Santé | | 28/09/2023
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L’hôpital pénitentiaire de Fresnes réduit son centre de sûreté pour accueillir des détenus vieillissants

L’hôpital pénitentiaire de Fresnes réduit son centre de sûreté pour accueillir des détenus vieillissants

Unique en France, l’hôpital pénitentiaire de Fresnes s’occupe de détenus lourdement handicapés ou gravement malades. Un lieu atypique où le bleu des uniformes de surveillants se mêle au blanc des blouses de soignants, qui se trouve en première ligne face aux détenus vieillissants dépendants. Explications et visite avec la nouvelle directrice de l’établissement, Sylvie Paul (photo).

Visible depuis l’entrée principale de la prison de Fresnes, l’hôpital pénitentiaire (officiellement appelé établissement public de santé national de Fresnes – EPSNF), contraste avec les divisions de la maison d’arrêt. Ici, pas de détenus criant aux fenêtres ni de ficelles ou de cordes pour faire circuler des objets de cellule en cellule. L’atmosphère est aussi moins oppressante.

Dans une salle dédiée à la rééducation, plusieurs détenus achèvent leur séance d’exercices, accompagnés de kinésithérapeutes, d’ergothérapeutes ou d’un enseignant en activité physique adaptée. “Nous avons une quarantaine de lits de médecine physique et réadaptation (MRP). Il s’agit parfois de détenus qui ont tenté de se défenestrer, ou de personnes qui se sont blessées en tentant de s’échapper lors d’une interpellation“, explique Sylvie Paul. Entrée dans l’administration pénitentiaire comme surveillante en 1999, elle est devenue la première femme à diriger cet hôpital au début de l’année.

Dans cette salle, les détenus peuvent suivre des séances de rééducation

Une vingtaine de lits accueillent, eux, des soins de suite. Pour visiter un patient seul en chambre, il faut la présence d’un soignant et d’un surveillant. Chacun a une clé pour déverrouiller une double serrure.

Au total, l’établissement peut accueillir près de 80 patients. Mais ce jour de mi-septembre, 65 lits sont occupés. “Nous recevons en grande majorité des hommes. La moyenne d’âge est de 44 ans et ils viennent à 80% d’Île-de-France“, évalue la directrice. L’hôpital a en revanche fait le plein durant la crise sanitaire, accueillant des détenus covidés qui présentaient des troubles sévères.

Centre médical le jour

L’hôpital pénitentiaire propose par ailleurs des consultations médicales ou chirurgicales dans plusieurs spécialités comme la cardiologie, le dentaire, la neurologie, la pneumologie, l’infectiologie ou même la diabétologie. Ceci en partenariat avec des établissements extérieurs comme l’hôpital privé d’Antony, le CHU Bicêtre, l’Institut Merle d’Aubigné de Valenton, l’hôpital Paul-Guiraud de Villejuif…

L’hôpital dispose de deux cours de promenade. Pour diversifier les ateliers de rééducation et d’entretien physique proposé aux détenus, des parcours de santé et des agrès jalonnent cet espace vert qui accueille aussi des jardins thérapeutiques.

Un statut hybride

À la fois établissement pénitentiaire et de santé, l’EPSNF emploie 132 personnels hospitaliers et 109 personnels de l’administration pénitentiaire. “Pour avoir travaillé dans de nombreux services, je constate ici une grande stabilité du personnel. Certains sont ici depuis le début de leur carrière“, constate Sylvie Paul. Chez les soignants, la comparaison avec l’hôpital public séduit. “Pour les soins, nous proposons la même chose qu’à l’extérieur. En revanche, il n’y a pas de tarification à l’acte. Nous avons une enveloppe globale annuelle. Elle nous offre un peu plus de souplesse dans la conduite de nos projets“, explique Samia Lemtaï, responsable des services administratifs hospitaliers. Le budget annuel s’établit environ à 12 millions d’euros, principalement abondé par le ministère de la Santé.

En dehors des barreaux aux fenêtres et aux accès sécurisés comme dans ce long couloir, difficile de différencier cet hôpital de ceux en extérieur.

Un projet de mini Ehpad pour les détenus vieillissants

De part son double statut, d’hôpital et de prison, l’établissement est aussi en première ligne face au vieillissement de la population carcérale. Un enjeu national un peu sous les radars mais bien réel. Alors qu’il est déjà compliqué de trouver des places en Ehpad pour la population générale, le placement de détenus au CV bien rempli relève de la quadrature du cercle. Quand bien même ces derniers sont dans un état qui n’est plus compatible avec les conditions de détention d’une prison. Par ailleurs, les personnes âgées déjà un peu fragiles viellissent plus rapidement en prison. “L’état de santé se dégrade plus rapidement en détention et l’on considère un détenu comme senior dès qu’il a 65 ans“, indique Sylvie Paul.

Sorti début 2023, un documentaire, tourné en partie à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, commandé par les ministères de la Justice et des Solidarités, illustre du reste cette problématique. “Dès qu’une personne âgée dépendante rentre, on se demande quand et comment va-t-elle pouvoir sortir”, y témoigne Anne Dulioust, représentante de la Commission médicale de l’établissement.

Documentaire à visionner ci-dessous :

En transformant une partie du centre de rétention de sûreté en unité de soins longue durée

C’est dans ce contexte que l’établissement envisage de transformer l’un de ses services pour accueillir ces personnes sur du long terme, alors que certains patients restent, de fait, déjà plusieurs années. “Nous avons un centre socio-médico-judiciaire de sûreté d’une dizaine de places qui a accueilli quatorze personnes depuis son ouverture il y a quinze ans. Ce sont des profils qui ont terminé leur peine mais qui sont retenus par les magistrats. Le plus souvent, ces locaux sont inoccupés et il y a actuellement un projet avec l’Agence régionale de Santé et l’administration pour transformer une partie de ce centre en unité de soins de longue durée“, détaille la directrice.

Article actualisé à 15h50

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