Diagnostics précoces systématiques, places d’hébergement médico-social supplémentaires, organisation d’événements et de partenariats… Le conseil départemental du Val-de-Marne lance un plan d’action pour faciliter la vie des autistes et de leurs proches.
“Quand le diagnostic tombe, il faut l’accepter, ça passe par un long processus avec un deuil, de la tristesse. Puis il faut apprendre, s’adapter en permanence, assumer le regard des autres“, résume Mélanie, mère d’un garçon diagnostiqué autiste Asperger à l’âge de neuf ans. Un long parcours du combattant. Cette année, elle a réussi à inscrire son fils en classe Ulis spécialisée pour les troubles du spectre autistique (TSA). Désormais, la quadragénaire, qui élève seule ses deux enfants et est par ailleurs chargée de projet, cherche une structure d’accueil pour s’accorder un peu de répit. “Je me renseigne, mais je culpabilise, je ne sais pas quelle sera sa réaction“, explique-t-elle.
“Manque de considération et d’investissement“
D’après les recensements de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne, il y a près de 6 500 adultes et enfants avec troubles autistiques dans le département. Les statistiques dressent un tableau préoccupant sur le déficit de prise en charge. Ils sont environ 5 000 en attente d’une solution d’accueil ou d’hébergement dans des structures adaptées et en proximité. Ces chiffres font l’impasse sur les centaines de cas non détectés faute de diagnostic systématique.
C’est dans ce contexte que le conseil départemental du Val-de-Marne a décidé de faire de l’autisme la grande cause de sa mandature, en 2021. “Notre département figure parmi les derniers en matière d’équipement d’accueil spécialisé. Un retard structurel s’est accumulé ces dernières années par manque de considération et d’investissement“, estime Olivier Capitanio, le président LR du département. Le 16 octobre dernier, le département a voté à l’unanimité un plan autisme pour la période 2023-2028.
Systématiser le dépistage via les crèches et PMI départementales
“Nous voulons agir, dès le plus jeune âge, pour dépister précocement les TSA et orienter rapidement les familles pour qu’elles obtiennent un accompagnement adapté. C’est la clé d’un parcours de vie plus autonome“, motive Karine Bastier, conseillère départementale déléguée au plan autisme.
Pour atteindre un objectif de test systématique à 18 mois, le département va former les professionnels de ses 72 centres de protection maternelle et infantile (PMI) et des 80 crèches départementales afin de déceler les premiers signes caractéristiques de ces troubles. Le département a aussi promis l’embauche de six psychomotriciennes pour poser une évaluation précise des problèmes de neuro-développement de l’enfant. Trois ont déjà été recrutées.
“Le parcours pour avoir un rendez-vous et une évaluation peut être long. L’accès à certains professionnels coûte cher. Avec ces nouvelles ressources dans nos équipements, nous pourrons traiter les enfants des familles aux revenus modestes, sous-diagnostiqués”, insiste Odile Seguret , vice-présidente chargée de l’autonomie et des personnes handicapées.
Nouvelles places d’accueil
Cet accroissement des diagnostics risque toutefois d’accentuer les tensions sur les capacités d’accueil déjà saturées des structures d’hébergement, de soin et d’insertion. “Aujourd’hui, il y a 200 jeunes adultes qui restent dans des équipements prévus pour des mineurs faute d’alternative“, illustre la vice-présidente.
Pour désengorger la file d’attente, le département projette la création de 80 places pour les TSA ou les personnes avec un handicap psychique pour un montant total de 4,3 millions d’euros par an. Pour l’heure, de nouvelles places ont ouvert dans des établissements déjà existant comme les foyers d’accueil médicalisés Tamaris à Villejuif, La Cornille à Thiais ou encore le service d’accompagnement médico-social (Samsah) Silvae à Villecresnes.
L’Institut Le Val Mandé (ILVM), qui accueille notamment un IME pour les jeunes autistes, porte par ailleurs le projet L’Archipel, qui prévoit la livraison en 2026 d’une plateforme d’accueil de jour, d’accueil de répit et d’accueil d’urgence pour des adultes avec TSA. Ces 54 places seront construites sur le site du centre hospitalier des Murets (CHM) à La Queue-en-Brie. Un investissement financé à hauteur de 3 millions d’euros par an par le département, complété de 1,2 million d’euros par an par l’Agence régionale de santé (ARS). Une seconde plateforme de 54 places doit suivre, également confiée à l’ILVM.
L’ARS, qui cofinance des mesures du conseil départemental sur le volet médical, et porte ses propres dispositifs, a aussi annoncé qu’elle investirait 312 millions d’euros jusqu’en 2030 pour l’autisme et les TSA.
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“Parfois les familles ont été contraintes d’envoyer des proches en Belgique tant les capacités d’accueil étaient faibles. Nous dégageons des moyens considérables pour dégripper le système avec ces nouvelles places“, insiste Olivier Capitanio.
Accès à l’emploi, habitat inclusif et sensibilisation
Le plan départemental pour l’autisme s’engage par ailleurs à développer l’inclusion professionnelle, en sensibilisant les employeurs du territoire au recrutement et au maintien dans l’emploi des personnes avec des TSA, et en opérant le travail dans ses propres équipes.
Parmi les autres axes de travail, un appel à projet pour la création d’habitats inclusifs accessibles aux personnes avec des TSA a été lancé en avril. 26 projets ont été retenus et permettront dans les six prochaines années de créer 200 places.
Par ailleurs, la collectivité s’engage à soutenir la recherche sur l’autisme en s’appuyant sur l’Université Paris Est Créteil (Upec) et les hôpitaux, et entend sensibiliser le grand public en organisant un grand événement annuel.
L’opposition départementale conteste le bilan de l’avant 2021
Si lors de la séance plénière du 16 octobre, l’assemblée départementale a voté le plan autisme à l’unanimité, l’ancienne majorité a défendu son bilan sur le sujet. “Face à nos multiples interpellations, ils ont annoncé un plan de création de 380 places d’accueil en 2018. Trois ans plus tard, à notre arrivée aux responsabilités, 29 places avaient été créées“, fustige Olivier Capitanio.
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“Ces efforts qui se concrétisent aujourd’hui partent de très loin. Nous avons travaillé de longues années pour accompagner des projets comme le diagnostic précoce au CHU Bicêtre ou la Maison de l’enfant et de la famille inaugurée récemment à l’hôpital intercommunal de Créteil“, a rappelé Isabelle Santiago, conseillère départementale d’opposition et députée PS. “L’impression qui se dégage de ce plan est que le département réussirait à lui tout seul à relever le défi. C’est plus compliqué. Il faut des moyens pour la psychiatrie, incapable aujourd’hui de répondre aux besoins”, a pour sa part réagi Ibrahima Traoré, du groupe communiste.
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