Faire sa première manif, et finir en prison. C’est ce qui est arrivé à Sébastien, Joinvillais de 21 ans, et Pierre, Saint-Maurien de 23 ans, après une interpellation musclée. Les deux ont passé quatre jours en détention avant leur comparution ce lundi.
Jeudi 23 mars, entre la place de la Bastille et l’Opéra, Pierre et Sébastien font partie des centaines de milliers de personnes (800 000 selon la CGT, 119 000 selon le ministère de l’Intérieur) venues exprimer leur refus de la réforme des retraites. Ils sont avec cinq de leurs amis. Parmi le groupe de potes, Rachel, jeune étudiante infirmière, est une habituée des cortèges. “C’est moi qui ai lancé l’idée, je me sens coupable…”, se languit-elle ce lundi, alors que les magistrats délibèrent. Les deux compères, eux, sont des novices. “Sur les violences policières, Sébastien était très neutre. La preuve, à un moment, il avait même voulu faire l’armée ! Il avait dit qu’il allait à la manif pour voir qui tapait en premier“, commente Rachel.
[La photo de une montre la bande d’amis à la sortie du tribunal]
Jet de bouteille contre un fourgon de police contre matraquage au sol
L’après-midi tire à sa fin lorsque le groupe se sépare, emporté par la foule. Rachel, Sébastien et Pierre restent ensemble, jusqu’à se retrouver bloqués sur la place de l’Opéra. Dans la nasse, une bombe lacrymogène explose à “cinq centimètres” du pied de Rachel. “J’ai ressenti une douleur intense au pied et j’étais assourdie”, raconte-t-elle.
La suite, ce sont Sébastien et Pierre qui la racontent lors de leur audience. “Après que Rachel a reçu la lacrymo, nous avons essayé de fuir. Nous étions entourés de policiers. Au bout d’une heure, on voit un premier convoi de fourgons de policiers partir, suivi d’un second. J’étais alcoolisé, et dans la cohue générale, j’ai lancé une bouteille contre un des camions, sans avoir l’intention de faire mal”, raconte Pierre à la barre. Les policiers, qui affirment dans leur procès-verbal avoir vu deux personnes leur lancer des bouteilles, procèdent alors à l’interpellation. “J’ai vu des policiers qui s’apprêtaient à matraquer Rachel, j’ai eu peur, alors je me suis interposé, et je les ai insultés. Ils m’ont alors donné des coups de matraque, puis mis au sol, tout en continuant de me donner des coups de pied et de matraque”, témoigne Sébastien. Dans leur PV, les policiers rapportent l’insulte suivante : “Tu la touches, je t’encule, fils de pute !”
Plaqué au sol, Pierre perd ses lunettes et demande à les récupérer. Un des policiers lui répond : “Ces lunettes-là ?”, avant de les écraser avec son pied, rapporte le jeune Saint-Maurien, technicien de maintenance. Comme Sébastien, il reçoit lui aussi des coups, et, plusieurs jours après son interpellation, une grande ecchymose colore encore une bonne partie de sa cuisse.
Rachel, qui sort son téléphone pour filmer la scène, est interpellée avec ses deux camarades, après avoir pris soin de vite éteindre son portable.
Faute de pouvoir uriner, un homme finit aux urgences
Direction le commissariat du 19ᵉ arrondissement. Pour Rachel, la garde à vue va durer 20 heures. Seule en cellule, elle doit sauter le repas du soir mais dispose d’un bout de matelas. Après plusieurs fausses joies, elle finit par ressortir sans aucun chef d’accusation, vers 17 heures le vendredi. Pour Pierre et Sébastien, le traitement diffère. “Les policiers ont refusé de me donner un matelas, m’insultaient, et me faisaient attendre plus de deux heures pour me laisser aller aux toilettes. Un de mes codétenus s’est fait dessus, et les policiers se moquaient de lui. À un moment, j’ai commencé à en venir au mains avec un autre détenu, et les agents ont pris des paris sur qui allait gagner. Ils ont dit à certains détenus qu’ils allaient les violer, que s’il n’y avait pas les caméras dans le commissariat, ils nous auraient frappé…”, témoigne Sébastien en regardant la juge droit dans les yeux.
De son côté, Pierre relate avoir partagé sa garde à vue avec une personne qui demandait à se rendre aux toilettes. Souffrant de problèmes à la prostate, il ne peut faire ses besoins qu’assis. “Il a hurlé de douleur pendant au moins 1 heure avant que les policiers ne le laissent aller aux WC. Mais il devait rester debout, sous le regard des policiers, et n’a pas réussi à uriner. Il a dû être transporté à l’hôpital en urgence”, se rappelle Pierre.
Novices et mal renseignés sur leurs droits, les deux jeunes hommes donnent aux policiers l’autorisation de fouiller dans leur téléphone pendant leur détention. Les agents y trouvent des conversations compromettantes. “J’ai jeté des bouteilles sur un condé, c’était magique”, peut-on lire sur l’un des téléphones, tandis que sur l’autre, un message fait part des regrets de “ne pas retrouve[r] sa matraque télescopique.” Face à l’indéniable, les deux amis se défendent comme ils peuvent : “J’ai totalement menti, j’ai voulu faire le caïd devant mes copains”, lâche Pierre tandis que Sébastien, sur la même ligne, affirme ne jamais avoir eu de matraque. Reste un détail : les messages ont été envoyés le matin des faits, et ne peuvent donc pas correspondre aux délits commis plus tard dans l’après-midi. Si les conversations sont sans équivoque, le fait que les prévenus aient accepté de donner leurs téléphones aux forces de l’ordre prouve bien le côté “non-professionnel” des deux manifestants, plaide leur avocat, Arié Alimi.
“La maison d’arrêt, c’était la partie la plus cool du séjour”
Deux jours de garde à vue plus tard, Sébastien et Pierre doivent enfin passer devant un juge dans le cadre de la comparution immédiate. Mais, ce samedi, les tribunaux sont déjà surchargés. La garde à vue se transforme donc en détention provisoire. Une décision certes relativement rare, mais prévue par la loi, et dont plusieurs manifestants arrêtés le 23 mars ont fait l’expérience.
Incarcéré à Fresnes, Sébastien relativise. “Comparé à la garde à vue, la prison, c’est Disneyland. La maison d’arrêt est très sale, on n’a droit qu’à une douche tous les deux jours, mais les surveillants sont respectueux.” Même écho pour Pierre, déferré à Fleury-Mérogis : “la maison d’arrêt, c’était la partie la plus cool du séjour.”
Élevé selon ses propres termes “dans un milieu de droite, avec des valeurs pro-police”, Sébastien explique avoir “pris conscience” que “les violences policières [sont] réel[les], et que ce n’est pas juste de la propagande d’extrême-gauche.”
Stage de citoyenneté, travaux d’intérêt général et amende
Déclaré coupable d’avoir lancé une bouteille en verre contre le fourgon de police, Sébastien a écopé ce lundi de 70 heures de travaux d’intérêt général (TIG), ainsi que 650€ de dommages et intérêt à verser à chacun des deux policiers insultés. Pierre devra s’acquitter de la même somme, assortie d’un stage de citoyenneté de six mois .
Les trois amis réfléchissent actuellement à porter plainte suite aux conditions de leur garde à vue.
Le comportement des black-blocs est inadmissible dans une démocratie. Ils recherchent la bavure gravissime, mort de manifestant, qui créera une stupéfaction dans la population et espèrent ils : la révolution ! Mais il n’ont rien, absolument rien, à proposer.
Les bavures policières ne sont pas admissibles, et traduisent un manque d’encadrement et de formation dans certains groupes, non entrainés au maintien de l’ordre, mais ce qui c’est passé à l’occasion de la contestation des bassines relève d’une volonté de blesser et tuer des gendarmes : jets ininterrompus de pierres et de cocktails Molotov, incendie de véhicule, attaque de rangs de gendarmes … Ce genre de ‘guerre’, en sachant que les policiers ne tirent pas sur la foule et qu’on ne risque qu’un passage à tabac, est grotesque et scandaleux.
J’ai participé à de nombreuses manifestations : il y a toujours des incidents en fin de parcours. Quelques jeunes excités qui jouent aux héros, et une nuée de journaliste pour mettre en épingle les incidents, car une manif globalement tranquille n’est pas photogénique.
Il ne doit y avoir aucune complaisance ni excuses pseudo-intellectuelles à l’égard des Black-blocs.
Avec leur réponse disproportionnée ce ne sont plus les forces de l’ordre mais les forces du désordre.
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