Urbanisme | | 01/03/2023
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Les Lilas : la transformation du quartier des Sentes soumise au vote des habitants

Les Lilas : la transformation du quartier des Sentes soumise au vote des habitants © CH

Il reste moins d’un mois aux habitants des Sentes, aux Lilas, pour décider du réaménagement de leur quartier. Le 25 mars, ils pourront voter pour l’une des quatre propositions en lice dans le cadre du concours de promoteurs Inventons la Métropole du Grand Paris. Avec même la possibilité de les rejeter toutes. C’est la première fois que ce concours s’ouvre à la démocratie participative. Reportage.

Au pied des HLM de la cité des Sentes, le vote sur le réaménagement du quartier ne soulève pas, tout au moins pas encore, les foules. Hedy a bien reçu le courrier de la mairie avec la présentation des quatre projets. “Je sais qu’il y a eu plusieurs réunions avec les élus. Je n’ai pas encore eu le temps de m’intéresser à la question“, confie ce père de famille de 27 ans qui est né aux Sentes. “Mais ça fait déjà six ans qu’on est en travaux pour le métro [de la ligne 11, dont l’achèvement a été décalé de six mois]. Et on va repartir pour combien d’années de travaux encore? On en a marre, ça n’en finit plus. Regardez, les commerces ne tiennent plus. Comme il n’y a plus de bus qui passent par le boulevard du général Leclerc, les gens ne s’arrêtent plus“, soupire-t-il, dépité.

Le projet Nexity, vu de la rue de Paris

C’est de la boboïsation”

Croisée devant l’école Madeleine Riffaud, Carole, 47 ans, se sent, elle, très concernée, et farouchement opposée à la transformation du quartier. “Les quatre projets prévoient de nouvelles constructions dans un espace qui est déjà saturé. Du béton, plus de béton ! Vous ne trouvez pas qu’il y a en déjà assez. Ils veulent quoi ? Nous étouffer !“, s’insurge l’ancienne factrice en montrant l’immeuble en construction, de l’autre côté de la rue de Paris, juste devant l’une des tours de la cité Gagarine (à Romainville). “Il y a tellement peu d’espace entre les bâtiments que les gens pourront se passer le sel par la fenêtre“, plaisante-t-elle.

Bien sûr que j’irai voter, et je voterai contre tous les projets. Et je peux vous dire qu’on est nombreux“, tonne Monique, une retraitée qui habite au 220. “Ils veulent mettre de nouveaux logements. Ils veulent aussi supprimer le parking et la station Total. Ici, c’est un quartier ouvrier à l’origine. Donc, en fait, ils veulent mettre les gens des HLM dehors.

C’est de la boboïsation”, renchérit Djaouida, qui habite la tour Calmette depuis 30 ans. Tout ça c’est une opération immobilière pour récupérer du foncier.”

Au contraire, Liliane, qui vit square Dunant où va ouvrir la station de métro Serge Gainsbourg, estime que “ça fera beaucoup de bien au quartier. Ça fera venir de nouveaux habitants. Il y a, par exemple, des logements prévus pour les étudiants. Si bobo veut dire plus de mixité sociale, quel est le mal ? Il y a aussi de nouvelles aires de jeux pour les enfants et des espaces prévus pour des activités comme des jardins partagés. Moi je suis plutôt favorable au projet ADIM.

Le projet ADIM, vu de la rue de Paris

Claude, quant à lui, considère qu’il faut bien comparer les projets et être vigilent aux excès de construction. “Mais ils ont trouvé un moyen de faire quelque chose pour le quartier. Certains critiquent parce que ça implique des promoteurs immobiliers. Je ne vois pas le problème tant que les habitants ont leur mot dire.

© Mairie des Lilas
Périmètre du vote pour le réaménagement du quartier des Sentes.

Vote des habitants le 25 mars

Le maire PS des Lilas, Lionel Benharous, a inscrit le quartier des Sentes à l’appel à projets Inventons la Métropole du Grand Paris (IMGP) en 2021. Sur les 12 équipes d’entreprises candidates, quatre ont été retenues par un premier jury : ADIM-OGIC, Icade, Linkcity et Nexcity.

Voir les quatre projets

Quatre réunions publiques de concertation ont déjà eu lieu la semaine du 16 février. Et l’édile compte bien revenir sur place avec des élus avant la présentation des projets par les équipes en compétition le 18 mars. Mais le 25 mars, le vote ne sera ouvert qu’aux quelque 5 000 habitants des Sentes. Pour donner son avis, il faut, en effet, avoir plus de 16 ans et habiter dans le périmètre du plan (ci-dessus).

Lors des élections municipales de 2020, nous nous étions engagés à agir pour ce quartier dont la municipalité demande depuis de longues années le classement en quartier prioritaire de la politique de la ville“, rappelle-t-il. “Nous continuerons d’ailleurs à le faire. Mais nous n’allions pas attendre un classement hypothétique. Alors, on s’est dit qu’il fallait tenter l’expérience de l’IMGP, dispositif que nous connaissons bien puisque le Fort de Romainville a été retenu lors de la première session. Nous nous sommes aussi engagés à consulter les habitants. Cette consultation est un processus unique dans le cadre de l’IMGP“, pointe Lionel Benharous.

Le projet Icade, vu de la rue de Paris

Les habitants, eux, restent méfiants. “Il faut reconnaitre que l’on nous fait voter“, souligne Carole “Mais est-ce qu’au final nos voix vont vraiment compter ? Et s’il y a une majorité de contre ?” Elle compte bien, comme Monique, aller au dépouillement le 25 mars à l’école Madeleine Riffaud. Plus tranchée, Djaouida estime que “les travaux sont déjà actés, tout simplement parce que c’est une histoire de gros sous.”

“Le véritable échec serait que personne ne vienne voter

Le maire des Lilas dit comprendre les inquiétudes des habitants “déjà éprouvés par les travaux du métro et l’enclavement qu’ils occasionnent.” Pour autant, estime-t-il, “dans un quartier qui en général se mobilise peu lors des élections, j’ai constaté lors des quatre réunions qu’il y avait de l’affluence, sans doute plus de 200 personnes. Les gens ont pu exprimer leurs opinions, pour et contre.”

Le projet Linkcity, vu de la rue de Paris

Je me suis engagé publiquement et par écrit à faire voter les habitants“, poursuit-il. “Et quelque soit le choix qui ressortira le 25 mars j’en prendrai acte, c’est-à-dire que je défendrai le projet choisi par les habitants. Et si une majorité le rejette, et bien on ne fera rien. Je ne prends aucun risque à laisser la parole aux habitants. Ça s’appelle la démocratie. En fait, le véritable échec serait que personne ne vienne voter. Mais si on n’a ne serait-ce que 1/10ème de participants, ce sera déjà satisfaisant, sachant que nous faisons tout pour que les habitants décident de l’avenir de leur quartier.”

Si la mairie a décidé de restreindre le vote aux habitants du quartier et de ses abords immédiats, c’est justement à cause de son faible taux de participation aux élections et du risque que ce soit d’autres Lilasiens qui décident finalement à leur place.

Alors que la Métropole du Grand Paris et les groupements d’entreprises ont joué le jeu de la démocratie participative pour la première fois dans le cadre de son concours IMGP, son vice-président promet d’étendre l’expérience. “Si le résultat est fort, ce sera une [expérience] duplicable dans d’autres secteurs”, s’est ainsi engagé Eric Cesari, vice-président de la MGP lors du conseil municipal des Lilas, le 1er février.

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