Entreprises | | 02/02/2023
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Ivry-sur-Seine : avec ses fermes spatiales, Barbara Belvisi prépare l’agriculture du futur

Ivry-sur-Seine : avec ses fermes spatiales, Barbara Belvisi prépare l’agriculture du futur © Fb

Seul sur Mars ? Ce sera bientôt possible, grâce à Barbara Belvisi. Enfant à Champigny-sur-Marne, elle collectionnait les patchs en tissu de la Nasa. Après une carrière dans la finance, c’est dans un labo californien de la mythique agence américaine qu’elle s’est formée à l’ingénierie aérospatiale. Depuis, elle développe des serres capables de faire pousser des végétaux n’importe où sur Terre et au-delà. Ce mercredi, l’inventrice a levé le voile sur ces “Biopods” devant un ministre médusé.

Vision futuriste dans cet entrepôt de la zone d’activité Carré d’Ivry. Une bulle gonflable, ovoïdale, éclairée d’une lumière violette, abrite plusieurs rangées de plantes qui poussent en aéroponie (hors sol). Température, humidité, dioxyde de carbone, alimentation en eau et nutriment, pas un paramètre n’échappe aux machines enchâssées dans cette membrane textile cristalline en ETFE (éthylène tétrafluoroéthylène). Interstellar Lab promet 98% de réduction de consommation d’eau, d’énergie des rendements records. C’est avec cette chambre de croissance contrôlée, appelée BioPod, que la start-up se lance sur le marché prometteur des fermes urbaines, estimé à 174 millions de dollars d’ici à 2025. Elle revendique déjà près de 200 clients parmi lesquels L’Oréal et de grandes sociétés de l’industrie pharmaceutique, de la cosmétique, de la parfumerie et de l’agroalimentaire.

Nous proposons des solutions à ces acteurs qui sont parfois soumis à des difficultés d’approvisionnement de certains produits auprès de leurs fournisseurs. Ils ont des contraintes liées à l’importation avec des cours qui peuvent être très volatils. Ils peuvent ainsi obtenir des produits cultivés localement et répondant à un cahier des charges exigent pour faire de la recherche, du développement ou de la production”, résume Barbara Belvisi, fondatrice d’Interstellar.

Vétiver, géranium, pervenche, fruits de la passion, patchouli…

Dans les bacs de culture, Jim Rhode, responsable du design du produit, présente quelques plantes et leurs applications. “Cultiver en aéroponie nous facilite la tâche avec les espèces dont la racine seulement est valorisée. C’est le cas des vétivers dans la parfumerie. Nous cultivons aussi le géranium et le patchouli. Ici, vous avez les fruits de la passion. Nous travaillons aussi sur la résistance de certaines espèces au changement climatique, ainsi nous expérimentons la croissance de la vigne. Pour la pharmacie, nous faisons pousser des pervenches de Madagascar afin d’extraire la vincristine, un alcaloïde utilisé comme anti-cancer. Nous sommes arrivés à faire pousser des fruits sur des physalis et des figuiers de barbarie. À terme, nous souhaitons introduire des bourdons pour polliniser des plantes. C’est très difficile de breveter des matières premières, en revanche, ce que nous pouvons protéger, ce sont les recettes, c’est-à-dire toutes les caractéristiques nécessaires à la croissance d’une espèce dans le biopods”.

Officiellement lancée en 2020, la société, lancée à Station F et installée à Ivry-sur-Seine depuis juillet 2021, a réceptionné son premier Biopod il y a quelques mois. Elle cherche désormais 2000 mètres carrés. Interstallar Lab souhaite à la fois vendre les Biopods (250 000 euros à l’achat) et développer une fabrique à plantes qui s’appuierait sur 40 chambres de croissance à environnement contrôlé (phytotrons) pour enrichir le catalogue de recettes et optimiser les processus de production au sein des Biopods.

Levée de fonds et appel à projets de la Nasa

La société a d’ores et déjà prévu une levée de fonds auprès d’investisseurs extérieurs pour poursuivre sa croissance, et en espère 15 millions d’euros. Aujourd’hui constituée d’une trentaine de personnes, l’équipe souhaite, en effet, doubler rapidement ses effectifs. La startup ivryenne est aussi lice pour le Deep Space Food Challenge grâce à son projet Nucleus. Cet appel à projets de la Nasa, en coordination avec l’agence spatiale canadienne, récompense l’innovation qui permettra aux astronautes de se nourrir correctement lors de missions longues dans l’espace. À la clef : un prix d’un million de dollars !

Ambiance Seul sur Mars ?

“Au bout de six mois, la nourriture lyophilisée se dégrade et perd ses nutriments. Nous avons imaginé ce système de cubes connectés qui permet de compléter les repas d’une équipe de quatre astronautes. Ils pourront ainsi faire pousser des “micro-greens”, de petits légumes comme des épis de maïs, des pois mais aussi des champignons. Pour les protéines, nous utilisons la mouche soldat noire dont les larves peuvent être cuites, frites ou consommée crue. Tout est conçu pour fonctionner en autonomie et être placé dans un vaisseau spatial. L’entretien et la récolte solliciteront les astronautes une à deux heures par semaine”, explique le chef du département agronomie d’Instellar Lab.

Les cubes connectés du projet Nucleus

Pour Barbara Belvisi, cette participation est aussi symbolique car sans la Nasa, elle n’aurait sans doute pas créé sa société. “Après avoir grandi à Champigny-sur-Marne, j’ai été scolarisée au lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés. Puis j’ai fait l’EM Lyon, une école de commerce, et commencé à travailler dans le secteur de la finance, dans des fonds d’investissement sur les marchés cotés dans les financements de société. Ensuite, j’ai dirigé ma propre société de financement dans la deep-tech (innovations de rupture) et le hardware (matériel informatique). J’avais cette idée de serres qui me trottait dans la tête mais sans la formation. C’est au Space Portal en Californie, un laboratoire de la Nasa, que je me suis formée à l’ingénierie aérospatiale pour comprendre les environnements contrôlés, concevoir une station où l’on maîtrise l’eau, l’air, la température, l’humidité. J’ai pu rencontrer les ingénieurs qui ont travaillé sur la station spatiale internationale”, résume la fondatrice.

Ce mercredi, le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, est venu visiter Interstellar Lab, en présence également de Philippe Bouyssou, maire d’Ivry-sur-Seine, de Germain Roesch, vice-président du conseil départemental, et de la préfète, Sophie Thibault.

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