Au sein de l’intercommunalité Est Ensemble, l’économie sociale et solidaire (ESS) représente 9,3% du tissu économique et emploie 12% des actifs. Mais la crise économique interroge structures et collectivités sur l’évolution de ce modèle d’entrepreneuriat.
Réemploi, alimentation durable, construction durable, aménagement d’espaces verts, reconditionnement électro-ménager, service à la personne, sport… les filières de l’ESS sont multiples. “C’est le premier domaine employeur sur Est Ensemble avec 12 000 emplois, soit 12 % de l’emploi privé“, souligne Julie Lefebvre, vice-présidente de l’intercommunalité chargée de l’insertion, à l’occasion d’un forum emploir sur le sujet. Avec plus de 1 300 structures (sur les 3 128 que compte la Seine-Saint-Denis) c’est même le territoire le plus dense de la Métropole du Grand Paris dans ce domaine.
Sous une multiplicité de statuts (de l’association à la coopérative en passant par les mutuelles), les structures de l’ESS contribuent à atteindre les objectifs de politiques publiques, notamment sur l’emploi. “À la différence des acteurs de l’économie classique, l’ESS aborde des dimensions essentielles de l’emploi, jouant un rôle d’expérimentateur de filières qui n’existent pas ou qui sont délaissées par le marché. L’ESS part du postulat que nul n’est inemployable et propose un accompagnement social“, résume Salim Didane, adjoint au maire (PS) de Pantin.
L’ESS riche et l’ESS qui peine à garder à la tête hors de l’eau
Pour autant, près de dix ans après la loi qui a permis de reconnaitre ce mode d’entreprendre et de développement économique, les acteurs de l’ESS font face à d’importantes difficultés. “Quand vous avez des entreprises qui mettent plus le paquet sur l’impact humain et environnemental, ça fait moins de dividendes et c’est moins concurrentiel que certaines entreprises classiques“, pointe Julie Lefebvre.
“On voit que de grosses structures ont périclité, notamment à cause du covid“, relève, pour sa part, Mélissa Youssouf, la vice-présidente du département en charge de l’ESS. Un constat que partage Nabil El Dinari, directeur des Relais solidaires. “On est un secteur très fragile. Il y a l’ESS riche : les mutuelles, les banques, le médico-social. Et il y a nous qui sommes sur le terrain. On lutte tous les ans pour boucler les comptes. Pas mal de structures ont mis la clé sous la porte. Baluchon est en difficulté économique et a dû arrêter l’activité traiteur“, indique-t-il.
Comme les Relais solidaires, les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) se sont spécialisées dans l’insertion professionnelle des publics dits éloignés de l’emploi. “On doit faire face à une concurrence forte, y compris des grandes structures de l’insertion“, observe Aschwin Ramenah, directeur de La Marmite à Bondy et vice-président d’Inseréco 93, association qui fédère les SIAE du 93. “On compte plus de 100 SIAE en Seine-Saint-Denis. Ça représente plus de 300 millions de chiffre d’affaires au global et 5 500 employés en insertion“, détaille-t-il classant cet écosystème parmi les plus importants employeurs du département, au même rang que BNP Paribas ou ADP.
L’immense fragilité des publics éloignés de l’emploi
Pour Aschwin Ramenah, la crise covid n’a pas seulement fragilisé certaines filières comme l’activité traiteur. “Le retour à l’emploi des salariés en insertion après le passage en SIAE reste une difficulté. C’est facile de trouver un travail, même s’il ne suffit pas de traverser la rue, mais c’est plus difficile de le garder parce qu’on a des freins périphériques importants : le logement, le surendettement, la garde d’enfant… En Seine-Saint-Denis, c’est 58 % de sorties positives pour un emploi sans formation. Mais 42 % restent sur le carreau. Une fois que le problème du logement ou de la garde d’enfant est réglé, il faut comprendre qu’on a des personnes qui sont très fragiles : des personnes qui sortent de prison, qui ont des problèmes de santé mentale ou qui sont à la rue“, explique-t-il.
Les collectivités : des partenaires naturels mais au budget limité
De leur côté, les collectivités s’appuient sur les structures de l’ESS pour créer de l’emploi, ces dernières s’inscrivant dans leur politique publique, et participent donc à leur financement. Pantin est ainsi entrée en 2011 au capital du Relais, devenu les Relais solidaires et une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Est Ensemble indique pour sa part consacrer près d’un million d’euros pour accompagner plus d’une cinquantaine de structures depuis 2020 tandis que le département opère via son appel à projets Agir en Seine-Saint-Denis qui a distribué plus de 2,6 millions d’euros pour 382 projets en 2023.
Le département s’est aussi associé à des partenaires de l’ESS pour développer ses agences locales d’insertion (ALI) déployées grâce au budget dégagé par la renationalisation du RSA. A Pantin, ce sont d’ailleurs les Relais solidaires qui porteront l’ALI.
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Mais, les collectivités doivent, elles aussi, faire face à des budgets contraints. “Il va donc falloir trouver d’autres soutiens“, explique Mélissa Youssouf qui appelle à promouvoir davantage le fonctionnement de l’ESS. Nabil El Diniari alerte pour sa part sur “la lourdeur administrative” dans les collectivités. “J’ai entre 65 et 70 interlocuteurs pour les trois collectivités. C’est énorme“, souffle-t-il.
L’éloignement de Paris complique la donne
Un autre enjeu du développement de l’ESS en Seine-Saint-Denis est le rééquilibrage de leur implantation sur le territoire. Est Ensemble et Plaine commune concentrent, en effet, la grande majorité des structures. “Plus on est loin de Paris, plus c’est difficile parce que l’accès aux transports est compliqué. La vie économique des villes de Paris Terre d’Envol ou Grand Paris Grand Est, se sont structurées davantage autour de gros mastodontes comme Kodak à Sevran ou PSA à Aulnay-sous-Bois. Tout l’enjeu est de voir comment, quand l’économie classique lâche, on peut recréer autre chose que ce modèle en s’appuyant sur la manière de faire et de penser de l’ESS“, estime Mélissa Youssouf.
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