Mouvement social | Paris | 14/04/2023
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Manif contre la réforme des retraites à Paris : des cortèges festifs pour tenir dans la durée

Manif contre la réforme des retraites à Paris : des cortèges festifs pour tenir dans la durée

Alors que la mobilisation dans la rue contre la réforme des retraites s’étiole un peu plus chaque semaine, (42 000 personnes selon la police à Paris hier contre 400 000 selon la CGT), les cortèges festifs résistent, aux côtés des étendards des syndicats les plus motivés. Reportage.

L’air un peu perdu sur la rue de Turbigo, Natacha Chetcuti-Osorovitz cherche à rejoindre le cortège, parti de la place de l’Opéra pour rejoindre la Bastille. La sociologue cherche un cortège bien précis : celui du Pink Bloc, groupe LGBT connu pour ses cortèges colorés, son énergie contagieuse et ses slogans décalés. L’universitaire est encartée à la CGT depuis bientôt six ans mais ne se reconnaît pas dans les défilés de son syndicat, qu’elle trouve “un peu plombants”. “Il y a quelque chose de très classique dans leurs chants, et même parfois un peu viriliste. Lors de la dernière manifestation, par exemple, j’ai vu une pancarte qui comparait la réforme à une sodomie… Ce n’est pas l’imaginaire politique dans lequel je me situe”, confesse la quinquagénaire, béret vert sur la tête et grosses lunettes de soleil blanches sur le nez. Il vaut mieux un “exutoire pacifique” qu’un défilé rabougri et sérieux, conclut-elle. “Pour autant, je doute que les gens dans les cortèges soient particulièrement joyeux !”, recadre la maîtresse de conférences.

Faire la fête, faire des rencontres

Antonin, lui, a totalement pris le parti de la fête. Canette de bière à la main, cet étudiant en école de cinéma cherche à rejoindre des amis… qu’il s’est justement fait lors de la première réforme des retraites. “C’est trop bien ! C’est une sortie qui te coûte rien, et où tu parles à tout le monde !”, s’enthousiasme cet Axonais, débarqué à Paris en octobre dernier. Ce qui ne l’empêche pas de réellement partager les revendications du cortège. “Même si les manifs n’étaient pas festives, j’irais quand même”, assure-t-il entre deux nuées de gaz lacrymogène. Après avoir participé à la quasi-totalité des manifestations, Antonin en vient à voir les manifestations festives comme quasiment nécessaires : “Ça n’attire pas les mêmes personnes, donc ça permet de faire venir plus de monde aux manifs !” Même si le risque existe : “C’est vrai qu’on a vite fait de passer pour une bande de fêtards…”

“Massifier la mobilisation”

Plus loin dans le cortège, Éric*, Élisa* et Jeanne* sont catégoriques : “Les manifs festives, ça ne décrédibilise pas grand-chose ! Tant qu’il n’y pas d’injonction à faire la fête, c’est très bien ! Il faut de tout dans une manif”, argumentent les trois profs quinquas, tout en marchant sagement dans la foule.

Même chez les Jeunes Révolutionnaires, une organisation de jeunes se réclamant du maoïsme, on admet avoir besoin de manifestants plus légers. “Les chants, la danse, ça peut permettre de massifier le mouvement, c’est sûr !”, défend Océane*, mégaphone doré à la main. “Mais ce qui change les choses, ça reste les perturbations de l’État et de l’économie ! Les grèves, les dégradations, les blocages…”

Reste que certaines manières de faire la fêter peuvent taper sur le système. “C’est vrai que le répertoire de la CGT est un peu éculé. “Antisocial” de Trust, “On lâche rien” d’HK & les Saltimbanks… C’est toujours un peu la même chose !”, râle Jeanne. “Le plus chiant, c’est quand même la CFTC et leurs vuvuzelas !”, rajoute Éric.

“Le but d’une manif, c’est de faire parler de toi”

Quelques mètres plus bas, la CFE-CGC semble avoir anticipé leurs critiques. Pour la manifestation, le syndicat a convié une batucada. Alors que la colonne de la Bastille se rapproche à grands pas, les percussionnistes ne faiblissent pas, malgré les trois heures de défilé. Vêtu de la chasuble blanche de son syndicat, Olivier se régale des rythmes carnavalesques. “C’est super ! Ça donne un rythme, ça aide à nous accompagner ! Et puis, c’est aussi une manière d’exprimer sa colère. Personnellement, ça fait 32 ans que je travaille, et depuis que j’ai commencé, l’âge de la retraite ne fait que reculer !”, s’énerve ce technicien de maintenance aéronautique, entré chez Air France à ses 20 ans.

Toby, leader de la batucada, confirme. “Le but d’une manif, c’est qu’on parle de toi, de sensibiliser les gens, de mettre tes revendications en lumière. Pour ça, rien de mieux qu’une batucada !”, sourit ce grand chauve baraqué. Le cortège arrive à Bastille, les percussionnistes déposent leurs tambours. Un manifestant les interpelle : “C’était super, j’entends plus rien !”

*Les prénoms suivis d’une astérisque ont été changés.

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