Ce jeudi 11 mai, la mairie du XIᵉ arrondissement présentait les premières phases du projet visant à transformer l’axe Bastille-Stalingrad en promenade favorisant les mobilités douces (vélos, piétons). Les premiers travaux, prévus pour commencer cette année, débuteront par les boulevards Richard Lenoir et Jules Ferry. Une mutation qui inquiète en particulier les commerçants.
C’est un des grands projets du second mandat d’Anne Hidalgo : créer une grande promenade de l’Est parisien le long des parties enterrée et déterrée du canal Saint-Martin, de la place de la Bastille (XIᵉ arrondissement), à la place Stalingrad (Paris XIXème). Cet axe de 3,7 km, essentiel pour relier le Nord-est parisien au centre de la capitale, devrait d’ici 2026 devenir une grande “vélo-rue”, où la priorité reviendrait aux cyclistes.
Selon Sarah Ananou, une des architectes de la mairie de Paris en charge du projet, l’axe Bastille-Stalingrad remplit les critères qui permettront la réussite de sa transformation, notamment en ce qu’il est déjà emprunté par plus de 5000 vélos chaque jour – dont 1500 à l’heure de pointe du matin. En outre, la réduction de la motorisation y a déjà quelque peu commencé, puisque quelques centaines de mètres plus haut, les quais de Jemmapes et de Valmy (Xᵉ arrondissement), sont déjà partiellement piétonnisés depuis juin 2020. Côté XIᵉ arrondissement, l’expérimentation est déjà en cours depuis l’été 2022, avec une piétonnisation partielle du boulevard RIchard Lenoir les jeudi et dimanche, jours de marché.
Sens unique pour les voitures
Si l’axe est déjà doté de pistes cyclables dans ses deux sens de circulation, celles-ci sont jugées “anciennes et peu confortables” par David Belliard, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transformation de l’espace public. Construites au début des années 2000, celles-ci sont relativement étroites, rendant tout dépassement difficile et laissant les vélocistes vulnérables aux ouvertures de portières ou aux traversées piétonnes impromptues. Pour y remédier, les élus souhaitent instaurer des pistes cyclables à double sens, contre une circulation à sens unique et limitée au trafic local pour les véhicules motorisés.
Actuellement larges d’1m50, les pistes cyclables seraient supprimées pour laisser place à une route à circulation partagée large de 5m, où la priorité reviendrait aux vélos. Les espaces de stationnement de tous types (places de livraison, de parking, stationnement Vélib…) garderaient un espace de 2m, situé à côté de cette route. De part et d’autres, les piétons bénéficieront quant à eux d’espaces de 3 et 2m, en plus du terre-plein central, déjà existant et bientôt rénové, large de 25m. 4000m2 d’espaces végétalisés seront aussi ajoutés de chaque côté du terre-plein. Les travaux doivent débuter en 2023, selon François Vauglin, maire du XIᵉ arrondissement.
Les commerçants inquiets
Dans la salle des fêtes de la mairie, les sièges sont largement occupés par des opposants au projet, très remontés. Alors que la présentation laisse la place aux questions du public, les réactions fusent. De nombreux commerçants du quartier sont notamment inquiets des retombées des travaux sur les affaires. “On a subi des manifestations et des grèves, vous piétonnisez déjà deux fois par semaine… Chaque mois, c’est un cauchemar pour payer nos employés. C’est la mise à mort de nos commerces que vous nous proposez ? Je veux une réponse !” lance le propriétaire d’un magasin d’accessoire de deux-roues proche de la place de la Bastille, très remonté. Au cœur de leurs préoccupations, l’avenir des places de livraison, qui pourraient empêcher leurs potentiels clients de venir en voiture. “Tous les aménagements que nous faisons se soldent par une création nette d’espaces de livraison. Cela fait partie de notre politique de soutien à l’artisanat”, se défend François Vauglin, assisté par David Belliard, qui met en avant l’“objectif global de créer 1000 places de livraison sur la mandature”.
Un argument qui ne fait pas mouche. “Oui, je vais pouvoir me faire livrer, mais mes clients ne viendront plus, parce que ça leur prendra une heure de venir !”, charge un autre commerçant. “C’est peut-être contre-intuitif, mais je vous assure que l’on roule mieux sur le boulevard Voltaire et l’Avenue de la République depuis que nous sommes passés de deux à une file”, assure François Vauglin.
Ras-le-bol des nuisances
Autre point chaud de la rencontre : les nuisances en tous genres observées le long de l’axe dans le XIe arrondissement. Parmi la trentaine de questions posées, de nombreuses expriment la crainte que l’augmentation des espaces végétalisés n’entraîne davantage de déprédations. Selon les riverains, les terre-pleins sont déjà le théâtre de vente et de consommation de drogues, accompagnés de tapages en tous genres, quand bien même ces parcs sont avant tout conçus pour les enfants. D’autant plus que le projet prévoit la suppression des clôtures, ce qui pourrait faciliter les nuisances, craignent les riverains. “Plus on mettra d’usages favorisant les familles, plus nous aurons des espaces accessibles à tous, ce qui permettra de diminuer les mésusages”, tempère Florent Hubert, adjointe au maire du XIe en charge des espaces verts.
“Le projet peut être amendé, bien sûr, mais les grands principes vont rester ! C’est notre grand projet, on a été élus là-dessus – et pas si mal d’ailleurs”, glisse le maire. “Je vous donne rendez-vous à la livraison !”
Deux précisions.
Les vélocistes ne sont pas des cyclistes mais des vendeurs et/ou réparateurs de vélos.
Et les pistes cyclables entre Bastille et Stalingrad n’ont pas été construites au début des années 2000, mais en 1997.
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