Quatre ministres, dont la garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti se sont rendus à la Maison des femmes de Saint-Denis pour signer une convention visant à l’amélioration de l’accueil et de la prise de plainte des femmes victimes de violences au sein des maisons des femmes. Un déplacement destiné illustrer la communication d’une série de mesures pour lutter contre les violences conjugales.
Ces mesures, qui feront l’objet de décrets ou de projets de loi dans les prochains mois, avaient été annoncées par la Première ministre Elisabeth Borne en mars, dans le cadre de son plan en faveur de l’égalité femmes-hommes, “grande cause” du quinquennat. Elles font aussi suite à un rapport parlementaire se concluant par 59 propositions.
Au programme des annonces notamment, la création d’un “pôle spécialisé dans les violences intrafamiliales” dans chacun des 164 tribunaux français, avec à chaque fois une équipe coordonnée par des magistrats référents du siège et du parquet, adaptée aux spécificités locales.
Le gouvernement veut aussi permettre à un juge de prononcer, en cas “d’urgence extrême”, une ordonnance de protection en 24 heures. Les délais de ces ordonnances, autorisant l’éviction du conjoint violent ou une interdiction de contact, avaient été réduits à six jours en 2019 (45 jours en moyenne auparavant).
Cette procédure, provisoire, devra être réexaminée par un juge “dans un délai de six jours”, a précisé le garde des Sceaux, ajoutant qu’elle figurerait dans un projet de loi “à l’automne”. De leur côté, les associations défendant les femmes victimes de violences ont jugé ces mesures “incomplètes”, voire “décevantes”. Les pôles spécialisés, “c’est une étape, mais on est au milieu du gué”, estime notamment Françoise Brié, directrice de la Fédération nationale Solidarité femmes.
Ces mesures sont “intéressantes” mais “vont-elles pouvoir être appliquées ? Va-t-on toujours avoir quelqu’un pour signer l’ordonnance de protection à un instant T ?”, s’est interrogée Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis.
C’est dans cette structure que quatre ministres – le garde des Sceaux et les ministres déléguées à l’égalité femme-homme (Isabelle Lonvis-Rome), les collectivités (Dominique Faure) et les professions de santé (Agnès Firmin Le Bodo), se sont déplacés pour signer la convention.
Justine (prénom d’emprunt), victime de violences conjugales, s’y rend depuis quelques mois, pour se “reconstruire”. “C’est une belle découverte, j’ai reçu un accueil très humain et je me sens en sécurité”, témoigne-t-elle.
Le ministère de l’Intérieur a recensé 207 743 victimes de violences conjugales en France en 2021, essentiellement des femmes, +21% par rapport à 2020. Cent-vingt-deux ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint cette même année, selon le ministère. Une quarantaine de femmes ont déjà été tuées depuis le début de l’année, d’après les associations. Des chiffres qui ne baissent pas, malgré les mesures prises notamment depuis le Grenelle de 2019, constate le rapport visant à “améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales”.
Leurs autrices, Emilie Chandler (députée Renaissance) et Dominique Vérien (sénatrice UDI), commencent par noter le doublement des plaintes depuis 2016 “dans un contexte de libération de la parole” et de réponse judiciaire plus “rapide” (+218% de mesures d’éloignement entre 2017 et 2021), même si les progrès ne sont pas “au même niveau” sur l’ensemble du territoire.
Dans leurs 59 recommandations, elles soulignent le besoin d’améliorer la “coordination” entre les acteurs – des défaillances sur le suivi de conjoints violents ont été révélées lors de plusieurs féminicides.
Elles recommandent la création d’un fichier regroupant les informations sur les auteurs -sur lequel la Chancellerie et l’Intérieur travaillent- et une meilleure prise en charge des hommes violents.
En amont du traitement judiciaire, il faut “un maillage de personnes formées à tous les niveaux de la chaîne” (médecins, travailleurs sociaux, fonctionnaires…) pour ne “pas passer à côté” de situations de danger, a souligné Isabelle Rome, reprenant une recommandation du rapport.
Les parlementaires proposent d’élargir davantage la délivrance des “téléphones grave danger”. Près de 3 500 sont actifs (+471% depuis 2019) mais ils restent trois fois moins attribués qu’en Espagne.
Quant aux “bracelets anti-rapprochement” (1 000 actifs), plombés par des problèmes techniques, un nouveau modèle adapté au réseau 5G et avec une batterie plus fiable, sera déployé dès le mois prochain, promet la Chancellerie.
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