, fondateur du collectif.
Trois bals montés, une grande scène en bois, un “petit” chapiteau de cirque… L’équipe de Soukmachines s’affaire aux derniers préparatifs avant le grand jour : l’ouverture samedi à 12h30 de L’Eclair. Au programme, un grand pique-nique festif avec barbecue en libre-service, un spectacle de cirque de la compagnie Le jardin des délices et le soir jusqu’à deux heures du matin des concerts, du théâtre de rue, un karaoké…
La proposition artistique est riche et éclectique. “C’est notre marque de fabrique. C’est le souk. L’idée est d’avoir un lieu vivant où il y a en pour tous les goûts, tous les publics“, résume Yoann Till Dimet (photo de une), le directeur et fondateur de Soukmachines, un collectif spécialisé dans l’urbanisme transitoire, la reconversion temporaire d’espaces urbains.
La veille de l’ouverture, le jeune entrepreneur de 39 ans, bientôt 40, joue les guides. Sous une “cool attitude” non feinte, il ne cache pas son stress à la veille de l’ouverture. Sa préoccupation du moment : la pluie qui pourrait gâcher un peu la fête. “C’est notre bébé, alors forcément, il y a pas mal de pression… C’est maintenant qu’il faut tout donner. La création de L’Eclair c’est une reconnaissance de tout ce que l’on sait faire. Ce sera un site unique de fête et de convivialité d’un côté, et de création et de travail de l’autre, avec les résidents“, souffle-t-il.
“Un lieu qui rayonne très loin”
Neuf mois auparavant, en octobre, Soukmachines a signé avec la mairie d’Epinay-sur-Seine une convention d’occupation temporaire de trois ans renouvelable. L’association a remporté l’appel à projets pour la reconversion de ce site mythique du cinéma français. Créée en 1907, la société Eclair faisait partie du trio de tête des firmes de cinéma derrière Pathé et Gaumont, au début du vingtième siècle.
“L’ambition est que ce lieu vive 365 jours par an, qu’il rayonne très loin au-delà de la ville et que Soukmachines fasse venir du monde“, résume Hervé Chevreau, le maire d’Épinay-sur-Seine. La commune a racheté les anciens laboratoires Eclair à la famille Dormoy en 2018. Un investissement conséquent de six millions d’euros “pour que cet ensemble immobilier ne soit pas voué à la destruction et surtout à la construction de logements“, précise l’édile.
Sur ces quatre hectares dont un de forêt, le collectif occupera les bâtiments autrefois dévolus au traitement photochimique. L’autre partie a été mise à disposition par la mairie via un bail emphytéotique (de longue durée) à L’Abo-minable, une association de cinéastes perpétuant les savoir-faire argentiques, qui ont récemment dû quitter leurs locaux à La Courneuve.
La municipalité a également engagé des travaux à hauteur de trois millions d’euros de rénovation extérieure et de remise aux normes. Symbole de la transformation, l’ancien mur donnant sur l’avenue de Lattre de Tassigny a été abattu afin de créer “une véritable entrée pour le public“.
“Nous avons toujours voulu en faire un lieu culturel. C’est pour cela que nous avons inscrit cette occupation temporaire sur un temps suffisamment long pour que Soukmachines, mais aussi les futurs résidents puissent se projeter“, poursuit l’édile. Pas question pour autant d’en faire un centre municipal. “Il fallait que ça ressemble davantage à un tiers-lieu avec des créateurs, des artisans qui s’installent sur place.“
Jusqu’à 250 résidents
Depuis son lancement en 2005, Soukmachines a construit petit-à-petit sa renommée. “Au départ, on a commencé par organiser des fêtes de deux ou trois jours dans des hangars, des bureaux, des lieux improbables. Très vite, on a attiré 1 500 personnes. Le tournant est arrivé avec l’occupation temporaire du pavillon du docteur Pierre à Nanterre (Hauts-de-Seine) qui a duré neuf mois. C’est là que l’on a commencé à se professionnaliser, à embaucher les premiers salariés, à accueillir les premiers résidents“, relate le fondateur du collectif.
Il y a eu ensuite La Halle Papin à Pantin, L’Orfèvrerie à Saint-Denis, Les tours Mercuriales à Bagnolet et le Préavie au Pré-Saint-Gervais, qui est toujours en activité.
Sur les 7 000 mètres de bâtiments qu’il occupe, Soukmachines compte accueillir jusqu’à 250 résidents. A l’occasion de l’ouverture de L’Eclair, 35 structures ont répondu à l'”appel à résidents” lancé par le collectif qui propose un tarif de 13,50 euros du mètre carré avec des espaces allant de 10 à plus de 100 mètres carré.
“Nos tarifs restent très abordables, mais notre but n’est pas non plus de faire dans le social. Les gens viennent aussi travailler ici pour trouver un environnement hybride, une ambiance, un cadre agréable“, prévient Yoann Till-Dimet qui ne revendique pas l’étiquette de “tiers lieu”. “Je ne rentre pas dans la case écolo, solidaire et engagé. On essaye de faire les choses simplement à des prix accessibles.”
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