Justice | | 14/02/2023
Réagir Par

La mobilisation des élus et habitants contre le projet de prison à Noiseau s’amplifie

La mobilisation des élus et habitants contre le projet de prison à Noiseau s’amplifie

Alors que la concertation publique sur le projet de prison à Noiseau s’achève ce vendredi 17 février, la mobilisation des habitants et des élus met le turbo. Lundi, le département a voté un avis défavorable au projet. Ce mardi matin, le vice-président de la région est venu annoncer que le futur schéma régional supprimerait toute ambiguïté quant à la possibilité d’urbaniser le site. Sur le site internet de la concertation, près de 1000 contributions, quasiment toutes négatives, ont été déposées à ce jour.

À trois jours de la clôture de la concertation publique, plus de 900 contributions ont déjà été déposées sur le site internet de la consultation, et les avis restent quasiment tous opposés à la construction d’une prison aux portes de Noiseau.

“Noiseau et les communes limitrophes sont des villes calmes entourées de nature, une prison n’a rien à y faire, dénaturerait le paysage et chamboulerait l’écosystème de la forêt. Les habitants de ces communes sont pour une bonne partie propriétaires de leur logement et se sont endettés sur 25 ans pour avoir un bon cadre de vie, pourquoi vouloir détruire tout ça ? De nombreux M2 de terre seront encore recouverts de béton, empêchant les eaux de pluie d’être absorbées et augmentant les risques d’inondations dans une zone déjà particulièrement touchée. Il y a déjà une prison à proximité Pourquoi ne pas acheter un terrain en seine et marne bordé par la A5 loin de toutes habitations ? Quel est l’intérêt de construire une prison en petite couronne dans un joli coin de verdure au milieu de la forêt ? Pourquoi ne pas construire à la place un espace extérieur réserve à la pratique sportive? Moins cher et plus intéressant ?” questionne ainsi Sébastien, dans un avis posté ce mardi 14 février. JL, lui, a joint un graphique pour demander pourquoi le Val-de-Marne prend-il plus sa part que les autres départements de petite couronne dans l’incarcération, au regard de sa population.

Graphique déposé par un habitant sur le site de la concertation publique

Voir les commentaires en ligne

Sur la population carcérale, l’Apij (Agence pour l’immobilier de la justice), maître d’ouvrage du projet de prison, rappelle pour sa part qu’il s’agit de répondre à “un besoin local identifié”. “La situation dans le Val-de-Marne en particulier est particulièrement dégradée. En effet, au 1er octobre 2022, 13 105 détenus étaient incarcérés dans la région pour environ 10 000 places opérationnelles. Le constat est le même en ce qui concerne la prison de Fresnes, avec 1 935 détenus au 1er octobre 2022 pour 1 330 places, soit une suroccupation de 145%. Dans ces conditions et face à un besoin local identifié, il a été décidé de bâtir un nouvel établissement carcéral de 800 places dans le Val-de-Marne.”

Voir le réponses de l’Apij aux contributions

Les élus ne lâchent rien

De leur côté, les élus ne sont pas en reste. Encore ce weekend sur les marchés, les maires de Noiseau et des villes voisines de Sucy-en-Brie, Ormesson et La Queue en Brie, ont mobilisé la population pour qu’elle fasse connaître son avis défavorable sur le site de la concertation, tract à l’appui. Un tract qui s’inquiète par ailleurs qu’une Structure d’accompagnement à la sortie (SAS) soit adossée à la prison, rappelant que le projet de SAS de 200 places prévu à Limeil-Brévannes avait été annulé suite à la mobilisation des élus et de la population.

De son côté, la France insoumise de la 4ème circonscription du Val-de-Marne a aussi développé son argumentaire, pour dénoncer la construction de nouvelles prisons en général et celle de Noiseau en particulier, la qualifiant de “contresens environnemental”, et rappelant les “conditions déplorables des moyens de transport”. Sur un plan plus général, les Insoumis dénoncent le “tout carcéral”.

Le Val-de-Marne vote un avis défavorable

Ce lundi 13 février, le conseil départemental du Val-de-Marne a rendu un avis défavorable à l’implantation de la prison et à la mise en compatibilité du plan d’urbanisme pour ce projet, arguant des problèmes de transport, de l’interdiction des poids lourds sur la RD 136, de l’éloignement des hôpitaux, de l’impact environnemental, du rejet de la population et d’incertitudes concernant la compatibilité avec le schéma directeur régional.

Voir la délibération

En séance, le vote de cet avis a fait l’unanimité, après plusieurs prises de parole. “Il est anormal que l’État s’exempte de ses propres règles en matière de bétonnage et d’artificialisation des terres”, s’est agacée Françoise Lecoufle (LR), maire de Limeil-Brévannes. Hocine Tmimi (PCF) a lui estimé que “notre département compte de vastes friches urbaines que l’État pourrait valoriser. Il choisit l’option de la facilité en s’attaquant aux terres d’agriculteurs et à l’une des plus petites communes du département. Notre sensibilité politique s’oppose au tout-carcéral, contrairement à d’autres assis ici, car il repose sur une hypocrisie manifeste. L’État n’entretient pas son patrimoine et le laisse se dégrader, rendant les conditions d’incarcération indignes, voire inhumaines“. L’élu a demandé l’ajout à la délibération d’une demande à la région de protéger la zone dans le cadre de la rédaction de son nouveau schéma directeur (SDRIF).

“C’est l’agence publique pour l’immobilier de la Justice (APIJ) qui dit que le projet est compatible avec le SDRIF. C’est faux parce que déjà dans le schéma de 2013, le secteur identifie un secteur d’urbanisation préférentiel à l’ouest du tissu urbain de Noiseau mais avec au nord et au sud de l’emprise prévue pour construire la prison, il y a des continuités écologiques. Le SDRIF tel qu’il sera rédigé s’inscrira en faux par rapport au rapport de l’administration pénitentiaire. Nous demandons également en priorité la réhabilitation de la prison de Fresnes”, a insisté sur ce point Patrick Farcy (SE), maire de Villecresnes.

Un front commun salué par le président du département, Olivier Capitanio. “L’accord unanime est extrêmement important si l’on veut rappeler au président de la République ses engagements en matière de concertation et de respect des élus locaux.”

Le vice-président de la région promet de sécuriser le prochain schéma directeur

Le schéma directeur actuel de la région est-il compatible ? Les interprétations divergent car le Sdrif comporte une pastille d’urbanisation sur l’ex site France Télécom. C’est ce site qui avait été initialement prévu pour la prison avant que celle-ci ne se décale sur les exploitations agricoles voisines pour permettre au projet d’agroquartier de rester sur le site France Télécom. Mais le fait qu’il y ait une pastille d’urbanisation sur la friche France Télécom peut être interprété comme la possibilité d’une urbanisation plus large, explique un proche du dossier. C’est pourquoi l’Apij estime que le Sdrif est compatible tandis que des élus estiment le contraire.

Ce qui est sûr, en revanche, est qu’un nouveau Sdrif-e (Sdrif environnemental) est en cours d’élaboration et qu’il remplacera l’actuel, une fois voté, en principe en 2024. Cette réécriture sera donc l’occasion de mettre les points sur les i du côté de la région. Dans ce contexte, Jean-Philippe Dugoin-Clément, le vice-président de la région en charge de l’aménagement du territoire et du Sdrif-e, est venu ce mardi matin à Noiseau pour annoncer qu’il retirerait la pastille d’urbanisation posée sur le site France Télécom dans le furtur document. Cela permettra donc toujours de construire à l’endroit de la friche mais pas à côté, sur les terres agricoles. Le timing de cette annonce, à quelques jours de la clôture de la concertation, n’est pas anodin. Le vice-président n’est du reste pas venu tout seul. Sur place, étaient réunis ce matin les maires des communes concernées, Yvan Femel, Marie-Carole Ciuntu, Marie-Christine Ségui, mais aussi la député de circonscription Maud Petit (Modem), les sénateurs Christian Cambon (LR) et Laurent Lafon (UDI), les conseillers départementaux Patrick Farcy et Karine Bastier et encore des représentants du territoire GPSEA.

Dernière permanence du maître d’ouvrage avant la fin de la concertation

La concertation publique s’achève ce vendredi 17 février. D’ici là, une dernière permanence se tient ce mercredi 15 février pour rencontrer le maître d’ouvrage et les garants, de 15h00 à 19h00, à la mairie de Noiseau. Selon des élus, la concertation pourrait être prolongée. Mais rien n’a été annoncé en ce sens officiellement.

Il est également possible de participer en ligne.

Les conclusions et la décision de poursuivre ou non seront connues au printemps. Si le projet continue, une enquête publique, préalable à la déclaration d’utilité publique permettant de modifier le plan d’urbanisme pour accueillir le projet, et se tiendra au premier semestre 2024. La prison pourrait ouvrir en 2027.

Lire aussi :

Abonnez-vous pour pouvoir télécharger l'article au format PDF. Déjà abonné ? Cliquez ici.
5 commentaires

N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.

Ajouter une photo
Ajouter une photo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous chargez l'article suivant