D’une réhabilitation, le bailleur social privé Vilogia a fait un projet d’extension de la résidence de la rue du 26 août 1944, à Noisy-le-Grand. Locataires et riverains ne décolèrent pas. Reportage.
Ils étaient plus d’une trentaine, ce lundi 3 juillet, à camper devant la résidence de logements sociaux gérés par Vilogia, au 26-28 rue du 26 août 1944. “Je vais être emmurée vivante“, clame Catherine qui vit depuis 25 ans au rez-de-chaussée, reprenant à son compte les inscriptions de la banderole tendue à l’un des balcons.
“Je vais me retrouver face un mur“
“J’ai trois heures d’ensoleillement par jour et je vais me retrouver face un mur. Ça m’angoisse. Est-ce que je vais perdre mon petit jardin? “, s’interroge-t-elle. Si le projet est mené à bien, elle craint également l’arrivée des nouveaux locataires : “ils auront des logements tout neufs. Ils pourront bien nous narguer depuis leurs terrasses !“, souffle-t-elle. “On ne sait pas ce que vont devenir les locaux de poubelles. Je ne sais pas si je vais garder la fenêtre de ma chambre. On va être les uns sur les autres alors qu’on est déjà nombreux“, pointe de son côté Laura, 30 ans.
Comme ces deux habitantes, la plupart à des locataires et des riverains ont découvert, le 23 mai dernier, un nouveau permis de construire pour l’extension de cette résidence. “On ne comprend pas. Un premier permis avait été annulé et la mairie nous avait assuré que ce projet ne se ferait pas“, pointe Eric Coquerel, un membre actif du collectif d’habitants.
Le bailleur social de droit privé, Vilogia, souaite, pour sa part, étendre la résidence. Pour construire 18 nouveaux logements, qui s’ajouteront aux 85 existants, il envisage de bâtir six blocs de 15 mètres de hauteur environ (cinq niveaux en R+3+attique), dont quatre qui s’avancent sur la promenade qui longe la rue du 26 août 1944.
“Nous ce que l’on veut c’est que Vilogia retire définitivement ce projet et fasse ce qui était prévu au départ : la réhabilitation et la résidentialisation !“, pointe Hayat, qui n’a eu connaissance du projet que depuis peu.
“Tous ces espaces verts vont être supprimés. Des arbres centenaires seront abattus“, signale Yann Marland, autre membre du collectif. “Il y a aujourd’hui un vis-à-vis raisonnable avec des arbres qui masquent, mais imaginez avec ces blocs de trois terrasses en escaliers qui vont nous surplomber !“
“Pour les locataires, c’est une perte d’ensoleillement, certains vont perdre une partie de leurs fenêtres, d’autres leurs jardins… Pour tous, c’est une perte d’intimité“, résume Eric Coquerel qui qualifie de “miradors” les blocs que projette d’ériger Vilogia. “On ne peut pas maltraiter les gens comme ça. Ce type de travaux sont vexatoires et abusifs. Ils ne peuvent pas tenir devant un juge“, veut croire Yann Marland.
Recours gracieux
À l’origine, Vilogia avait seulement prévu de réhabiliter la résidence après l’avoir rachetée en 2018 à l’ancien bailleur démissionnaire, IDF Habitat. Dans un premier temps, les appartements ont, de fait, été rénovés. “Ils ont installé une VMC, ils ont changé les fenêtres, mais il y a beaucoup de malfaçons“, signale William, locataire depuis une dizaine d’années. “Par contre, ils n’ont fait aucun ravalement extérieur alors qu’il était question de refaire l’isolation. Dans le permis de construire, il n’y a pas mention de ces travaux. Donc, on risque de se retrouver avec un coup d’enduit. Or, il y a dans certains appartements de réels problèmes d’insalubrité“, souligne Yann Marland.
Depuis, les habitants découvrent le projet d’extension, “en allant voir les plans en mairie“, poursuit-il. Dans le premier permis de construire, le collectif met au jour une fausse déclaration altimétrique, qui contraint le bailleur à le retirer. “Mais, on se pose la question de leurs intentions tant l’erreur est grossière et, au final, ils ont réussi à densifier encore un peu plus le projet. Pour nous, c’est pour des raisons de rentabilité“, estime-t-il.
Le collectif s’insurge aussi contre les méthodes de Vilogia. “À aucun moment, on ne nous a parlé d’extension, ni on ne nous a consultés”, signale Catherine. “Quand il est venu, l’architecte m’a dit que nous n’aurions pas de choix… En fait si, le choix c’est de partir“, lâche, quant à elle, Lalia.
Pour se faire entendre, riverains des pavillons comme locataires de la résidence ont décidé de faire un recours gracieux auprès de la maire.
Après l’affichage du second permis de construire, le collectif d’habitants a également été manifester lors du conseil municipal du 9 juin. “On a obtenu un rendez-vous avec Pascal Laguilly [ndlr, l’adjoint à la maire (LR) de Noisy-le-Grand chargé de l’urbanisme], qui nous a assuré que la mairie nous accompagnerait pour négocier le retrait du permis“, indique-t-il.
“Je fais en sorte que Vilogia se retire“, confirme l’élu qui comprend les préjudices induits par l’extension de la résidence. “Il y a du sens à faire du logement social, parce qu’il y en a besoin, mais il y a une avancée sur la rue, des destructions d’arbres…“, pointe-t-il. Il concède aussi que “cette construction n’est pas aussi nécessaire que ça, la ville n’étant pas carencée en logements sociaux.”
Pour autant, la mairie ne s’est pas opposée à la deuxième demande de permis de construire de Vilogia “parce qu’il est réglementaire[ndlr, plan local d’urbanisme] et que si l’on refuse, on s’expose à des problématiques de recours“, ajoute l’élu qui confirme qu'”il n’était pas question d’extension au départ“. À titre personnel, il conseille d’ailleurs aux riverains de déposer un recours gracieux.
“On le déposera le 10 juillet, ce qui nous donnera deux mois pour nous organiser“, précise Eric Coquerel en faisant référence à la possibilité de faire un recours contentieux devant le tribunal administratif.
“Ces nouveaux logements ne créeront presque pas de vis-à-vis pour les locataires en place”
“Nous entendons tout à fait la mobilisation des riverains“, fait savoir Vilogia qui répondu par email à nos questions. “Nous avons déjà proposé à une délégation du collectif d’être reçue pour mieux comprendre leurs attentes. Si des ajustements du projet permettent de les satisfaire sans dégrader l’offre de logements conventionnés, nous les déploierons bien sûr.”
Le bailleur confirme par ailleurs que “le projet d’extension a été identifié pendant les travaux de réhabilitation, le traitement des abords [ndlr, ce qui correspond à la “résidentialisation”] ayant soulevé la question de la non-utilisation de ces espaces verts. En conséquence, les circulations extérieures (cages d’escaliers extérieures, coursives, etc), le parking extérieur et le ravalement n’ont pas été rénovés : ces interventions doivent avoir lieu à l’issue du projet d’extension (pour ne pas être dégradées pendant les travaux), indique-t-il.
100 000 ménages en attente d elogement social en Seine-Saint-Denis
Pour justifier son projet, Vilogia signale que “plus de 100 000 ménages sont en attente pour le seul département de Seine-Saint-Denis [700 000 en Ile-de-France, précise-t-elle]. Par ailleurs, ce terrain, aujourd’hui disponible, permet de construire ces logements sans avoir à supporter de charge foncière (acquisition d’un terrain), donc de proposer une offre résidentielle à loyers modérés financièrement équilibrée.“
Sur le projet architectural, Vilogia récuse les préjudices dénoncés par les locataires et les riverains. Il “est conçu “en terrasses”, c’est-à-dire avec des hauteurs très progressives depuis la rue, précisément pour ne pas causer de perte d’ensoleillement aux riverains. Les nuisances liées au chantier (sonores, stationnement, etc.) ont été intégrées au Plan d’Installation de Chantier, conçu pour minimiser autant que possible l’impact pour les riverains. Ces nouveaux logements conventionnés seront répartis sur quatre plots, dans le prolongement des bâtiments existants, et ne créeront presque pas de vis-à-vis pour les locataires en place.“
Par contre, ajoute Vilogia, “il est exact que les espaces verts, aujourd’hui existants mais inutilisés par les résidents, seront supprimés, ce qui permettra néanmoins de réduire les charges des locataires en place. À notre connaissance, aucun arbre remarquable n’a été identifié sur ce site. Tous les arbres seront remplacés par d’autres arbres de haute tige à l’issue du projet d’extension, conformément au coefficient de biotope exigé par le PLU [ndlr, plan local d’urbanisme].”
Quant aux travaux de réhabilitation, le bailleur assure que “les réclamations sont traitées quotidiennement par l’agence de gestion locative Vilogia.“
Loin de se décourager, les riverains ont lancé une pétition pour demander le retrait du permis de construire qui a recueilli 140 signatures à ce jour. De son côté, la mairie a par ailleurs demandé à Vilogia de “dédensifier” le projet et lui a proposé un projet alternatif dans le cadre d’un autre programme immobilier pour qu’il retire son permis de construire. Une nouvelle réunion avec les habitants doit avoir lieu dans quelquesjours.
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