Mécontent du faible taux de jeunes de missions locales orientés vers ses formations, le conseil régional d’Île-de-France a décidé de changer leur mode de subventionnement, le conditionnant au taux de placement dans ses programmes. Une décision fraîchement accueillie par les intéressés.
Alors que 10 à 20% du budget des missions locales d’Île-de-France vient de subventions du conseil régional, celles-ci étaient, jusqu’en 2022, essentiellement versée en fin d’année, en fonction de la file active d’usagers, du nombre de nouveaux inscrits et de facteurs sociaux. Désormais, les paiements seront échelonnés, avec une subvention socle réduite et une part plus importante liée à la performance.
“En 2021, nous comptions environ 250 000 jeunes sans emploi, sans formation et les missions locales nous ont adressé 14 000 personnes. Ce chiffre a baissé de 30% en 2022 (11 000) contre 20 000 en 2019. Dans le même temps, nous avons pourtant doublé le nombre d’entrées dans nos formations globales. Nous proposons 138 000 places pour former dans des métiers qui recrutent comme le numérique, le médico-social, l’agro-alimentaire, le BTP, la sécurité, motive Othman Nasrou, le vice-président en charge de l’insertion. En cohérence, nous mettons fin au financement automatique et assumons de renforcer les indicateurs de résultat.”
Dans les missions locales, l’annonce a été vécue comme une douche froide et plusieurs directeurs ont partagé leur désarroi avec l’élu fin 2022. “Si nous voulons obtenir les 240 000 euros qu’ils nous ont versés l’année dernière, il faut que l’on triple le nombre d’orientations de jeunes vers les dispositifs régionaux. Et je ne sais même pas quand nous serons payés, s’inquiète Fatiha Ouakli, directrice de la mission locale de Cachan, Innovam. Par prudence, j’ai donc prévu une subvention réduite de moitié dans le budget. En 2023, notre trésorerie nous permet de tenir le coup mais en 2024, plus rien n’est garanti.” Les employés, eux, estiment que le travail effectué avec les jeunes n’est pas toujours quantifiable. “Il se passe parfois des mois, voire des années avant d’obtenir un déclic. Avant d’orienter la personne dans une formation, il faut souvent traiter d’autres facteurs bloquants comme la problématique du logement, du transport, des problèmes psychologiques. Nous ne sommes pas une agence de placement“, explique un conseiller d’Innovam.
“On ne demande plus aux agents d’écouter les jeunes mais de les inscrire dans des programme“
“Jusqu’à l’année dernière, il y avait une ligne budgétaire qui disait 17 millions d’euros pour les missions locales, aujourd’hui, nous avons une ligne qui donne 12 millions pour les structures professionnelles. Comme France Travail arrive, nous pensons que la région se sent dépossédée de sa prérogative et qu’elle veut reprendre ses billes au détriment des jeunes et des acteurs qui travaillent correctement. La vision de la majorité régionale c’est que le service public doit être rentable”, fustige dde son côté l’opposante socialiste Dieynaba Diop.
“On ne demande plus aux agents d’écouter les jeunes mais de les inscrire dans des programmes qui ne sont pas adaptés. Il y a à la fois une perte de sens pour les salariés et un défaut d’accompagnement pour les jeunes qui, à défaut d’être entendu, risquent de se mettre en colère et d’être violents. Il y a déjà des situations de management toxique avec des burn-out en hausse“, alerte pour sa part Marc Ronayette secrétaire général CGT de l’association régionale des Missions Locales, lui-même employé à Montreuil.
“Pas un euro ne manquera pour accompagner les jeunes“
“Pas un euro ne manquera pour accompagner les jeunes, tempère Othman Nasrou. Si c’est nécessaire, nous abonderons la ligne dans le budget rectificatif de cet été. L’État fait exactement pareil avec le contrat d’engagement jeunes (CEJ), il verse un forfait et complète en fonction du résultat. Nous ne laisserons aucune mission locale dans une situation d’impasse financière. Aujourd’hui, la trésorerie moyenne de ces structures en Île-de-France est d’environ un million d’euros. Elles ont donc beaucoup d’argent de côté. Nous avons été alertés sur la situation d’une seule mission locale, celle de Montreuil”. L’élu explique aussi être dans l’expectative de France Travail. “Tant que nous ne savons pas ce que cela comprend, nous ne voulons pas nous engager sur des conventions triennales avec les missions locales. En tout cas, nous ne reculerons pas sur notre objectif politique qui est d’être ouvert sur l’évolution professionnelle des jeunes et de ne pas financer des dispositifs à perte”.
Le nom complet est : “Missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes”, sauf erreur, objectif un peu plus vaste que formation professionnelle.
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