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Société | Val-de-Marne | 06/12/2023
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La parole se libère après l’arrestation du gourou yogiste à Villiers-sur-Marne

La parole se libère après l’arrestation du gourou yogiste à Villiers-sur-Marne © Zafer

Agnes a 15 ans quand elle fait la rencontre de Gregorian Bivolaru en Roumanie, en 1999 : “il préférait les vierges”. Cette Roumano-portugaise, comme d’autres femmes, raconte à l’AFP ce qu’elle a vécu auprès de ce gourou, soupçonné de violences sexuelles au sein d’une secte tentaculaire et arrêté en France après une longue cavale.

À cette époque, Agnes Arabela Marques s’inquiète pour sa sœur aînée, partie à Bucarest dans l’ashram du fondateur du Misa (Mouvement pour l’intégration spirituelle vers l’absolu). Elle décide de l’y rejoindre. 

On y enseigne le tantra yoga ou “yoga de l’amour”, une pratique issue de l’hindouisme visant à l’épanouissement sexuel. Rebaptisé Atman lors de son expansion à l’international, présent dans plus d’une trentaine de pays, le mouvement compterait de nos jours plus de 100 000 adeptes à travers le monde.

Dans l’ashram, l’adolescente note la présence de “personnes importantes”, des médecins, des avocats… “Je me suis dit que je me faisais du souci pour rien. Et j’ai fini par m’y perdre aussi…”, confie-t-elle, contactée par visioconférence et rencontrée par l’AFPTV.

Quant à Bivolaru, “au premier abord, il avait l’air gentil. C’était quelqu’un de très respecté”, dit-elle. “Il ne s’énervait jamais. Quand il disait quelque chose, les gens se taisaient.”

Elle séjourne un temps à l’ashram puis, raconte-t-elle, “il m’a invitée chez lui”. Bivolaru y est déjà entouré d’une douzaine de femmes. Avec elles, l’adolescente suit des séances de méditation, est poussée à des rapports lesbiens… “Cela faisait partie de l’initiation tantrique”, dit-elle.

Les femmes se succèdent dans la chambre à coucher du gourou qui approche alors de la cinquantaine. “Et puis ça a été mon tour”. Il la pousse à perdre sa virginité, et lui demande de ne “rien dire”.

Une sorte de “cadeau de bienvenue”, ironise-t-elle auprès de l’AFP. “On nous disait que l’acte sexuel était une consécration, que c’était autorisé par Dieu.”

Elle se souvient d’un homme “méthodique”, aux ongles longs. “Grig“, comme elle le surnommait, était considéré par ses adeptes comme un “dieu”. 

Elle dit aussi avoir participé, à 16 ans, à ce concours de beauté estival, “Miss Shakti”, au bord de la mer Noire où les membres du Misa les plus convaincus étaient conviés : près de 300 femmes défilant nues, posant lascivement sur scène, voire se masturbant devant plusieurs milliers d’adeptes.

D’autres événements de ce type avaient lieu, pour célébrer l’anniversaire du gourou notamment. Agnes parle aussi de sites érotiques affichant photos et vidéos de certaines adeptes. 

“Il n’y avait pas de minimum d’âge”, “comme moi, la plupart étaient mineures”, assure-t-elle.

Elle dira aussi s’être rendue plusieurs fois au Japon pour travailler dans des boîtes de nuit au profit du Misa. Serment prêté sur la Bible, elle reversait au mouvement la quasi-totalité de son salaire et les cadeaux reçus.

En 2013, la justice roumaine condamne Bivolaru en son absence à six ans de prison, notamment pour avoir eu des rapports sexuels avec des mineures. 

Agnes Arabela Marques y voit une victoire, mais depuis son témoignage dans cette enquête en 2004, elle dit avoir plusieurs fois été suivie en voiture et menacée par lettres.

Ashleigh Freckleton, ex-adepte australienne de 31 ans, raconte être partie en Roumanie en 2018, dans l’une des écoles du Misa, cherchant dans le yoga tantrique une “élévation spirituelle”. En 2019, elle est invitée à se rendre en France pour suivre un “rite d’initiation”. 

Étrangère, comme la plupart des potentielles victimes, elle est prise en charge à un aéroport parisien. Téléphone et passeport confisqués, on la conduit jusqu’à une villa de Villiers-sur-Marne aux fenêtres occultées.

Villa de Villiers-sur-Marne aux fenêtres occultées

Deux semaines durant, les femmes présentes dans la villa sont exposées à de la pornographie, incitées à participer à des séances mêlant hypnose, orgies sexuelles et ingestion d’urine de Bivolaru, avant de le rencontrer. On le lui dépeint comme un être “éclairé”, doté de “pouvoirs surnaturels“.

Ashleigh Freckleton, elle, refuse finalement de s’offrir à lui. “J’ai su qu’il fallait que je déguerpisse.”

“De nombreuses femmes étaient lentement et systématiquement manipulées afin qu’elles croient que le sexe avec Bivolaru était un don spirituel”, relate Kareen (prénom d’emprunt), qui a requis un anonymat total. Au-delà des “viols”, de la “manipulation mentale”, elle s’est également dite “victime de trafic sexuel” à Paris à plusieurs reprises, sur les six années pendant lesquelles elle a été adepte. 

Sortir du Misa est souvent un processus difficile. Ceux qui le font sont jugés sévèrement”, dit-elle. Finalement, elle est parvenue elle aussi à s’en émanciper.

Selon Kareen, plusieurs milliers de femmes auraient fait l’objet de trafic sexuel au sein du Misa depuis sa création en 1990. Aujourd’hui, une source proche du dossier parle d’un dossier “démentiel”.

“Les témoignages qui sortent aujourd’hui ne sont qu’une goutte d’eau dans un océan !”, estime Agnes. “Nous ne sommes pas des cas isolés.”

Lors du vaste coup de filet policier la semaine dernière en France, plus d’une cinquantaine de femmes, enfermées dans des pavillons, ont pu être “extraites de la secte”, selon la police. 

par Bertille LAGORCE / Victoria LAVELLE et Maxence D’AVERSA

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