Alors que le quartier Gley-Championnet souffre de sa densité et de son manque d’espace verts, les habitants planchent sur son avenir aux côtés de la mairie de Paris. Reportage.
Dans le petit parc de la rue des Poissonniers, au bord des voies de la Gare du Nord, un conteneur rouge abrite une ludothèque. Aujourd’hui, il accueille un grand jeu collectif auquel tous les habitants du quartier sont conviés : donner ses impressions sur le quartier Gley-Championnet, morceau du XVIIIe arrondissement, grand d’environ trois kilomètres carrés.
La zone, encore marquée par le passé industriel de la capitale, reste relativement enclavée. À l’ouest, elle est bordée par la butte Montmartre. À l’est, les voies de la Gare du Nord la coupent du quartier de La Chapelle. Au nord, le boulevard périphérique limite ses liens avec la commune de Saint-Ouen. En son sein, l’espace est notamment occupé par la caserne Gley, ancienne boulangerie militaire reconvertie en centre d’hébergement d’urgence. Les “Ateliers Championnet” de la RATP, plus grand parking de bus de la capitale, y occupent également huit hectares. Le site est promis à une restructuration d’ici à 2027, et devrait être en partie reconverti en bureaux et logements.
“Aller là où il y a du monde”
Sur les parois du conteneur et des tables pliantes disposées tout autour, Marie et Solène, urbanistes en charge de la concertation, ont disposé de grands cartons. Les participants sont invités à y inscrire leurs réponses à une série de questions. Ainsi, sur une grande photo satellite du quartier, les habitants désignent les espaces du secteur qu’ils trouvent les plus “beau[x], stressant[s], calme[s], confortable[s], ennuyeux”. Ils y tracent également leurs trajets les plus réguliers, avec une couleur différente en fonction du mode de transport.
Depuis plusieurs semaines, Ville Ouverte, l’agence d’urbanisme en charge de la concertation, enchaîne les “micro-trottoirs” et les actions de sensibilisation pour recueillir les avis du quartier. “L’idée, c’est d’aller là où il y a du monde”, explique Marie. “Si on attend que le public vienne à nous, on risque de n’avoir affaire qu’à des personnes âgées, ou des personnes qui parlent le langage des urbanistes et des architectes. C’est important d’être attentif à ça, surtout dans ce quartier où il y a une population défavorisée, avec des personnes qui maîtrisent peu le français”, observe la jeune femme, tout en se protégeant du soleil.
“Délaissée, bruyante, sale, et même mal fréquentée“
Venu emmener ses enfants au parc, Emmanuel, 48 ans, se concentre et répond méthodiquement à chaque question posée sur les écriteaux. À part pour accompagner ses deux petits de 3 et 10 ans à l’école, son trajet le plus régulier dans le secteur… est celui pour en sortir.
“Cette partie-là du XVIIIe est un peu plus délaissée, bruyante, sale, et même mal fréquentée. On s’y sent moins en sécurité”, commente-t-il. “Je préfère traverser le boulevard Ornano pour aller vers la mairie. La vie de quartier est meilleure, les commerces sont plus sympas… Ce quartier manque aussi beaucoup d’espaces verts. Ici, c’est un des rares parcs du quartier”, balaye de la main cet habitant. Attiré par le prix des loyers et la proximité avec la gare de l’Est, où il travaille en tant qu’agent SNCF, il loge ici depuis 15 ans. Et pour cause : selon l’Atelier Parisien d’Urbanisme (Apur), le XVIIIe ne dispose d’environ qu’un seul mètre carré par habitant.
“Il faut aller dans les autres quartiers pour aller jouer”
Derrière le quarantenaire, trois collégiennes planchent sur une autre question : “Parmi ces images, laquelle vous évoque le quartier” ? Sans hésitation, les filles pointent la photo d’un match de basket. “Il y a un club juste derrière !“. Il s’agit du Championnet Sports, club historique du quartier. Mais l’une d’entre elles préfèrerait jouer au foot. Problème : le club ne dispose que de peu d’équipes féminines. Seules les joueuses de moins de 11, 14 et 15 ans y sont représentées. “Il faut aller dans les autres quartiers pour aller jouer”, déplore l’une d’entre elles, aux cheveux plaqués en un chignon serré. Les trois copines s’accordent sur le manque d’activités. Elles regrettent la fermeture prochaine de Cultures sur cour, association de quartier qui s’impliquait dans les animations pour les jeunes.
“Une esplanade, ça va être magnifique”
À en croire Solène et Marie, ces plaintes font écho à celles du reste des habitants. Jusqu’ici, Ville Ouverte a recueilli plus d’une soixantaine d’impressions. “Les trois éléments qui reviennent le plus, ce sont le manque d’espaces verts, le manque de lieux de vie pour les jeunes, ainsi que le manque d’équipements publics, du type bancs publics, toilettes, points d’eau…”, énumère Marie.
Toutefois, la concertation ne fait pas seulement office de bureau des plaintes. C’est aussi l’occasion de formuler ses vœux pour l’avenir du quartier. Taoufik, 40 ans, imagine “une esplanade au-dessus des voies de la Gare du Nord, un espace de partage où cohabiteraient piétons et cyclistes“. “On pourrait mettre des cafés, des restaurants, des espaces pour jouer à la pétanque… Ça va être magnifique”, rêve-t-il à voix haute. Ses souhaits seront-ils exaucés ? À la rentrée, la phase de diagnostic laissera place à la présentation des schémas d’orientation. Ils exposeront les différentes évolutions possibles pour le quartier.
À lire aussi :
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.