Les 4 et 5 avril dernier, l’ensemble des infirmières de l’hôpital de jour de Gustave Roussy de Villejuif, grand centre de lutte contre le cancer, ont fait grève pour dénoncer de la désorganisation et une surcharge de travail liée à une insuffisance de personnel. En cause, d’énormes difficultés de recrutement dans leur fonction, explique la direction.
Chaque jour, 130 personnes sont accueillies à l’institut Gustave Roussy, à Villejuif et à Chevilly-Larue, pour recevoir un traitement. Mais le nombre de patients par agent pris en charge par infirmière est devenu trop important selon ces dernières. “Aujourd’hui, en moyenne, une infirmière est responsable d’une douzaine de patients simultanément, c’est très compliqué. Il faut s’occuper convenablement de la personne, poser des aiguilles, des cathéters, appliquer des protocoles expérimentaux, gérer des malaises, des déprogrammations. Pour gagner en flexibilité, il nous faudrait descendre à 8 patients par professionnel“, estime une agente de l’hôpital de jour. Elle regrette la suppression des infirmières de régulations qui permettaient autrefois d’intervenir en cas de besoin. “La conséquence de cette organisation de travail dégradée, c’est que les infirmières sont surmenées et ne peuvent pas accorder de temps et d’attention à des patients en demande. Les retards se cumulent, les journées qui doivent terminer à 18 heures se prolongent jusqu’à 20 heures. Nous n’en pouvons plus”, ajoute Ludivine Thiel, déléguée CGT.
Deux jours de grève sans préavis pour exiger plus de personnel
Depuis plus d’un an, les soignants et leurs représentants syndicaux indiquent avoir alerté sur cette situation. Ce lundi 3 avril au soir, après une nouvelle journée saturée, les infirmières ont décidé une grève de deux jours. Gustave Roussy étant un hôpital privé, il n’y a, en effet, pas de préavis de 5 jours. La direction a envoyé des assignations mais personne n’y a répondu. “Nous partageons le constat sur la nécessité d’ajouter des effectifs mais, durant ces deux jours, nous n’avons pu dispenser le moindre traitement à l’hôpital de jour. Même l’organisation d’un service minimum s’est avérée impossible“, regrette Sylvain Ducroz, le directeur général adjoint.
Des difficultés de recrutement qui pèsent aussi sur la pharmacie
Autre grief des infirmières, une coordination erratique avec la pharmacie qui prépare les traitements à administrer dont les chimiothérapies. “Nous avons des patients qui arrivent dès 7 heures mais le robot de préparation n’ouvre qu’à partir de 8h30, les premiers traitements démarrent une heure plus tard. Tout cela créé des décalages. Les patients doivent attendre. Quand c’est une chimio stable, nous pouvons l’injecter n’importe quand mais quand elle est instable, il ne faut pas traîner”, témoigne une autre infirmière. Stéphanie Dos Santos, préparatrice en pharmacie et secrétaire de la CGT à l’IGR, dénonce un manque de personnel et un recrutement à un niveau insuffisant, misant sur des techniciens en pharmacie et cosmétique industrielle, une certification professionnelle d’un an correspondant à Bac+1. “Même chez L’Oréal, ils ont des exigences plus élevées. Ils ne sont pas formés au fonctionnement des molécules, aux combinaisons. Nous avons tous encore en tête le décès d’un enfant en 2019 à cause d’un mauvais dosage. J’ai exercé plusieurs droits d’alerte sur le sujet“, déplore la déléguée syndicale. Sur ce point, le directeur général adjoint s’explique. “Comme tous les autres hôpitaux parisiens, nous avons du mal à recruter. Nous ne trouvons plus de préparateurs en pharmacie hospitalière alors nous nous réorganisons. Il y a les préparateurs en pharmacie et les techniciens, ils ne font pas les mêmes tâches“, rassure-t-il.
“En septembre 2022, nous étions à 20% de postes infirmiers vacants, aujourd’hui, nous approchons les 15%“
Depuis la fin de la grève, une rencontre a eu lien avec la direction et des recrutements ont été annoncés pour diminuer le nombre de patients par soignant et travailler sur de nouveaux horaires afin de gagner en flexibilité. “Il n’y avait pas de revendications salariales, preuve que nous avons fait le nécessaire pour rester attractifs. Il n’empêche que les difficultés de recrutement sont encore fortes. Nous revenons de loin. En septembre 2022, nous étions à 20% de postes infirmiers vacants, aujourd’hui, nous approchons les 15%, ça remonte lentement”, témoigne Sylvain Ducroz.
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