Créée en 2006 à partir d’un brevet permettant d’optimiser la gestion de fluides à une échelle microscopique, la startup Fluigent a réussi à rester pionnière, diversifier ses secteurs d’application et conquérir les marchés au niveau mondial, le tout depuis le Val-de-Marne.
La microfluidique, une tuyauterie à l’échelle infiniment petite, voilà le terrain de jeu de Fluigent. De l’appareillage de haute précision auquel un physicien de l’Institut Curie, Jean-Louis Viovy, a fait prendre une longueur d’avance il y a vingt ans.
C’est en 2003, en effet, que le scientifique cherche un moyen plus optimal que ses traditionnels pousse-seringues pour manipuler des brins d’ADN. “Alors que ses équipes prenaient beaucoup de temps à équilibrer les débits des fluides, il a eu l’idée révolutionnaire de créer un contrôleur de pression”, explique France Hamber qui a pris la présidence de Fluigent, il y a huit ans. Le chercheur dépose un brevet et la société Fluigent voit le jour en 2006 en s’appuyant sur le savoir-faire d’incubation de l’ESPCI (école supérieure de physique et de chimie industrielle).
À l’origine, le prototype de Jean-Louis Viovy consiste en une boîte 50 cm3, progressivement miniaturisée. “La machine est alimentée en pression et assure l’écoulement précis et stable dans une puce microfluidique, détaille France Hamber. Cela permet, par exemple, de cultiver des cellules, de modéliser des organes humains“, détaille l’ingénieure en génie des procédés. Ex-cadre d’Air Liquide, elle y a dirigé des unités commerciales avant de prendre la direction des activités spatiales.
Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série de portraits d’entreprise du Val-de-Marne réalisés avec le soutien de la Chambre de commerce et d’industrie. La CCI 94 a accompagné France Hamber dans le cadre du programme entrepreneurial Sup’Excellence, dédié aux femmes cheffes d’entreprise, ainsi que sur des problématiques numériques et export.
Relancer la recherche et le développement
C’est en 2013 que la jeune pousse s’installe dans le Val-de-Marne, d’abord dans la pépinière de Villejuif Biopark. Objectif de cette implantation : rester en contact avec les grands centres de recherche universitaire et des instituts de formation tels que Sup Biotech pour attirer de jeunes recrues. Après sept ans d’existence, l’entreprise s’est forgée une solide réputation, citée régulièrement dans les articles scientifiques par les chercheurs qui utilisent ses outils. Mais elle n’est plus seule sur le terrain.
“Nous avons été pionniers, mais, entre-temps, de la concurrence s’était créée, résume France Hamber, qui prend les rênes de l’entreprise en 2013, alors qu’elle compte une quinzaine d’employés. Il fallait reprendre de l’avance en déposant de nouveau des brevets. Heureusement, nous avions une belle base !”
Alors que l’entreprise vient d’ouvrir une filiale en Allemagne et une aux Etats-Unis, de nouveaux marchés sont développés. De quoi redonner de la marge de manœuvre pour investir dans la recherche et développement et relancer une stratégie de brevets. En moyenne, Fluigent dépose désormais deux à cinq brevets par an, lui permettant de maintenir son leadership sur le secteur.
Récemment, la société a ainsi développé Omi, un véritable laboratoire de poche de 15 cm sur 8 !
Développer la clientèle industrielle
Dispositifs de contrôle comme des micro-vannes ou des micro-aiguillages, instruments de mesure pour réguler pression, flux ou débit, logiciels… l’entreprise développe son catalogue et diversifie ses débouchés, s’attaquant au secteur industriel et non plus seulement aux cercles des chercheurs. “Grâce à la miniaturisation des procédés, l’intérêt économique et écologique est fort puisque vous nécessitez moins de réactifs“, motive France Hamber pour qui cette technologie est amenée à se démocratiser. En 2018, la startup est, du reste, retenue par la Commission européenne pour piloter la création d’une filière industrielle de la microfluidique, dans le cadre du projet HoliFAB.
Un déploiement à l’international et une recherche de labellisation
Un peu à l’étroit au Biopark de Villejuif, c’est aussi en 2018 que l’entreprise s’installe dans la ville voisine du Kremlin-Bicêtre, à côté du centre commercial Okabé. “Nous sommes attachés à ce territoire et travaillons avec des entreprises franciliennes autant que nous le pouvons“, insiste la présidente.
Afin d’accueillir ses presque 60 employés, Fluigent a pourtant dû réaménager déjà deux fois ses bureaux pour pousser les murs, mais elle n’envisage pas de partir pour l’instant. Un siège kremlinois qui ne l’empêche pas de partir à la conquête du monde.
Pour la PMI scientifique, qui fait partie des réseaux French Tech et French Care, le développement international est, en effet, une condition indispensable de la croissance. Après ses filiales aux États-Unis et en Allemagne, Fluigent plante son drapeau en Asie où elle dispose d’un réseau de distributeurs et d’un représentant à Singapour. Aujourd’hui, la PME valdemanaise exporte sa production à 80% à l’international, dans une cinquantaine de pays. Une progression saluée par le Moci (Moniteur du commerce international) qui lui a décerné le Prix de l’exportateur francilien en 2021.
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