À la cité internationale universitaire de Paris, les étudiants étrangers témoignent de leur “sentiment d’incertitude” après le vote cette semaine de la loi sur l’immigration qui instaure notamment une caution pour pouvoir faire des études dans l’Hexagone.
Si cette loi avait déjà existé quand il a choisi de venir étudier en France, “je pense que je serais ailleurs, dans un autre pays”, confie Micherael Shadly Lapommeray, étudiant haïtien en master de droit public, croisé jeudi sur le campus, qui accueille chaque année 12 000 étudiants, chercheurs et artistes de 150 nationalités.
“La France m’avait attiré en raison de la liberté de la recherche. On se sent en sécurité quand on étudie ici. À travers la loi Darmanin, c’est nettement différent”, regrette-t-il, tenant à la main l’un des tracts anti-loi distribués au sortir du restaurant universitaire par d’autres étudiants. Pour lui, cette loi représente d’abord un “sentiment d’incertitude”.
“À présent, je pense que je m’orienterai vers d’autres pays pour faire ma recherche”, projette l’étudiant de 31 ans.
La loi sur l’immigration adoptée au forceps mardi par le Parlement prévoit notamment l’obligation d’une caution à déposer par les étrangers extracommunautaires demandant un titre de séjour “étudiant”, visant à couvrir le coût d’éventuels “frais d’éloignement”. Une mesure obtenue par la droite et accompagnée de possibilités d’exemption qui n’est “pas une bonne idée”, a toutefois estimé mercredi le président Emmanuel Macron.
Au lendemain de l’adoption du texte, la Première ministre, Elisabeth Borne, n’a pas exclu de “revenir” sur ce point. Elle avait précisé que la caution ne pourrait être que symbolique, de l’ordre “de 10 ou 20 euros”.
Pour Nasrellah, étudiant algérien en master de santé publique, le durcissement des mesures d’accueil des étudiants étrangers est un coup de pression supplémentaire. En France depuis la rentrée, son visa a expiré et il attend, inquiet, sa carte de séjour.
“J’ai choisi la France pour ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité“
“Ça m’empêche de me concentrer sur les études, surtout maintenant que les conditions de séjour tendent à être durcies”, dit-il.
“J’ai choisi la France parce qu’on a ce rapprochement linguistique avec elle, pour la qualité des études, sa solidarité avec les étrangers et surtout la possibilité pour les étudiants de faire des stages et de travailler“, justifie l’étudiant de 27 ans qui a refusé de donner son patronyme.
Ce regret est partagé par Yanqing Ma, étudiante chinoise, thésarde en philosophie : “J’ai choisi la France pour ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Mais cette loi immigration s’oppose à ces valeurs”, estime l’étudiante de 28 ans d’une petite voix.
Ibi Merlo, étudiante argentine de 25 ans, est aussi “profondément inquiète”. “Pour les étrangers, c’est déjà difficile de payer les frais d’inscription universitaire. On travaille et étudie en même temps. Avec cette loi, on a peur que ça ne devienne impossible” d’étudier dans l’Hexagone, dit l’étudiant en première année de master en sciences du langage.
La caution : prime aux riches ?
Avec l’instauration d’une caution, “la France ne va plus attirer les étudiants qui ont un excellent niveau académique, mais seulement ceux qui sont riches”, remarque aussi l’étudiant algérien Nasrellah.
Une crainte qui fait écho à celle exprimée cette semaine par les présidents d’une soixantaine de grandes universités publiques, qui se sont insurgés contre des mesures “indignes de notre pays”, contraires à “l’esprit des Lumières” et qui “nuisent à l’ambition” de l’enseignement supérieur.
Paris s’est fixé comme objectif d’atteindre les 500 000 étudiants étrangers en 2027. Pour l’année 2022-2023, Campus France, l’établissement public chargé de promouvoir l’enseignement supérieur tricolore à l’étranger, en comptabilise 402 833. Selon Campus France, les étudiants internationaux représentent un apport économique net de “1,35 milliard d’euros à l’économie française”.
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