Du temps des châteaux et des réserves de chasse, dont le gibier à profusion semait la zizanie dans les fermes, à celui de l’industrialisation, les Archives du Val-de-Marne proposent une plongée passionnante, animée et documentée, sur l’histoire du département. Avant son existence officielle, en 1965. Avec un prisme sur les risques naturels et d’activité qui ont marqué le territoire.
Rien de tel que les plans d’intendance réalisés pour faire payer l’impôt (à l’époque la taille) à la perche près (unité de mesure d’environ 6 m) pour documenter avec précision le territoire avant la Révolution française. Ces cartes peintes à la main, et parfaitement restituées sous format numérique, donnent à voir tous les anciens domaines et les traces qu’ils ont laissées dans les structures urbaines d’aujourd’hui. Voir l’exemple d’Ormesson ci-dessous.
Autres documents précieux, les plans de capitainerie, ces domaines de chasse réservés à la famille royale et aux aristocrates. Les Archives dévoilent ceux de la Capitainerie de la Varenne du Louvre, qui comprenait une partie du Val-de-Marne, dessinés par Estienne Jeanson, inspecteur des bâtiments du roi à Choisy, entre 1750 et 1770.
Les cahiers de doléances
Pour les paysans, qui n’avaient pas le droit de chasser, y compris les animaux qui s’échappaient et provoquaient d’importants dommages dans les champs qu’ils cultivaient, ces capitaineries provoquaient en revanche colère et découragement. La storymap concoctée par les Archives départementales leur donne la voix grâce à des retranscriptions audio de plusieurs extraits de cahiers de doléances.
Dès cette époque, les inondations de la Seine et de la Marne ravagent régulièrement les cultures qui les bordent. Plusieurs extraits de cahiers de doléance concernent également ce problème.
L’urbanisation
Alors que, à la veille de la Révolution, le périmètre de qui sera par la suite le Val-de-Marne, compte 30 000 habitants, la population bondit à partir du 19ᵉ siècle, frôlant les 300 000 habitants dès 1900. Les premières lignes de chemin de fer traversant le département apparaissent dès 1840. L’industrie se développe, elle, essentiellement le long de la Seine, à commencer par Ivry-sur-Seine, commune la plus proche de Paris le long du fleuve.
Un développement industriel dont le site des Archives illustre les étapes en localisant sur une carte les manufactures créées, par période. Chimie, travail du cuir, matériaux de construction sont particulièrement représentés. Une carte pointe par ailleurs les établissements soumis à autorisation, une centaine sur les villes de Gentilly, d’Arcueil-Cachan et d’Ivry-sur-Seine. De fait, dès 1880, la pollution devient un sujet et les habitants protestent. Les Archives en témoignent par la lecture audio de déclarations de conseillers municipaux de l’époque.
À écouter, aussi, le discours à la fois nostalgique et confiant dans le progrès d’un conseiller général du canton de Charenton (ville qui faisait à l’époque partie du département de la Seine), Gustave Barrier, en 1898. Celui qui fut aussi directeur de l’école vétérinaire d’Alfort se félicite des nouvelles infrastructures tout en regrettant les chemins champêtres des bords de Seine…
Une urbanisation qui se poursuit au 20ᵉ siècle avec les lotissements pavillonnaires. La population passe les 700 000 habitants au tournant des années 1950, puis le million au milieu des années 1960, lorsque est créé le Val-de-Marne, en 1965. Aujourd’hui, le département compte 1,4 million de personnes.
L’industrialisation se poursuit dans la première partie du siècle. “Une fois de plus, ce sont les communes proches de la capitale qui conservent le rythme d’industrialisation le plus élevé. Elles accueillent de nouveaux types d’établissements notamment dans le secteur de l’électricité, du gaz. Parallèlement les secteurs de la métallurgie et des industries chimiques se renforcent considérablement”, détaillent les Archives.
La storymap développée par les Archives propose un focus particulier sur les centrales électriques et aborde aussi la question des ordures, que la banlieue traite grâce à plusieurs centres de dépôt, broyage, incinération. Une forte source de nuisances qui fait réagir, à l’instar des habitants de Gentilly qui interpellent le préfet à propos d’une décharge voisine qui déborde suite aux éboulements provoqués par un orage. À Arcueil aussi, on pétitionne. À écouter, encore, Louis Gibart, qui pose la question des “gadoues” et de ses risques en matière d’hygiène et d’épidémie. “Paris, cet organisme colossal, laisse derrière lui, de par son fonctionnement, à l’instar de tous les organismes, beaucoup de déchets”, observe-t-il.
Comme les siècles précédents, le 20ᵉ n’est pas exempt d’inondations, comme celle de 1910, largement illustrée de photographies spectaculaires.
Cette storymap, qui s’inscrit en complément des deux volets de l’exposition « +2° ? Les Val-de-Marnais, le climat et l’environnement, 1780-2015 », est à découvrir sur le site internet des Archives du Val-de-Marne.
À noter, à venir, un colloque conclusif de cette exposition au pavillon des Archives, le mercredi 29 mars de 9h30 à 17h30. Son titre : “Industrialisation, urbanisation et aménagement en région parisienne : jalon pour une histoire locale de l’environnement (XIXe-XXe siècle)”
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