Un livre, un documentaire et bientôt un film… La méthode d’implication des parents du prof de Drancy, Jérémie Fontanieu, est désormais partagée par plusieurs centaines d’enseignants en France.
Faire de la place aux parents, voilà le mantra de Jérémie Fontanieu, professeur de sciences économiques et sociales au lycée Eugène Delacroix de Drancy depuis 2012. Un principe de “co-éducation” qui suscite de plus en plus d’intérêt.
Le ton est donné dès la rentrée scolaire. Chaque semaine, un bilan est envoyé par sms aux parents. Un oubli de matériel, un comportement inadéquat, une leçon non apprise… autant de petits détails à ne pas laisser passer dès le départ, pour aider les élèves à ne pas décrocher. Et pour cela, les parents sont de précieux alliés. “Ce sont des choses qui ont l’air d’aller de soi. La méthode n’a rien de très original“, reconnait l’enseignant. Mais cela va mieux en disant. Plutôt que de laisser s’accumuler des griefs, le point est fait en temps réel, succinctement. Un moyen aussi pour les parents de partager des difficultés.
“Les autres années, mon travail était généralement bon mais (…) j’étais un peu insolent. Qu’on le dise à papa et maman, ça me fait peur, du coup, je prends mes précautions.” “J’ai l’impression qu’il y a ma mère dans la classe qui me regarde. C’est hyper relou parce qu’on ne peut pas parler.” Tel est le ressenti des élèves, livré dans le documentaire “Réconciliation : le collectif”, consacré à la méthode mise au point par Jérémie Fontanieu.
Après l’avoir expérimentée à tâtons depuis dix ans, avec David Benoit, un ancien collègue de mathématiques, le prof a décidé de partager. En 2021, ils étaient une dizaine d’enseignants de tous niveaux confondus à l’appliquer. Cette rentrée, ils sont 200 à se rassembler au sein du collectif Projet Réconciliations. “Mais chacun s’approprie les outils élaborés à Drancy“, souligne Jérémie Fontanieu.
“On veut que les parents soient au courant“
“Le cœur de la méthode, c’est de contourner l’obstacle : on a tous été des adolescents avec ce manque de bonne volonté et de confiance en soi, cette flemme… On peut tous, professeurs et élèves, être très vite submergés par un sentiment d’impuissance. C’est là qu’interviennent les parents, dont on sous-estime beaucoup trop l’influence qu’ils ont sur leurs enfants et le respect que ceux-ci ont pour eux“, défend l’enseignant.
“T’as reçu le message ?“
Ce lien, construit dès le début avec les parents, est essentiel à ses yeux. “On veut que les parents soient au courant de ce que l’on fait en classe“, souligne-t-il. “C’est la première fois que je vois ça“, témoigne un père dans le documentaire. “Il y a toujours les rendez-vous à la fin de l’année, c’est là que le professeur et les parents disent tout (…). Ça crée un peu des incompréhensions. Si j’ai déjà [des informations], le jour du rendez-vous, il n’y aura pas beaucoup de choses à dire“, relate un autre. Même les élèves sont emballés. “Quand Amine rentrait, c’était tout de suite : t’as reçu le message ? Ils sont impatients de savoir ce que la maitresse a dit d’eux“, raconte une autre maman.
Au-delà de la relation avec les parents, la méthode passe aussi par des contrôles sous forme de QCM (questionnaire à choix multiple) chaque semaine, pour obliger à réviser ses leçons de manière régulière, et des sanctions disciplinaires au moindre écart. Mais, tous les professeurs n’ont pas recours à ce type d’évaluation et adapte la méthode leur façon, le fil conducteur restant “l’alliance avec les familles“.
“En fait, le jour où on a rendez-vous avec les parents, c’est pratiquement pour se faire des câlins“, plaisante Jérémie Fontanieu, même s’il assume se montrer très exigeant, voire pointilleux sur les détails, ne laissant passer ni les retards, ni le manque de travail à la maison.
“On ressent un gain de temps“
Ces envois de SMS ne risquent-ils pas d’alourdir encore la charge de travail des enseignants ? “Il y a une grosse préparation en amont et durant les premières semaines, mais c’est largement compensé par la suite. On ressent le gain de temps très vite après“, répond le professeur qui a, cette rentrée 2023, pas moins de 230 élèves entre ses différentes classes. “Avec tout un tas d’astuces, il est possible de s’organiser pour que ça ne prenne qu’une bonne demi-heure par semaine“, indique-t-il.
“Contre cette violence sociale, les enseignants ont peu de solutions“
La méthode “Réconciliations” vise aussi à instaurer une autre relation de l’enseignant à ses élèves et à déjouer les injustices du système en fonction de l’origine sociale des élèves et la “violence sociale” qui en découle. “Il n’y a rien de nouveau. Contre cette violence, les enseignants ont peu de solutions : ils se battent dans des syndicats, ils s’investissent dans des projets pédagogiques pour oublier tout ce contexte. On serre les dents pour faire avancer nos élèves.” Une violence qui n’épargne pas les enseignants eux-mêmes, victimes de déconsidération “même au coin de la rue”. Au-delà d’une victoire sur l’apprentissage, qui permet au prof de revendiquer des taux de réussite de 100% au bac, il s’agit aussi de mieux faire société.
Pour aller plus loin :
Documentaire sur la méthode
À lire : “Un professeur à Drancy” de Jérémie Fontanieu (ed. Les liens qui libèrent), paru en 2022.
Un film a également été réalisé à Drancy et devrait sortir au cinéma l’année prochaine.
Contact: projet.reconciliations@gmail.com
BRAVO BRAVO et BRAVO. J’ai acheté le livre et l’ai dévoré d’une traite! L’idée d’impliquer les parents est formidable, et on obtient des résultats spectaculaires.
Génial, merci!
Vivement le film !!!
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