Des dizaines de lettres échangées, puis des crimes en série: Monique Olivier, jugée à partir de mardi par la cour d’assises des Hauts-de-Seine pour complicité dans trois enlèvements et meurtres, dont celui de la petite Estelle Mouzin, rencontre Michel Fourniret par correspondance en 1987, alors que celui-ci est en prison.
Incarcéré pour viols et agressions sexuelles, il avait passé une petite annonce dans l’hebdomadaire catholique Le Pèlerin, cherchant une femme avec qui correspondre épistolairement.
À cette époque, Monique Olivier est “seule” : elle a fui un mari violent, ne voit plus ses deux enfants et travaille comme garde-malade chez une personne handicapée, explique son avocat, Me Richard Delgenes.
Elle lui répond et commence une correspondance dans laquelle celui qui n’est pas encore “l’ogre des Ardennes” parle sans cesse de son obsession pour les jeunes vierges. Contre la livraison de jeunes filles, il lui promet de s’en prendre à son ex-mari.
Un “pacte” est-il scellé dès ces échanges épistolaires ? “Non”, répond Me Delgenes. “Elle ne répondait pas directement” à ses propos obsessionnels sur la virginité, mais aux promesses de Fourniret de “créer une société” à deux à sa sortie de prison.
Femme “manipulable”, “qui veut faire plaisir” à son interlocuteur et “n’a aucune estime d’elle-même”, elle avait la personnalité pour devenir une “complice active” idéale, décrit son avocat.
Me Corinne Herrmann, qui défend des victimes, n’en a pas la même lecture : ces courriers “vont crescendo dans la violence”.
À sa sortie de prison, ils s’installent dans l’Yonne. En décembre 1987, ils tuent Isabelle Laville, le début de leur “descente aux enfers meurtrière”, selon Me Didier Seban, lui aussi avocat de familles de victimes.
C’est elle qui fait monter dans sa voiture la jeune fille de 17 ans. Puis un peu plus loin, un autostoppeur qui n’est autre que Fourniret. Il viole et étrangle Isabelle Laville dans leur maison de Saint-Cyr-les-Colons, puis jette son corps dans un puits à des kilomètres de là, au milieu de la nuit, à Bussy-en-Othe.
Monique Olivier ne le quitte pas.
“Une femme normale, même si elle peut avoir un moment de sidération, il y a quand même un moment où c’est insoutenable”, estime Me Herrmann.
En 1988, pour voler le magot du “gang des postiches”, un groupe de braqueurs, Fourniret, avec la complicité de sa femme, tue Farida Hammiche, 30 ans, épouse d’un ancien codétenu de Fourniret, Jean-Pierre Hellegouarch. Avec le butin, ils achètent le château du Sautou, dans les Ardennes.
Monique Olivier ira jusqu’à rendre visite en prison seule à Hellegouarch, qui ne sait pas encore que sa femme est morte, lui disant qu’elle et Fourniret s’inquiètent de ne plus avoir de nouvelles de Farida.
“C’est elle qui lui permet de devenir un meurtrier, il ne l’a pas été jusqu’ici : elle sait tout, elle participe à tout et quand elle participe pas, il lui raconte dans le détail, qu’il va chercher un -petit sujet, qu’il part ‘à la chasse”, affirme Me Herrmann.
Des scénarios de crimes pensés à deux
Le “scénario” des crimes “est construit et pensé” à deux, selon elle.
S’ensuit une longue liste de crimes de femmes.
Entre 1988 et 2003, il enlève, viole le plus souvent et tue Marie-Angèle Domèce, 19 ans, Fabienne Leroy, 20 ans, Jeanne-Marie Desramault, 22 ans, Elisabeth Brichet, 12 ans, Joanna Parrish, 20 ans, Natacha Danais, 13 ans, Céline Saison, 18 ans, Mananya Thumpong, 13 ans, Estelle Mouzin, 9 ans.
Monique Olivier “apprend à vivre avec” et racontera ensuite les détails des crimes “sans affect et sans émotion”, explique Me Herrmann.
L’ordonnance de mise en accusation, consultée par l’AFP, souligne toutefois que selon les experts, elle “n’aurait pas connu de passage à l’acte sans la dualité qu’elle formait” avec Fourniret.
L’enlèvement raté d’une adolescente en Belgique signe la fin de leur parcours meurtrier en 2003 : Michel Fourniret est interpellé par la police belge et placé en détention provisoire.
En 2004, après plus d’une centaine d’interrogatoires, Monique Olivier livre ses premiers aveux: elle accuse son mari des meurtres de neuf jeunes femmes ou adolescentes.
Le couple divorce en 2010, mais le pacte “perdure” selon Me Seban, pour qui “il y avait des affaires qu’ils voulaient garder pour eux”, notamment celle d’Estelle Mouzin.
“On pouvait, dans un certain temps, les mettre en contradiction”, “jouer l’orgueil de l’un contre l’autre” car d’après lui, “ce que n’a pas supporté Fourniret, c’est qu’elle parle, donc il a parlé à son tour”, ajoutant qu’elle était capable de “tenir tête” à son mari.
“Aujourd’hui, on n’a plus ça et elle est la seule à savoir ce qu’ils ont commis”, ajoute-t-il.
“Elle qui avait une vie sans relief, finalement, Fourniret lui aura fait avoir un destin exceptionnel, entre guillemets : un château, de l’or, des crimes”, conclut Me Seban.
par Margaux BERGEY
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