Face à la hausse des prix de l’énergie, les pressings et les blanchisseries ne sont pas épargnés. Machines à laver, séchoirs et fer à repasser, autant d’appareils qui font grimper la facture. Augmenter ou pas les prix ? Faire le dos rond, jouer sur le service… chacun cherche la parade.
L’augmentation des prix de l’énergie, Harb Nibal, propriétaire d'”Harmony pressing” situé à Raincy, en sait quelque chose. Il a vu sa dernière facture d’électricité multipliée par quatre. Pour la période d’octobre à avril 2023, il devra débourser 4 500 euros contre un millier d’euros les années précédentes. À cela s’ajoute l’inflation sur les produits de lavage et d’entretien. “L’électricité, le plastique, les cintres, tout augmente !” Pas de quoi arranger une situation déjà fragilisée par les conséquences de la crise sanitaire. “Avec le développement du télétravail, les gens ont moins besoin de porter leurs vêtements au pressing”, observe le gérant. “On n’a quasiment plus de marge. Il y a certains mois où l’on ne peut pas se verser de salaire”, soupire cet ancien commercial à Dubaï. À Bondy, le salarié d’un pressing indique pour sa part qu’une fermeture est désormais envisagée si l’électricité continue d’augmenter.
Bouclier tarifaire
Une situation qui, en principe, ne devrait pas se produire, si les annonces de Bruno Le Maire le 6 janvier dernier se concrétisent facilement. Le ministre de l’Economie a, en effet, indiqué que les fournisseurs d’énergie aux très petites entreprises (TPE) devront garantir que le prix payé en 2023 n’excédera pas 280 euros le mégawattheure en moyenne sur l’année. Par ailleurs, le dispositif d’amortisseur d’électricité prévoit que l’Etat prenne en charge 50% de la différence entre 180 euros le mWh et ces 280 euros. “Au final, on passera donc de 100 euros le mWh à 230”, calcule Stéphane Cohen, patron de trois pressings parisiens sous l’enseigne Hublo, et membre de la Fédération française des pressings et des blanchisseries (FFPB). Le problème, explique ce dernier, est que les factures des prestataires d’énergie ne sont pas toujours faciles à comprendre, et pour une bonne partie des pressings, le montant de la douloureuse ne sera vraiment connu qu’avec la facture de janvier. Certains pressings, craignant une hausse spectaculaire, ont aussi renégocié leurs tarifs il y a quelques mois, en spéculant sur des perspectives pires que ce qui s’est réellement passé. “Certains distributeurs d’énergie proposaient des tarifs allant jusqu’à 1000 euros le mWh à l’automne”, témoigne le président des pressings Hublo, qui explique lui avoir au contraire négocié à 50 euros, quelques mois plus tôt.
À Fontenay-sous-Bois, c’est la facture de gaz qui a augmenté pour le pressing “Select”. Celle-ci a quasiment doublé en l’espace de quelques mois. Mais les responsables restent sereins. “On s’en sort quand même mieux que les pressings qui s’alimentent principalement en électricité. On a discuté avec des collègues pour qui les factures sont plus élevées que leur chiffre d’affaires. Comment fait-on dans ce cas ?”, interroge le couple à la tête de ce pressing moderne.
Réduire la consommation, augmenter les prix
Pour limiter les dépenses, Seetohul, quinquagénaire d’origine mauricienne responsable d’un pressing situé à quelque pas, toujours rue Dalayrac à Fontenay-sous-Bois, n’utilise plus son fer à repasser lorsque ses machines tournent. Au Raincy, le gérant d’Harmony Pressing a lui arrêté de faire préchauffer son fer. Il ne lance par ailleurs ses machines à laver que lorsqu’elles sont pleines, même si cela conduit parfois à allonger le délai de restitution des vêtements aux clients. Malgré ces efforts, il s’est aussi résolu à augmenter ses tarifs la semaine dernière. Mais ça passe ou ça casse. “En découvrant les nouveaux prix, certains clients quittent le pressing”, confie-t-il, sans de départir de sa bonne humeur. À Fontenay, Seetohul refuse pour l’instant de franchir le pas. Le coût de ses prestations restera inchangé, et ce, même si le prix de l’énergie venait encore à augmenter. Idem pour le responsable du pressing bondynois. “Si le nettoyage d’un costume passe de 13 à 40 euros, aucun client ne pourra se le permettre, défend-il. On offre déjà nos prestations à quelques clients qui ne peuvent plus payer…”
Augmenter la valeur ajoutée
Pour Stéphane Cohen, pas question de baisser les prix, la solution passe par la qualité de service et l’innovation. “Nous ne prenons pas une chemise à moins de 7-8 euros”, prévient ce diplômé d’un master en sciences, qui a déjà développé un brevet pour développer un filtre de machine à laver capable de filtrer les microbilles plastiques. “Le marché a été tiré par le bas par des discounts qui ont beaucoup mécanisé”, constate-t-il. De là à augmenter encore les tarifs pour suivre l’inflation, il y a toutefois une marge. “Nous avons déjà aligné les prix de nos pressings en septembre et n’avons pas prévu de nouvelle augmentation en janvier. Nous réfléchissons plutôt à un ticket forfaitaire, de par exemple 50 centimes, qui pourrait disparaître une fois cette crise passée, afin que les gens sachent ce pour quoi ils paient. Mais rien n’est encore décidé.” En parallèle, le jeune réseau développe de nouveaux services comme la livraison avec des vélos cargos.
Un service à domicile qui ne comprend pas que du pressing mais aussi du simple lavage-pliage à 4,5 euros le kilo, ou du lavage-repassage (12,5€/kg), pour éviter d’avoir à investir dans une machine à laver et un sèche linge. Une manière d’augmenter la valeur ajoutée du métier et de la diversifier, qui n’est toutefois pas transposable dans les mêmes conditions partout.
Propos recueillis par Mégane Luzayadio et Cécile Dubois
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