Depuis l’incendie mortel d’une des tours de la cité Maurice Thorez de L’Ile-Saint-Denis le 19 août dernier, ça s’active pour remettre en état appartements et parties communes. Restent les étages du haut qui ne pourront être rénovés rapidement. Du côté des locataires, on s’inquiète des conditions de relogement, sur place ou ailleurs. Un collectif s’est constitué pour dialoguer avec le bailleur, Seine-Saint-Denis Habitat.
Dans une dizaine de jours, Hafssatou, 17 ans, découvrira la fac, les amphis, les TD. Un grand changement dans la vie de cette jeune habitante de l’Ile-Sait-Denis. Mais Hafssatou a l’esprit autrement occupé, depuis l’incendie de son appartement familial le 19 août dernier, au dernier étage du bâtiment 1 de la cité Maurice Thorez. Pour elle, la rentrée, ce n’est plus qu’un “poids supplémentaire”. “Au début, j’étais stressée pour mon inscription. J’avais perdu pas mal de documents, comme mon passe Navigo ou ma carte de mutuelle. Mais j’ai pu bidouiller ma réinscription, car j’avais des choses enregistrées sur mon téléphone”, explique l’adolescente, turban dans les cheveux.
Ces démarches, elle les a faites depuis l’hôtel où elle est relogée temporairement, avec ses parents, son petit frère et sa sœur. Maintenant, sa priorité est de savoir où elle habitera quand la fac commencera. “On nous a proposé un appartement, mais on a refusé. Il était situé à Aubervilliers, dans un quartier, on va dire… pas très fréquentable. À l’extérieur de l’immeuble, il y avait des graffitis sur les murs, et à l’intérieur de l’appartement, le papier peint avait l’air d’avoir été arraché. Les appartements avaient aussi l’air d’être très collés les uns aux autres”, raconte-t-elle, droit dans les yeux.
Assistance aux sinistrés
Dans le quartier, les habitants appellent le bâtiment sinistré “la tour”, car c’est le plus haut de la cité. Au départ, seules les familles habitant du 9ᵉ au 12ᵉ étage ne devaient pas être relogées définitivement. Désormais, le bailleur de cette résience sociale, Seine-Saint-Denis Habitat, a étendu son plan de relogement aux habitants du huitième étage, portant le nombre de foyers concernés à une vingtaine. “La remise en état du huitième étage nécessite des travaux de trop grosse ampleur, ce qui implique un séjour de très longue durée à l’hôtel pour les familles. Ce ne serait pas satisfaisant”, indique-t-on chez le bailleur. Pour l’instant, c’est l’intégralité des habitants de la tour de 46 logements qui logent à l’hôtel ou chez des proches.
Pour répondre aux interrogations des habitants, le bailleur a mis en place une cellule “relogement”, ainsi qu’une cellule “information”, ouvertes à tous les habitants du bâtiment, souvent jusque tard dans la soirée. “On gère toutes les interrogations relatives aux futurs logements, mais aussi toutes les questions de quotidienneté. On peut aider les gens à continuer à recevoir leur courrier, à refaire des ordonnances de médicaments ou des papiers d’identité qu’ils auraient perdu dans l’incendie…”, explique la responsable des permanences. Depuis le 29 août, les locataires du premier au septième étage peuvent aussi revenir récupérer des affaires comme ils le souhaitent. Les habitants des étages supérieurs, eux, doivent être accompagnés.
Collectif de locataires
À date du 31 août, trois familles avaient accepté leur relogement, à l’Île-Saint-Denis ou dans des communes à proximité. Elles “pourront intégrer leur nouveau logement d’ici à la fin de semaine”, indique Seine-Saint-Denis habitat dans un communiqué. Pour les autres locataires concernés, les propositions n’ont pas convenu et l’inquiétude a gagné les habitants. Une famille raconte notamment s’être vue proposer un relogement “temporaire” qui les séparerait en plusieurs logements, dont un dans un foyer. Un cas ni confirmé ni infirmé par le bailleur. “Nous proposons des hébergements d’urgence en attendant d’avoir des solutions pérennes. Donc, toutes les options sont envisagées, d’autant plus que de nombreux hôtels affichent complet à l’approche de la coupe du monde de rugby”, explique une représentante de Seine-Saint-Denis habitat.
“Le bailleur nous dit qu’au bout de deux refus de relogements, les frais d’hôtel passeront à notre charge”, affirme également Alema, à la tête du collectif. “Nous essayons de faire le maximum de propositions, dans la limite des critères choisis par les locataires et de notre patrimoine. Donc, si nous n’avons plus de propositions à faire, il faut faire un choix” se défend de son côté le bailleur.
Des membres du collectif demandent aussi à être relogés en dehors de la tour, même lorsque leurs appartements n’ont pas été atteints par les flammes, évoquant un ras-le-bol général autour des conditions de vie de l’immeuble, rappelant aussi un incendie précédent, en 2021, dont les causes ne sont toujours pas connues. “Les erreurs du premier incendie n’ont pas été réparées. Par exemple, il n’y a toujours pas de détecteurs de fumée dans les parties communes. Les portes de certains appartements ne sont pas coupe-feu, comme celles au 10ème étage, où les appartements ont entièrement brûlé” énumère Gamal. Lors du précédent feu, le frère et la mère de ce grand blond avaient été brûlés à la main et hospitalisés. “Il est interdit d’avoir des détecteurs de fumée dans les parties communes pour des raisons de sécurité. Pour ce qui est des portes coupe-feu, l’immeuble était aux normes lorsque nous l’avons racheté en mars 2022”, précise pour sa part Seine-Saint-Denis habitat.
Pour se donner du poids, une quarantaine de locataires se sont réunis dans le collectif Thorez Île-Saint-Denis. Ces derniers ont été reçus par Seine-Saint-Denis Habitat ce 31 août, de 11h à 14h, précise le bailleur. “Nous avons ainsi pu échanger et répondre à toutes les questions qui ont été posées. Nous sommes convenus d’organiser une prochaine rencontre dans le courant de la semaine prochaine afin de poursuivre nos échanges”, poursuit le bailleur dans un communiqué, précisant avoir rassuré les locataires sur les conditions de réintégration des logements situés entre le RDC et le 7ᵉ étage, à propos de leur conformité.
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