Nouvel espace de repos, présence policière permanente, montée en puissance des dispositifs d’accompagnement… Pour éradiquer trafic et consommation de crack, l’État, les forces de police, le parquet et la mairie de Paris s’organisent.
“Je ne laisserai jamais dire dans n’importe quel média que l’État est défaillant“, s’emporte Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris, visiblement agacé par la question d’une journaliste sur le mécontentement des riverains, à l’occasion d’une conférence de presse il y a quelques jours. “Vous trouverez toujours un narratif pour démolir ce qu’on fait“, dénonce-t-il, sans nier la présence de consommateurs qui subsistent sur la voie publique. “Mais regardez la situation il y a un an, elle a significativement évolué.”
“Le combat semble sans fin, mais les habitants ne doivent pas désespérer”, estime, de son côté Laure Beccuau, la procureure de Paris.
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“La consommation de crack est en expansion“
Depuis le démantèlement du camp de toxicomanes sur le square Forceval, porte de la Villette (18ème arrondissement), en lisière de Pantin et d’Aubervilliers, la consommation de crack est devenue moins visible, sans disparaître pour autant. “Il y a une très grande inquiétude des riverains parce qu’il y a des consommateurs et des trafics dans la rue, et pour certains, la crainte que ça revienne de manière massive“, observe Nicolas Norman, adjoint à la maire de Paris en charge de la prévention, de l’aide aux victimes, de la sécurité et de la police municipale, tout en reconnaissant l’amélioration de la situation.
Selon la préfecture de police, ils seraient 100 à 150 consommateurs très mobiles, alors que l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France parle de 1 000 à 1 200 personnes prises en charges par ses dispositifs médico-sociaux. “La consommation de crack est en expansion, c’est difficile à mesurer et c’est aussi pour ça qu’on a cette impression, parfois, de combat sans fin“, souligne d’ailleurs Amélie Verdier, sa directrice générale.
Le problème se concentre surtout dans le 18ème arrondissement, autour de la place de la Chapelle et du boulevard Ney. Il y a également certains désagréments dans le 19ème arrondissement, notamment autour de la place Stalingrad, ainsi dans le 10ème et 20ème arrondissement, dans une moindre mesure.
Présence policière permanente
Si Laurent Nuñez affirme que l’objectif de “mettre un terme aux lieux de consommation à ciel ouvert” a été atteint, il concède que “le bilan est positif, mais pas suffisant“. Entre 100 et 600 effectifs de police sont déployés chaque jour en fonction des disponibilités, “pour disperser, voire interpeller les consommateurs de crack“, rapporte-t-il.
Depuis l’évacuation du campement de Forceval, 75 000 évictions ont été réalisées sur la voie publique. “Nous déstabilisons le trafic de crack“, se félicite le préfet de police de Paris. Pour l’année 2023, 255 trafiquants ont été interpellés à ce jour, contre 285 en 2022.
“Prendre en charge sanitairement et socialement”
De son côté, Laure Beccuau fait état de 338 consommateurs poursuivis en 2022, dont 274 ont été déférés. Le plus souvent, ils se voient notifier une obligation de soins qui peut être étendue jusqu’à 24 mois. En 2023, 136 consommateurs ont été déférés sur 187 poursuivis à ce jour. Concernant les trafiquants, 190 personnes ont fait l’objet d’une comparution immédiate sur 221 déférés à ce jour en 2023. “Rien que pour le 1ᵉʳ semestre 2023, le parquet a déféré 367 personnes toutes causes confondues, soit 14 par semaine et deux par jour“, signale la procureure de Paris.
Si les résultats de l’action judiciaire et policière sont bien là, “la solution durable, c’est d’être en capacité de prendre en charge les personnes d’un point de vue sanitaire et social“, convient Laurent Nuñez.
610 place d’hébergement accompagné à la rentrée
“L’addiction au crack est un problème sanitaire majeur parce que c’est une drogue terriblement nocive. Elle est rapide, durable et très vite désocialisante. Elle a des impacts au niveau psychiatrique complexes et le sevrage en est délicat et long parce qu’il n’existe pas de produit de substitution“, rappelle Laure Beccuau.
“Le premier pas, c’est la sortie de la consommation de rue“, résume Amélie Verdier. Premier point de passage, l’espace d’accueil, géré par l’association Aurore du boulevard Ney, vient d’être réaménagé. Il voit passer 150 personnes par jour, dont une trentaine de femmes, depuis le 7 juin (soit plus de 2 500 en un mois). “Nous travaillons pour élargir dès la rentrée les horaires d’ouverture du site pour qu’il puisse ouvrir de 8h00 à 20h00“, précise Marc Guillaume, le préfet de la région Île-de-France.
Or, selon la directrice de l’ARS, une personne identifiée sur deux qui passe par ce centre bénéficie aujourd’hui d’une solution d’hébergement accompagné, grâce au programme Assore. Concrètement, ce dispositif médico-social offre depuis 2018 un accompagnement et un hébergement complet dans des places d’hôtel, plusieurs fois par semaine, de manière inconditionnelle et personnalisée. De 200 places à son lancement, la capacité d’hébergement va être portée à 610 places à la rentrée grâce à des crédits du ministère de la Santé. À ce jour, 580 places sont disponibles.
50 lits d’hôpital
“Mais les parcours de soins pour un usager de crack précaire sont longs. Il y a très souvent aller-retour avec des tentatives, des échecs“, pointe Amélie Verdier. Un parcours peut durer de un à deux ans.
En dehors des équipes mobiles de soins qui interviennent dans les services d’urgence, le dispositif d’accompagnement médical compte cinq sites d’hospitalisation complète ou ambulatoire. Celui-ci va passer de 39 lits à 50 en septembre.
Depuis le 5 juin, l’ARS Île-de-France a lancé à titre expérimental un dispositif de “sas” pour “mieux caractériser la situation des personnes”. L’objectif est d’aider au diagnostic et à la définition du parcours de soins. Ce dispositif est mené avec le GHU Paris psychiatrie & neurosciences, pour prendre en observation clinique les patients entre 3 et 10 jours. Ils vérifient “ce qui se passe une fois que les effets du produit [le crack] disparaissent complètement.” Pour l’instant, un seul lit est disponible, mais trois seront ouverts en septembre. Quatre orientations effectives ont été réalisées dans ce cadre.
Enfin, le ministre de la Santé a mandaté l’ARS Île-de-France pour piloter des dispositifs de sevrage en province. En six mois, 52 consommateurs orientés par le programme Assore et par des services hospitaliers, ont été admis sur la base du volontariat.
En revanche, l’ouverture d’une nouvelle halte de soin addiction (salle de consommation) n’est pas envisagée.
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